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— 61 —

émules. » — Corneille ne se conçoit pus sans
Molière, Jeanne d’Arc appelle Jeanne Hachette.
L'Hospital et d’Aguesseau, Turenne et Vauban,
Gœthe et Schiller ne sont pas séparables dans
l’esprit du sculpteur.

Et le statuaire compte sur l’avenir pour tra
duire son aspiration dans sa plénitude.

Alors qu’il affine un marbre solitaire, ce
marbre n’est pour lui qu’une ébauche, un
fragment du groupe entrevu et rêvé.

Le groupe est au sommet de toute pensée
d’artiste.

IV.

Telle est l’importance du groupe en sculp-
ture. Mais les difficultés qui s’opposent à sa
perfection doivent être grandes. Y a-t-il des
règles que le statuaire soit tenu d’observer
pour bien exécuter un groupe ?

Assurément.

Si le groupe est l’expression complète de
l’art, s’il est la création pleinement réalisée
dans le marbre ou le bronze, il va de soi que
les lois générales de la statue s’appliqueront
au groupe, mais elles reçoivent une extension
naturelle du caractère multiple du sujet traité.

V.

Nous avons dit précédemment la genèse de
l’inspiration chez l’artiste, le symbole de la
pose, du nu, du vêtement, des attributs dans
l’œuvre sculptée ; nous ne reviendrons pas sur
ces questions (1).

Aucun des principes que nous avons posés
jusqu’ici ne doit être mis en oubli par le sculp-
teur qui veut produire un groupe.

Mais l’artiste ne serait pas suffisamment
armé contre l’obstacle si nous n’exposions les
règles spéciales en dehors desquelles le groupe
ne peut exister.

VI.

Le groupe est simple ou il est composé.

La dualité est le caractère essentiel du groupe
simple ; la multiplicité, celui du groupe com-
posé.

En effet, il ne saurait y avoir union, rappro-
chement, sans que deux personnes soient en
présence, et, d’autre part, plus une assemblée
compte des membres nombreux, plus aussi le
groupe en est imposant.

VII.

Sur quelles lois repose le groupe simple ?

Sur une loi de parité et sur une loi de pro-
portion.

VIII.

Nous ne rappelons pas ici ce que nous avons
toujours dit, il savoir qu’aucune œuvre n’est

(1) Voir la Sculpture au Salon de 1873, précédée
d’une Etude sur l’Œuvre sculptée ; — la Sculpture au
Salon de 1874, précédée d’une Etude sur le Marbre ;

•— la Sculpture au Salon de 1875, précédée d’une
Etude sur le Procédé ; — la Sculpture au Salon de
1876, précédée d’une Etude sur la Statue.

possible sans unité. Tout ce qui n’est pas un
manque de vie, et par conséquent ne saurait
prétendre à la durée. Ce principe ne peut-être
éludé. Il est à la fois le point d’appui et la
splendeur de toute chose créée, l’Auteur des
mondes étant lui-même l’unité suprême. Ce
principe posé, demandons-nous en quoi con-
siste la loi de parité.

Burkc va nous l’apprendre : « La succession
et l’uniformité des parties, écrit le philosophe
anglais, constituent l’infini artificiel (l). »

La succession étant inévitable dans une œu-
vre d’art telle que le groupe qui comporte
plusieurs personnages, nous trouvons superflu
de rechercher dans quelle mesure elle con-
court au sublime. Il est évident que des impul-
sions répétées accoutument nos sens à suivre
une direction dont le terme dépassera la limite
réelle des objets. Notre esprit, sollicité de se
mettre en mouvement, perçoit l’idée de pro-
grès dans les appels successifs des sens. Et dès
que la commotion passe du domaine des sens
dans celui de la pensée, il se fait, — si la
comparaison nous est permise,—-sur les ondes
plus pures de l’intelligence, comme une suite
de vibrations grandissantes, et cet ébranlement
magnifique jette le spectateur d’un chef d’œu-
vre dans les joies de l’extase.

IX.

Mais comment un philosophe ose-t-il mettre
en regard de la succession des objets leur uni-
formité? Y a-t-il lieu de penser que ce carac-
tère singulier soit de nature à flatter l’esprit?

