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N° 3.

15 Février 1878.

Vingtième Année.

JOURNAL

ET

DES BEAUX-ARTS

DE LA LITTÉRATURE.

DIRECTEUR: M. Ad. SIRET. paraissant deux fois par mois. ADMINISTRATION et CORRESPONDAN CE :

MEMBRE DE L’ACADÉMIE ROY. DE BELGIQUE, ETC. PRIX PAR AN : BELGIQUE : Q FRANCS. RUE MARIE-THÉRÈSE, 22, LOUVAIN.

_ ÉTRANGER : 12 FR. _

SOMMAIRE. Belgique : Les poètes de l’an dernier.
—Le peintre-graveur Hollandais-belge.—France:
Correspondance particulière : Richard Doyle. —
Michel-Ange. — Ventes Schuermans et O’Kelly.
— Dictionnaire des peintres. — Chronique géné-
rale, — Annonces.

Belgique.

LES POETES DE L’AN DERNIER.

AUGUSTE DAUFRESNE.

Poésies et chansons, z volumes.

Il y a eu dans le courant de l’année qui
vient de finir, une petite averse raffraichis-
sante de poésies venue fort à propos pour
faire contraste à ce flux de réalisme chaud et
brutal dont nos librairies et nos gares (librai-
ries concurrentes) ont été inondées. Eau pour
eau, pluie pour pluie, nous préférons nous
baigner la tête dans les vapeurs légères et
parfumées de notre petit ciel belge que de
barbotter dans la fange venue de.... mais
passons et allons au fait en droite ligne.

Seulement il nous sera permis de faire
remarquer que les poëtes dont nous allons
parler ont été traités avec une générosité
compromettante par des critiques trop enclins
à une indulgence patriotique, bonne en soi
mais dont l’exagération peut être funeste.
D’un autre côté il y a eu, en petit nombre,
des grincheux, des matérialistes à tout poil,
qui ont saisi l’occasion de dauber sur l’école
idéaliste, sur la poésie en meringue rose, sur
le genre Lamartinien usé jusqu’à la corde,
que sais-je. Tout cela est injuste, amis et
ennemis ont eu tort. Les uns connaissent
trop leur monde, les autres le connaissent
mal. Nous allons nous efforcer de ne pas le
connaître du tout; ce sera le meileur moyen
d’être juste.

Le poète ardennais Daufresne n’est pas
précisément le plus jeune de la troupe ; c’en
est même le doyen, soit dit avec le plus grand
éloge, car le brave et vieux militaire est resté
aussi jeune que les plus jeunes créations de
sa vivifiante et affectueuse muse. Quel noble
et chaste contraste avec ces poètes débraillés
qui chantent l’amour fiévreux des boudoirs
Puants du carrefour et qui suivent à la piste
tout ce qui est laid pour en faire sujet à
ripaille et à scandale dans le menu public !
Daufresne sourit aux choses saines et loyales
comme l’honneur sourit à la vertu. Je veux

bien que son langage soit de temps en temps
tacheté d’expressions surannées écloses au
soleil du premier empire et mortes avec lui,
je veux bien qu’il abuse de l’inversion au
point de ressembler parfois à un écolier
de syntaxe faisant des vers pour la première
fois, je veux bien qu’il ne vous enlève pas
toujours, mais au moins il vous élève tou-
jours et c’est quelque chose à une époque où
tout cherche à vous attirer plus bas que le
niveau. Oui , Daufresne aime toutes ces
belles choses anciennes et toujours nouvelles
qu’on nomme Dieu, patrie et religion. Ah!
le misérable, crie-t-on, je ne sais dans quels
bouges, qui croit encore à tous ces fan-
tômes et qui vient nous en corner aux oreil-
les. L’infortuné qui n’admire pas encore
notre Dieu-soleil, notre patrie-terre et notre
religion-raison et qui va parler honneur aux
hommes, vertu aux femmes et fleurs aux
jeunes filles, niais! —D’autres moins radi-
caux disent : c’est honnête mais c’est tout.
Comme si l’honnêteté en notre temps était
déjà une chose commune. N’a pas qui veut
cette lumière au front. Va, cher Daufresne,
continue dans ton sillage humble et doux, à
nous donner de petits chefs-d’œuvre comme
l’A rdenne, le Prêtre et le Soldat, l’Exilé, les
Hirondelles, F Eclat d’obus, les Adieux et
d’autres qui murmurent encore à mon oreille
leurs vers coulants et clairs comme l’eau chan-
tante de ton beau pays. Donne-nous encore
ces légendes qui dans ta voix ont ce caractère
simple et rustique qui leur convient si bien
et reste fidèle, ami, à ce Dieu, à cette patrie,
à cette religion qui t’aiment comme un de
leurs meilleurs, de leurs plus méritants ser-
viteurs.

