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VITRAUX DE BOURGES.
chute d'un cheneau qui a brisé six médaillons, pour le moins, en se précipitant des galeries supé-
rieures. Et peut-être ce vitrage ainsi dégarni ne paraît-il plus guère à certains curieux mériter l'at-
tention. Il la mérite toutefois, même dans sa mauvaise fortune actuelle, et me semble prouver pour sa
part que les cartons de Bourges ont été conçus dans un genre plus sévère et beaucoup plus grandiose
que ceux de Chartres. On en verra d'autres preuves, et ce vitrail particulièrement fournira plusieurs
preuves de cette supériorité.
Un autre monument encore, mais incomplet aussi, a été dicté par la même conception; et celui-là
du moins est plus aisé à étudier, grâce à M. du Sommerard, qui Ta publié dans son curieux album
des Arts au moyen âge (pl. n). C'est un pied de croix formant une sorte de colonne revêtue de
scènes exécutées en émail. On ne dit point si le musée de Saint-Omer où est déposé aujourd'hui l'ori-
ginal, possède le haut de cette croix dont l'album de M. Sommerard nous fait connaître le pied. Au
cas où quelque autre partie aurait été conservée, peut-être complèterait-elle l'ensemble exposé par la
verrière de Bourges. Quoi qu'il en soit, la publication de ces émaux nous permettra de les comparer
quelquefois aux tableaux dont nous avons à rendre compte.
§ ier. grand médaillon inférieur.
2. Dès le premier coup d'œil, on peut distinguer, par l'effet même des bandes de fer qui forment
le squelette du vitrail, un grand partage de tout l'ensemble en cinq groupes de tableaux. Les trois
groupes entre tête et pied, se présentent tout d'abord comme ayant un caractère particulier de gra-
vité : outre que ce sont les masses les plus saillantes par la grandeur des formes, chacun d'eux a pour
centre une figure de Jésus-Christ. C'est donc là comme le corps de la composition, les trois actes du
drame. La zone inférieure forme une sorte de prologue : elle est là ce qu'est la page de présentation
dans les manuscrits à miniatures; et l'on soupçonne aisément d'avance que Y épilogue se trouve dans
le tableau du sommet.
Pour suivre une marche assez ordinaire aux vitraux, et évidemment adoptée dans celui-ci, nous
commencerons par la partie inférieure. Les trois petits médaillons qui se présentent d'abord sur une
même ligne horizontale sont sans contredit une signature, indiquant que cette verrière a été donnée
par la corporation des bouchers; à Chartres, celle dont nous avons parlé annonce, par deux de ses
trois signatures, les maréchaux et les forgerons; mais nous laisserons communément cette partie en dé-
crivant et en expliquant chaque planche. La réunion de toutes ces professions traitées ensemble occupera
une place à part; et nous épargnera de la sorte à chaque chapitre, l'admission de sujets trop étrangers.
Dans le grand médaillon d'en bas, le tableau central nous montre Jésus-Christ marchant au Cal-
caire. Dépouillé, comme on le représente sur la croix même (i), il est placé entre les femmes de
Jérusalem et Simon le Cyrénéen, qui paraît se mettre en devoir de prendre sur lui l'instrument
du supplice. L'attitude des femmes qui suivent Notre-Seigneur annonce la compassion et le désir
de soulager ses souffrances. Une d'entre elles porte les mains sur la croix comme pour en alléger le
fardeau. L'inscription Nolite flere super me, empruntée au texte de l'Evangile, et tout le reste
de la scène annonce qu'on y a voulu réunir deux circonstances de la marche au Calvaire. Ce sont
celles qu'expriment les versets 26, 27 et 28 du chapitre xxiii de saint Luc (2).
«Comme on le menait à la mort, on se saisit d'un homme de Cyrène nommé Simon, qui revenait
« de sa maison des champs, et on lui fit porter la croix après Jésus.
«Or, une grande foule le suivait; et parmi cette troupe, des femmes qui pleuraient son sort et
« témoignaient hautement leur douleur.
« Mais Jésus se tournant vers elles, dit : Filles de Jérusalem, ne pleurez point sur moi, mais sur
«vous-mêmes plutôt et sur vos enfants.»
Cette fois, comme d'ordinaire dans les autres tableaux, nous ne ferons mention ni des couleurs ni
des costumes, ni du faire artistique, ni des menus détails où il y a lieu de soupçonner une inten-
(1) Sur ce fait d'iconologie qui peut nous paraître singulier ac-
tuellement, voyez Gretser, de sancta Cruce, lib. i, cap. 16.
(2) « Et quum ducerent eum, apprehenderunt Simonem quem-
dam Cyrenensem , venientem de villa : et imposuerunt illi cru-
cem portare post Jesum. Sequebatur autem illum multa turba
populi, et mulierum quae plangebant et lamentabantur eum.
