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— 115 —

fils affinés, son parfum primitif, n'est-ce
donc pas assez pour nous séduire ?

XIX

Parler de glyptique aujourd'hui, c'est faire
œuvre d'érudition. Pourquoi n'est-ce pas
simplement œuvre de critique ?

Le nombre des graveurs décroit.

Au sortir de l'École, ils forment encore un
petit groupe. Attendez vingt ans, la stance
du poète peut leur être appliquée :

A ce chœur joyeux de la route
Qui commençait à tant de voix,
Chaque fois que l'oreille écoute, y
Une voix manque chaque fois...

Après tout, ce n'est pas leur faute si la
presse reste muette en face de leurs œuvres.
Ils n'ont pas mérité notre indifférence.

C'est sans motifs que nous considérons le
graveur en pierres fines comme l'annaliste
obligé du pouvoir, et rien de plus. Au len-
demain d'une fête nationale, si nous nous
demandons qui va garder la trace de l'évé-
nement de la veille, on entend cette réponse:
L'État fera sagement de commander un
camée !

Le rôle dévolu à la glyptique est réduit
ainsi à un enregistrement qui est un des
privilèges de la gravure en médailles. Et, si
la médaille est le signe commémoratif le
plus logique d'un événement politique, il
n'en est pas de même du camée.

Le temps que met l'artiste à graver sa
pierre lui enlève tout caractère d'actualité.
En outre, son œuvre est unique, on ne peut
espérer de la multiplier.

La médaille, — nous l'avons dit ailleurs,
— est la monnaie de l'art. Rapidement gra-
vée, tirée à grand nombre, elle circule de
main en main.

La médaille est le mémorial le plus popu-
laire.

L'intaille et le camée ont des états de ser-
vice d'un autre ordre. Les anciens ont de-
mandé à la glyptique des miniatures religi-
euses, historiques, iconiques et allégoriques.
La théogonie grecque, les déifications ro-
maines, l'image des guerriers, des orateurs,
des courtisanes, les fables des poètes ont
inspiré les graveurs de l'antiquité. Ils nous
instruisent par l'image, et l'ancien monde
ne pouvait léguer aux modernes des précep-
teurs plus habiles ou de meilleures leçons.

XX

C'est au temps d'Isménias, le joueur de
flûte, que remonte la gravure sur émeraude.
« La découverte de ce genre de travail, écrit
Pline, est établie d'une manière certaine par
un édit d'Alexandre le Grand. Ce prince
défendit à tout autre que Pyrgotèle, le plus
habile sans doute en cet art, de graver son
portrait sur pierre précieuse ; après Pyrgo-
tèle, Apollonidès et Cronius y excellèrent,
comme aussi Dioscoride. »

Ainsi parle le Naturaliste, et depuis tan-
tôt deux mille ans, ces quatre noms de gra-
veurs dominent l'histoire de la glyptique.

XXI

Au siècle dernier, le baron de Stosch
possédait un fragment de sardoine sur la-
quelle Apollonidès avait gravé une vache
couchée. La pierre, de forme ovale, avait
mesuré, lorsqu'elle était intacte, un peu plus
de vingt millimètres. Stosch ne possédait
que le tiers de ce joyau, mais à côté de l'in-
taille laissant apercevoir une partie de la
tête, l'épaule droite et les deux jambes de
devant, le nom d'Apollonidés restait lisible.
Le duc de Devonshire acheta ce fragment
mille guinées.

XXII

Le même amateur avait dans son cabinet
une intaille de Cronius. C'était une figure de
Persée gravée sur cornaline.

XXIII

Nous avons dit qu'une intaille de Diosco-
ride est au Cabinet des antiques. Une tête de
jeune fille, attribuée à ce maître, existait
dans la collection du duc de Marlborough.

XXIV

Un portrait d'Alexandre, inachevé, égale-
ment chez le duc de Marlborough, est re-
gardé, au dire de Laurent Natter, comme
une œuvre de Pyrgotèle. C'est un camée sur
sardonyx à deux couches. Alexandre, vu de
profil, porte un casque délicatement orné ;
la tête est rejetée en arrière; l'œil enflammé,
les lèvres entr'ouvertes, les narines frémis-
santes, tout dans l'image dujeuneconquérant
semble aspirer la victoire.