Certes, dans ces deux volumes il y a par
ci par là quelques petites pièces que sans in-
convénient on aurait pu laisser tomber dans
l’oubli, mais si cela doit se faire cela se fera
bien tout de même et ce qui reste est assez
considérable pour faire pardonner à Dau-
fresne ses moments de faiblesse en supposant
toutefois que l’avenir soit de notre avis au
sujet des petites fleurs que nous croyons im-
parfaitement venues. Nous faisons cette ré-
serve , car il en est des chansons comme

des goûts et des couleurs_ Voyez par

exemple telle chanson de Béranger qui
passait jadis pour un chef d’œuvre et qui
maintenant.... Pierre Dupont, ce chanson-
nier tant prôné de la démagogie opprimée,

qui a eu parfois des éclairs fulgurants de gé-
nie, est bien négligé de nos jours. Antoine
Clesse, le joyeux philosophe, le patriotique
chansonnier montois, dans son brillant écrin,
compte des perles bien pâlottes ; Daufresne,
lui aussi, à ses défaillances, mais au moins si
Béranger fut sceptique, si Pierre Dupont est
révolutionnaire , si Clesse est philosophe ,
Daufresne est complètement chrétien. Pour
ceux qui aiment que le talent aît du cachet
c’est quelque chose. Jusqu’à présent je n’ai
pas encore rencontré d’œuvre véritablement
grande qui ne fut pourvue de la chaude et
éternelle lumière lumière de la foi.

Charles Potvin.

Journée d'avril.

Ce poème, un peu long, est mouvementé,
lumineux et il vibre d’un bout à l’autre d’une
note pleine et sonore qu’on entend avec plai-
sir. On ne peut demander à M. Potvin, le
croyant de jadis qui allait à vingt ans com-
munier à Notre Dame, d’être aujourd'hui
l’homme d’autrefois. Il n’a donc pu mettre
dans sa Journée davril ce nerf idéal et chré-
tien qui est comme la moëlle de toute grande
poésie mais au moins il faut le reconnaître,
si l’idée religieuse n'y a point déposé sa force
et son prestige, il y règne un souffle honnête
et pur ; une réelle noblesse de sentiments
humains dont, comme compositeur, il a tiré
un excellent parti. La dignité de l’homme
dans lés devoirs sociaux est très noblement
comprise et dépeinte; elle a inspiré au poète
des pensées d’une puissante envergure. J’ai
rencontré par ci par là des rudesses et des
obscurités,mais comme je ne fais pas un tra-
vail d’épluchures, je me borne à déclarer la
chose. Ceux qui regardent de près pour-
ront contrôler. Potvin est un poète de beau-
coup de valeur; s’il n’avait pas donné dans
les modes philosophiques du jour, rien ne se
fut opposé à ce que J’avenir l’eut appelé grand
poète. L’effondrement de ses croyances a
coupé les ailes de sa poésie qui s’élève en-
core,mais qui ne plane plus; qui frappe sou-
vent, mais ne fait jamais pleurer. C’est un
vrai désastre pour notre gloire littéraire que
le poète de la nation soit devenu le poète de
la raison individuelle et de sa caste !

M. FÉLIX FRENAY.-riuxchamps etàïatelier.
Voici venir une nature étrange: un ouvrier
 
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