Oui. Et voici,d’ailleurs,quelle preuve Burke
lui-même apporte à l’appui de sa thèse :

« L’uniformité, dit-il, est nécessaire si l’on
veut porter la pensée au delà du réel ; car, si
les parties changent de figure, l’imagination
rencontre un obstacle à chaque changement.
Toute altération devient le terme d’une idée et
le commencement d’une autre : dès lors, il
reste impossible de poursuivre cette progres-
sion ininterrompue qui seule peut imprimer
aux objets bornés le caractère de l’infinité (a).»

Nous trouvons dans ces lignes le principe de
parité nécessaire à la composition du groupe.
Qu’est-ce que la ressemblance, l’égalité de na-
ture, la valeur correspondante, la relation
réciproque, sinon ce que le critique anglais
appelle l’uniformité ?

X.

Essayez d’enfreindre cette loi, le groupe
cesse d’exister.

Il y a bien sur ce même socle, sur ce même
carré de marbre plusieurs êtres juxtaposés,
mais, si voisins qu’ils soient, la loi de parité
ayant été méconnue, je ne puis voir dans votre
œuvre que des objets distincts, sans relation
vraie, à jamais séparés par la différence des

(1; Recherches philosophiques sur l'oriijine de nos
idées du sublime et du beau, pur Edmond Bukke, tra-
duit de l’anglais par E. Lagentie de Lavaisse. Paris,
Jusserand, an XI, in-8°.

(2) Recherches philosophiques.

natures, des aptitudes, du caractère, de la
puissance, de la forme elle-même : encore une
fois, il n’y a point de groupe.

Laocoon, sans ses fils, se tordant sous les
étreintes du reptile qui l’enserre, ne serait
plus autre chose qu’une statue. L'Hercule étouf-
fant les serpents, à la Galerie de Florence ;
Ulysse sous le bélier, s’échappant de l’antre de
Polyphénie, à la collection Pamphili ; Gany-
rnède enlevé par l'aigle, au Musée Pie Glémen-
tin ; Europe emportée par le taureau, au Vati-
can ; Léda et le cygne, au Musée Saint-Marc,
à Venise : Diane à la Biche, au Musée du Lou-
vre, sont des statues.

Est ce donc que le sculpteur inhabile n’a
pas su enlacer assez étroitement l’homme et
l’animal pour qu’il y eût unité dans son œuvre?

Non. Ce n’est point le talent qui a manqué.

Des marbres que nous rappelons, plusieurs
méritent d’être dits sans lacunes. Hercule est
en lutte avec les serpents ; Ulysse, tremblant
de peur, se cramponne avec désespoir à la toi-
son du bélier ; Ganymède s’élève avec grâce
dans les airs, emporté par l’aigle ; Léda re-
pousse Jupiter transformé en cygne ; Diane
la chasseresse modère avec vérité une jeune
biche dans sa fuite ; mais si la composition
demeure à l’abri de la critique, je ne retrouve
pas ici l’unité que réclame le groupe, parce
qu’il n’y a pas relation directe entre l’animal
et l’homme, toute parité entre eux étant im-
possible. Aussi ne craignons-nous pas d’alïïr-
mer que les maîtres qui oui sculpté de telles
œuvres n’ont pas cru faire des groupes.

XI.

Nous avons dit qu’après la loi de parité, une
loi de proportion s’impose au sculpteur s’il
veut composer un groupe.

Il suffira de quelques exemples pour mon-
trer l’évidence de ce principe.

Le Bacchus couché caressant un petit en-
fant, au Musée du Louvre ; le Centaure por-
tant un Génie sur sa croupe (t), le marbre
colossal du Nil sur lequel seize figures d’en-
lants sont disposées avec art, dans une inten-
tion allégorique (a) ; Silène portant Bacchus {s),
sont des statues, non des groupes.

Il est vrai, une relation directe existe cette
fois entre les figures que l’artiste a réunies,
mais il n’y a pas équilibre entre elles ; elles
manquent de proportion. L’enfant que caresse
Bacchus, le Génie qui lutine le Centaure, les
figurines rapportées après coup sur l’image du
Nil, le jeune dieu du vin porté dans les bras
de Silène, ne sont guère que des accessoires
(pii ajoutent, sans doute, au mérite du sujet
principal, mais sans modifier cependant son
autonomie.

XII.

Nous en convenons, la loi de proportion ne
saurait être d’une rigueur absolue. Tel artiste

(1) Au Mus6e du Louvre.

(2; Au Musée du Louvre.

(3) A la Gbyptothèque de Munich.
 
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