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vinrent les Arabes ; et depuis 1090, l'île par-
tagea les vicissitudes de la Sicile. Elle connut
la domination des Normands, desHohenstauen,
des maisons d'Anjou et d'Aragon, et en '1536
Charles Quint la donna aux chevaliers hospita-
liers de S. Jean de Jérusalem. Pendant tout le
moyen-âge, Malte fut un des principaux bou-
levards de la chrétienté contre les envahisse-
ments de l'Islam ; et maintenant que le crois-
sant victorieux avait successivement chassé les
glorieux fils de Gérard de Martigues (1) de la
Palestine et de Cypre, que Soliman II venait
de les expulser de Rhodes, Malte devenait
pour eux un dernier refuge. Depuis leur éta-
blissement dans l'île ils ne cessèrent d'être la
terreur des pirates de Barbarie ; et, en 1565,
ils infligèrent une sanglante défaite à la flotte
de Soliman II qui assiégeait Malte sous le
commandement de Mustapha-Pacha (2). Enfin
en 1798, Bonaparte en se rendant en Egypte,
s'en empara grâce à l'indolence du Grand-
Maître Hompesch et à la trahison des quelques
chevaliers gagnés par Poussielgue (3). L'An-
gleterre la lui enleva en 1800. D'après le
traité d'Amiens, elle aurait du la rendre aux
chevaliers, mais elle n'en fit rien ; et le traité
de 1814 vint confirmer sa conquête. Depuis
lors, Malte est pour la Grande-Bretagne moins
une colonie qu'un port militaire de premier
ordre.

On peut se demander maintenant quelle
influence chacune des nations qui ont occupé
Malte ont exercée sur le développement de sa
civilisation. Les éléments nouveaux introduits
dans l'île se sont-ils assimilés les anciens Phé-
niciens ou bien est-ce la population primitive
qui a attiré à elle les nouveaux occupants, ou
bien encore aucune lusion de race ne s'est-
elle opérée? On ne saurait résoudre ces déli-
cates questions en quelques pages.

Avant de parler de l'archéologie maltaise,
signalons cependant quelques particularités
de la langue de Malte et de Gozo. Le phéni-
cien était la langue primitive. Le phénicien
ou punique fut parlé en Sicile et en Espagne ;
il fut en usage en Afrique jusqu'à l'invasion
des Barbares; mais nulle part cette langue
ne s'est maintenue avec autant de persistance
qu'à Malte. La domination arabe modifia no-
tablement le maltais, mais aujourd'hui encore
le fond de l'idiome populaire est sémitique (4)
Le système de numération, les noms de jours,
les mots élémentaires, constitutifs de tout lan-
gage, eau, frère, fils, fille... sont d'origine sé-

(1) Les chevaliers de S. Jean fondés par Gérard
de Martigues et confirmés par Pascal II en 1113.
L'ordre de Malte existe encore, mais comme insti-
tution charitable.

(2) Richeld Grivel. Siège de Malte par les Turcs
en 1565. Correspondant. 1861, t. 52.).

(3) M. de Panisse-Passis vient de publier chez
Didot les mémoires historiques de P. J. Doublet
sur l'invasion et l'occupation de Malte par une ar-
mée française en 1798.

(4) Le monde officiel se s®rt de l'anglais et dans
la bonne société l'italien est la langue habituelle.

mitique (1). M. Caruana a joint aux inscrip-
tions phéniciennes, trouvées dans l'île, une
traduction maltaise, et l'on est frappé de la
ressemblance entre l'original phénicien et la
traduction moderne. Ceci nous permet de con-
clure que l'élément maltais primitif, c'est-à-
dire l'élément phénicien a prévalu sur les
divers peuples qui occupèrent Malte depuis
la colonisation grecque jusqu'à l'époque ac-
tuelle.

Une question non moins intéressante, et sur
laquelle nous pouvons insister davantage ici,
est celle de savoir jusqu'à quel point les mo-
numents de Malte présentent un caractère pro-
pre. A Cypre, la langue, l'écriture, la sculp-
ture, tout porte l'empreinte d'un mélange de
l'élément oriental avec les tendances euro-
péennes, tout est transition, et cette transition
a son cachet qu'on ne retrouve nulle part ail-
leurs. A Malte rien de pareil. Chaque peuple
y a construit des monuments conformément à
ses principes artistiques, mais aucune fusion
ne s'est opérée. Il n'y a donc pas de monu-
ments maltais possédant un caractère propre,
mais on trouve à Malte des constructions phé-
niciennes, grecques ou romaines.

Disons en quelques mots en prenant M. Ca-
ruana pour guide.