Conversus autem ad illas Jésus dixit : Filire Jérusalem , nolite
flere super me, sed super vos ipsas flete, et super filios vestros. »
VITRAUX DE BOURGES.
chute d'un cheneau qui a brisé six médaillons, pour le moins, en se précipitant des galeries supé-
rieures. Et peut-être ce vitrage ainsi dégarni ne paraît-il plus guère à certains curieux mériter l'at-
tention. Il la mérite toutefois, même dans sa mauvaise fortune actuelle, et me semble prouver pour sa
part que les cartons de Bourges ont été conçus dans un genre plus sévère et beaucoup plus grandiose
que ceux de Chartres. On en verra d'autres preuves, et ce vitrail particulièrement fournira plusieurs
preuves de cette supériorité.
Un autre monument encore, mais incomplet aussi, a été dicté par la même conception; et celui-là
du moins est plus aisé à étudier, grâce à M. du Sommerard, qui Ta publié dans son curieux album
des Arts au moyen âge (pl. n). C'est un pied de croix formant une sorte de colonne revêtue de
scènes exécutées en émail. On ne dit point si le musée de Saint-Omer où est déposé aujourd'hui l'ori-
ginal, possède le haut de cette croix dont l'album de M. Sommerard nous fait connaître le pied. Au
cas où quelque autre partie aurait été conservée, peut-être complèterait-elle l'ensemble exposé par la
verrière de Bourges. Quoi qu'il en soit, la publication de ces émaux nous permettra de les comparer
quelquefois aux tableaux dont nous avons à rendre compte.
§ ier. grand médaillon inférieur.
2. Dès le premier coup d'œil, on peut distinguer, par l'effet même des bandes de fer qui forment
le squelette du vitrail, un grand partage de tout l'ensemble en cinq groupes de tableaux. Les trois
groupes entre tête et pied, se présentent tout d'abord comme ayant un caractère particulier de gra-
vité : outre que ce sont les masses les plus saillantes par la grandeur des formes, chacun d'eux a pour
centre une figure de Jésus-Christ. C'est donc là comme le corps de la composition, les trois actes du
drame. La zone inférieure forme une sorte de prologue : elle est là ce qu'est la page de présentation
dans les manuscrits à miniatures; et l'on soupçonne aisément d'avance que Y épilogue se trouve dans
le tableau du sommet.
Pour suivre une marche assez ordinaire aux vitraux, et évidemment adoptée dans celui-ci, nous
commencerons par la partie inférieure. Les trois petits médaillons qui se présentent d'abord sur une
même ligne horizontale sont sans contredit une signature, indiquant que cette verrière a été donnée
par la corporation des bouchers; à Chartres, celle dont nous avons parlé annonce, par deux de ses
trois signatures, les maréchaux et les forgerons; mais nous laisserons communément cette partie en dé-
crivant et en expliquant chaque planche. La réunion de toutes ces professions traitées ensemble occupera
une place à part; et nous épargnera de la sorte à chaque chapitre, l'admission de sujets trop étrangers.
Dans le grand médaillon d'en bas, le tableau central nous montre Jésus-Christ marchant au Cal-
caire. Dépouillé, comme on le représente sur la croix même (i), il est placé entre les femmes de
Jérusalem et Simon le Cyrénéen, qui paraît se mettre en devoir de prendre sur lui l'instrument
du supplice. L'attitude des femmes qui suivent Notre-Seigneur annonce la compassion et le désir
de soulager ses souffrances. Une d'entre elles porte les mains sur la croix comme pour en alléger le
fardeau. L'inscription Nolite flere super me, empruntée au texte de l'Evangile, et tout le reste
de la scène annonce qu'on y a voulu réunir deux circonstances de la marche au Calvaire. Ce sont
celles qu'expriment les versets 26, 27 et 28 du chapitre xxiii de saint Luc (2).
«Comme on le menait à la mort, on se saisit d'un homme de Cyrène nommé Simon, qui revenait
« de sa maison des champs, et on lui fit porter la croix après Jésus.
«Or, une grande foule le suivait; et parmi cette troupe, des femmes qui pleuraient son sort et
« témoignaient hautement leur douleur.
« Mais Jésus se tournant vers elles, dit : Filles de Jérusalem, ne pleurez point sur moi, mais sur
«vous-mêmes plutôt et sur vos enfants.»
Cette fois, comme d'ordinaire dans les autres tableaux, nous ne ferons mention ni des couleurs ni
des costumes, ni du faire artistique, ni des menus détails où il y a lieu de soupçonner une inten-
(1) Sur ce fait d'iconologie qui peut nous paraître singulier ac-
tuellement, voyez Gretser, de sancta Cruce, lib. i, cap. 16.
(2) « Et quum ducerent eum, apprehenderunt Simonem quem-
dam Cyrenensem , venientem de villa : et imposuerunt illi cru-
cem portare post Jesum. Sequebatur autem illum multa turba
populi, et mulierum quae plangebant et lamentabantur eum.
Conversus autem ad illas Jésus dixit : Filire Jérusalem , nolite
flere super me, sed super vos ipsas flete, et super filios vestros. »