XXV

Puisque nous parlons du célèbre amateur
britanique, ne quittons pas sa collection sans
rappeler la vigoureuse intaille d'Eutychés,
élève et peut-être fils de Dioscoride : c'est
une Minerve gravée sur améthyste. Une in-
taille de Csemus, artiste grec, représente
Ganymède enlevé par l'aigle. On croit que
cette pierre est une imitation du groupe de
Leocharès, mais l'éclianson des dieux, dans
l'œuvre sculptée, est vêtu ; l'éphèbe gravé
par Csemus est nu, et c'est à peine si l'aigle
de Jupiter semble effleurer l'épiderme de
l'enfant qu'il emporte dans ses serres, tant
le graveur a su traiter son intaille avec un
talent supérieur.

Signalons encore le portrait présumé du
jeune Antonin, sur cornaline, par ^Elius ;
mais l'œuvre sans rivale du cabinet Marlbo-
rough, c'est le camée des Noces de Psyché
et de Cupidon. Plus d'un archéologue a pro-
clamé cette pierre le chef-d'œuvre de la gra-
vure antique. D'autres prétendent, il est vrai,
que ce camée serait moderne. ïryphon l'a

signé. Le même artiste avait gravé une
Nymphe au sujet de laquelle il existe une
épigramme d'Addœus dans Y Anthologie. Si
remarquable toutefois que pût être ce travail,
nous avons peine à croire qu'il ait égalé le
camée des Noces de Psyché.

Gravée sur une sardonyx à deux couches,
cette scène se déroule sur un fond noir. Les
personnages sont modelés dans une couche
rose pâle aux tons de chair. Un Amour, de-
bout vers la droite, prépare le lit nuptial,
tandis qu'un second Amour, portant un
flambeau sur son épaule, tient l'extrémité
d'une guirlande de fleurs passée dans les
mains de Psyché. Près d'elle est son fiancé,
pressai.t dans ses bras une colombe. Un
Amour ferme le cortège et tient suspendue
sur la tête de Psyché une corbeille de fruits.

Tous les acteurs de cette scène sont en
marche ; on dirait un fragment des Pana-
thénées. Psyché s'avance, enveloppée d'nne
robe aux longs plis, et le voile de gaze légère
qui couvre sa tête permet de distinguer ses
traits. Un voile semblable est jeté sur le front
de l'Amour et flotte autour des épaules.

J'admire le penseur et le praticien chez
Tryphon. Sans rien sacrifier de l'ordonnance
qui convenait aux Noces de Psyché, sans né-
gliger aucun détail, l'artiste, auquel s'impo-
sait le ton de chair de la couche supérieure
qu'il devait graver, se sentait invité à ne
modeler que des corps nus. Mais comment
concilier le rite nuptial, la réserve, la pudeur
de Psyché avec l'absence de vêtements ?
Tryphon n'oublie pas la tradition mythique ;
en artiste de génie, il jette sur Psyché et sur
la tête de l'Amour le voile des fiancés, et la
pierre complaisanle ajoute à l'illusion par
sa teinte monochrome. Le voile a la trans-
parence de l'atmosphère ; il laisse discerner
les lignes du visage, et le fin tissu semble
recevoir sa couleur de la carnation rayon-
nante de têles qu'il recouvre. Or, ce poëme
sans lacunes est raconté sur une gemme de
quarante-quatre millimètres.

XXVI

Tel est l'achèvement, telle l'exquise beauté
des pierres gravées par les anciens. Et nous
n'avons rien dit du Diomède de Félix, de
VAchile au bord de la mer, de Pamphile, pu-
bliés par Bracci ; de VAchille Cilharède,
également de Pamphile ; des intailles d'A-
riston, de Pansus et d'Hyllus, de notre
Cabinet des Antiques. Ces chefs-d'œuvre
sont plus connus.

Vienne n'est pas moins riche que Paris.
Berlin, La Haye, Naples, Saint-Pétersbourg,
possèdent d'importantes collections ; c'est
c'est en France, on le sait, qu'a été formée
celle de Saint-Pétersbourg, acquise par Ca-
therine II, au prix de cent mille écus.

XXVII

Ne soyons pas surpris de l'influence de ces
monuments dans l'éducation du goût.
 
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