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l'art plastique vivait. Sans égaler l'antique, il
suivait une voie nouvelle pleine de succès,
d'œuvres saines et viriles, manifestations sa-
vantes ou gracieuses d'une pensée demeurée
jeune, alerte, fertile et noble.

Ces temps sont loin. Le jour tombe, l'om-
bre grandit, il fait froid sous le ciel d'Eu-
rope pour la sculpture. J'entends dire que
plus d'un statuaire a faim... Et ne croyez pas
que ce soient seulement des manœuvres, des
tailleurs de marbre, des praticiens vulgaires
qui aient faim. Il y a parmi les délaissés plus
d un homme de talent.

Le talent! mais c'est précisément ce qui
Parfois éloigne. Le talent vit de respect. Or,
les ignorants, les dédaigneux de l'art, du beau,
de l'idéal ne veulent pas de cet homme res-
pectueux de la nature, respectueux de la tra-
dition qui traite le marbre, la forme humaine,
la pensée, comme un joaillier son diamant.

Quelle issue? Une seule.

Les États ont charge d'art.

Ne laissez pas le sculpteur tributaire d'un
public qui a désappris la forme et l'idée. Ne
faites pas de l'art plastique le client d'une
opinion qui s'éloigne de lui, car cet art divin
s'abaissera. Il fera des concessions. Vous le
surprendrez flattant le goût public dans ses
instincts bourgeois, sans noblesse, sans di-
gnité.

Alors, où sera l'œuvre de l'Eden reprise par
le statuaire au temps de sa pleine liberte?
Où seront les marbres d'Athènes? Où les
chefs-d'œuvre de l'immortel Michel-Ange et
de Jean Goujon.

Le seul riche aujourd'hui, c'est l'Etat, c'est
le Gouvernement qui détient le pouvoir et
administre la fortune publique. Lui seul, en
France du moins, possède des palais. C'est
donc à l'Etat qu'incombe le soin glorieux
d'être le Mécène des arts méconnus ou dédai-
gnés.

A lui de maintenir l'inspiration, à lui d'en-
courager par des travaux de grand style les
maîtres d'œuvres que ne recherche plus le
peuple oublieux du Beau.

Le Budget de l'État ne porte-1 il pas un
nom plein de promesses : le Trésor!

O vous qui de vos mains puissantes pouvez
puiser dans le Trésor, soyez généreux, soyez
grands! Ne donnez pas toujours à la force
sans donner à l'idée. Oubliez la matière pour
vous laisser ravir par les clartés invisibles,
rnais réelles, soyez les défenseurs des séduc-
tions de l'art, et l'art qui est l'un des souve-
rains de ce monde, parce qu'il est la splen-
deur de la vérité, l'art vous rendra dans la
paix et l'ennoblissement de la nation ce que
vous lui aurez accordé. Vous percez des
squares et des avenues, ô gouvernants! c'est
tien. Mais l'air respirable n'est pas tout...

Allez, multiplier les marbres

En un sublime entassement;

L'art, bien mieux que l'ombre des arbres,

Mêle au repos l'enseignement.

C'est trop déjà que, devant des décou-
vertes modernes qui n'ont ni son mérite ni
sa durée, la gravure en taille-douce ait suc-
combé. Le lithographe, le photographe,
l'aqua-fortiste vivent et prospèrent, mais où
est le graveur? Ne nous [exposons pas, par
un abandon qui serait une faute, à dire dans
vingt ans : « Où est le sculpteur?»

Il en sera de la sculpture comme de la
glyptique partout où l'État se désintéressera
d'un art que le public ne comprend plus et
ne peut encourager. Il est donc du devoir
des Gouvernements de se préoccuper de l'art
plastique, comme il est du devoir des sta-
tuaires de ne pas fronder l'État sous un faux
prétexte d'indépendance.

A quoi bon des Sociétés libres, des Salons
libres, si cette liberté bruyante, plus appa-
rente que réelle, doit aboutir à éloigner
l'État d'un groupe d'artistes qui ne trouve-
ront d'appui que dans l'État?

Loin de nous la pensée de rêver pour le
Gouvernement une sorte de tutelle sur
l'école. Ce que nous souhaitons, c'est que le
pouvoir se pénètre de la nécessité de secon-
der les statuaires par des œuvres monumen-
tales, éloquentes, nombreuses, Il y va de
notre gloire à nous, peuples modernes qui,
sans y prendre garde, nous laissons envahir
par la vapeur, par l'électricité, par l'agiotage,
tandis que s'éteignent près de nous dans
l'inaction ces hommes d'enseignement, ces
auxiliaires habiles, ces charmeurs divins dont
les poèmes, fussent-ils devenus frustes êt
mutilés, ne cessent d'enchanter : les sculp-
teurs.