Comme antiquités phéniciennes, il existe
plusieurs constructions mégalithiques, en ap-
pareil cyclopéen sans mortier ni ciment, dont
une des mieux conservées est la Gigantia de
Gozo qu'on suppose avoir été un temple d As-
tarté, la Vénus phénicienne. Ce sont deux
temples d'inégale grandeur, réunis par un
mur extérieur. Le plan en est singulier. Qu'on
se représente une grande nef terminée en
abside et coupée par deux transsepts paral-
lèles se terminant aussi en abside. Ce plan
affecte à peu près la lorme d'un double trèfle.
Dans le grand temple le second transsept est
le plus long, tandis que dans l'autre c'est tout
le contraire. La longueur du premier est de
48 p. et sa plus grande largeur de 77 ; pour
le second ces mesures sont respectivement de
45 et de 56 pieds. L'appareil cyclopéen est
des plus irréguliers, il est composé de grands
blocs de formes diverses entremêlés de pierres
plus petites. On a trouvé divers objets dans la
tour des géants, entre autre deux blocs ornés
sur deux faces d'une sculpture en forme de
rosace et une pierre sur laquelle est sculptée
un serpent (2).

A Malte même nous signalerons d'abord
YHagiar Kim, temple de forme elliptique,
composé de sept chambres consacrées aux
sept frères Kabiri (DU potentes). L'appareil
cyclopéen est plus régulier que celui de la
Gigantia. Non loin de l'Hagiar Kim se trouve
le Mnaidra, peut-être un temple à Eshmum
(Esculape), construit sur un plan analogue à
celui de la Gigantia. L'appareil est assez ré-

(1) Cf. Amabile Preca. Saggio intorno alla lin-
gua nxaltese corne affine delV Ebreo. Malta, 1880.

(2) Lacroix. Malte, p. 55 et pl. 27.

gulier et fort beau, il n'est pas sans quelque
ressemblance avec celui des murs de Mycènes.
On y constate un premier essai d'ornementa-
tion : les pierres sont pointillées avec une
certaine symétrie. Le Mnaidra est mieux con-
servé par l'Hagiar Kim. On y rencontre déjà
des monolithes de grande dimension, une des
architraves a 9 pieds sur 4.

Du temple de Melkarte (Hercule), si re-
nommé dans l'antiquité, il ne reste que peu
de débris L'appareil n'est pas bien régulier,
mais on y trouve déjà des colonnes monolithes;
et de celui d'Astarté, il existe à peine quel-
ques substructions. Non loin du temple de
Melkarte, se trouvent les restes d'un réservoir
d'eau phénicien soutenu par de grands piliers.
Cette construction, fort parfaite, rappelle les
réservoirs qui existent près du golfe de
Naples, les piscina mirabilis de Baia, par
exemple.

De l'examen de ces diverses constructions,
il ressort que toutes étaient hypétrales et que
la forme circulaire ou absidiale sans voûte
était celle que préféraient les Phéniciens. Ces
monuments sont d'autant plus importants que
nulle part, pas même en Phénicie, on ne
trouve des temples phéniciens aussi complets.
Les découvertes faites par M. Renan en Phé-
nicie appartiennent presque toutes à une
époque de civilisation plus avancée à laquelle
l'Egypte avait déjà exercé son influence sur
l'architecture phénicienne. C'est tout au plus
si l'on peut rapprocher des temples maltais
certaines ruines d'Oum-el-Awamid qui, à
première vue, présentent un aspect cyclopéen,
mais dont la construction est de date relative-
ment récente (1). A Malte par contre on a
devant soi des monuments de l'art phénicien
primitif.

On a trouvé, tant dans ces temples que dans
diverses parties de l'île quelques statuettes égyp-
tiennes, des poteries phéniciennes, de beaux
vases phéniciens et des sarcophages anthropoï-
des. Cette forme, tantôt en terre cuite, tantôt
en marbre,est essentiellement phénicienne. On
en a trouvé non-seulement à Malte, mais aussi
en Phénicie, en Sicile et en Corse. « Jamais,
dit M. Renan (2), on ne les a trouvés dans les
pays où les Phéniciens n'ont pas eu de co-
lonie. » En fait de sculpture la découverte la
plus précieuse est celle qui fut faite dans
l'Hagiar Kim de sept statuettes acéphales
représentant les Kabiri accroupis. Deux sont
de sexe féminin (Axieros-Cérès et Axiokersa- _
Proserpine). Ces statuettes sont informes et
d'un travail très-grossier. Ces fragments de
sculpture constituent avec ceux qui sont con-
servés à Paris et à Marseille les principaux
éléments d'une étude de la sculpture phéni-
cienne. On pourrait rapprocher aussi ces
Kabiri des monuments d'iecla du musée de
Madrid ; et en les examinant minutieusement
on finit par découvrir leur caractère franche-

(1) Renan, Mission de Phénicie, p. 704 et pl.50.

(2) Renan, p. 428 et pl. 59.
 
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