Je vous ai répondu. Vous savez mainte-
nant quelles raisons m'inclinent à parler
sculpture. La noblesse de cet art, le péril que
lui fait courir l'émiettement de la richesse,
l'obligation pour l'État de se préoccuper,
non pas du sculpteur, mais de l'art du sculp-
teur, tels sont les véritables motifs qui me
déterminent à ne pas déserter la cause de la
sculpture.

Si vous m'approuvez, faites mieux que
moi. Défendez ce grand art avec un talent
que je n'ai pas.

Bien à vous. H. JOUIN.

TABLES PARLANTES

A PROPOS DES CANTATES DE BEETHOVEN.

>< M. Ed. Hanslick, un des critiques musi-
caux les plus autorisés de l'Allemagne, an-
nonce qu'un dilettante de Vienne a mis la
main sur deux cantates de Beethoven, qui
n'avaient jamais été imprimées, et passaient
pour perdues.

» C'est à Bonn que le grand maître, alors
tout jeune, a composé ces deux œuvres :

» Cantate de deuil sur la mort de Joseph II
(1790).

» Cantate pour Vavènement au trône de
Lêopold II (1792).

» Après avoir fait partie de la bibliothèque

de M. Beine, à Vienne, elle furent achetées
par le compositeur J. N. Hummel, qui les
avait vendues à un vieux marchand de livres
de Leipzig, où les découvrit, en furetant,
M. Friedmann, de Vienne.

» Les manuscrits sont entiers, pas une
page ne manque. »

Cette nouvelle que nous extrayons des jour-
naux musicaux d'Allemagne, nous remet en
mémoire que vers 1843, alors que régnait la
fureur des tables tournantes et parlantes,
Charles de Bériot, le grand violoniste, qui
avec Jobard, entre autres, était fanatique de
la nouvelle toquade, fit un jour comparaître
l'esprit de Beethoven à la table. Quand il fut
là, il lui demanda ce qu'étaient devenues plu-
sieurs de ses cantates manuscrites qu'on ne
retrouvait pas. Beethoven l'ignorait, mais il
répondait qu'il allait les dicter et que pour ce
faire il fallait attacher au pied de la table un
crayon qui manœuvrerait sur des portées
préparées. De Bériot fit outiller l'engin néces-
saire, à la suite de quoi F esprit de Beethoven
écrivit une des cantates. Nous ne savons quelle
suite reçut cet incident fantastique, car ce
fut peu de temps après que de Bériot devint
malade et perdit complètement les yeux déjà
fortement compromis. Quelques mois après
Jobard lui-même mourut. Nous pouvons affir-
mer que la manie des tables parlantes exerça
une influence fatale sur l'esprit de ces deux
hommes célèbres à des titres divers.

A cette époque la société bruxelloise était
affolée du prodige nouveau sur lequel l'Aca-
démie des sciences, de Paris, consultée, ré-
pondit obscurément et évasivement. Plusieurs
savants belges étudièrent la question à fond
et, de guerre lasse, l'abandonnèrent. Le Hon,
capitaine d'Etat-major, auteur d'un Manuel
d'astronomie estimé, fut un de ceux qui s'oc-
cupèrent le plus obstinément de reehercher
les causes du phénomène II passa des jours
et des nuits à se livrer à des expériences qui
donnèrent des résultats aussi extraordinaires
que peu concluants. Il finit aussi par se fati-
guer et consigna ses observations dans les
journaux du temps. Patania, chanteur italien
très en vogue, Ricci, le compositeur, Mira,
fils de Brunet, Louis Huart, l'artiste, Van
Capenbergh, le ténor, le chanteur Michaud,
colonel aux guides, et beaucoup d'autres qui
donnaient alors le ton au mouvement mondain
bruxellois, payèrent leur dette avec frénésie
à la folie du jour qui dura un an ou deux et
compta plusieurs victimes. Il y a une dizaine
d'années cette mode a essayé une résurrection,
mais sans succès.

LETTRE DE M. VAN DEN BUSSCHE.
Nous recevons de M. Van den Bussche la
lettre suivante qui mérite réflexion :

Monsieur le Directeur,

J'ai, il y a près de trois ans, publié dans
votre journal une lettre dans laquelle j'expo-
sais le plan général d'une fédération entre
 
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