VITRAUX DE BOURGES.
distincte de la première, et qui est venue s'ajouter là sur la foi d'une narration grecque extrêmement
suspecte, pour ne rien dire de plus(i). Voici les principales assertions de l'écrivain byzantin; on n'aura
pas de peine à les suivre sur le vitrail.
Le sénateur Alexandre ayant fait construire à Jérusalem un oratoire sur le tombeau de saint Etienne,
avait demandé, en mourant, que ses restes fussent déposés près de ceux du martyr. Huit ans après,
Julienne, veuve du sénateur, obtient un rescrit impérial pour faire transporter à Constantinople les
ossements de son mari. Soit erreur, soit ruse couverte d'un air de simplicité, elle prend (et on lui
laisse emporter) les reliques de saint Étienne (2). Les esprits infernaux tentent de décourager les voya-
geurs; mais on poursuit la route jusqu'au port où il s'agit de s'embarquer, et plusieurs guérisons mira-
culeuses signalent le passage du corps saint (3).
A Ascalon, Julienne confie son secret au patron du navire, qui accepte volontiers la tâche de trans-
porter un si précieux dépôt (4). Mais, tandis que le marin compte sur une heureuse traversée, Satan
se propose bien d'abîmer tous les passagers avec le fardeau qui cause leur confiance. Tempête hor-
rible, en effet; mais saint Étienne se montre lui-même à l'équipage (5), et le sauve du danger.
A cet endroit du récit, il faut placer la circonstance qu'expriment les deux petits médaillons laté-
raux, si l'on ne veut intervertir l'ordre des faits. Rapprochés l'un de l'autre par la pensée, comme le
donnent à entendre l'attitude et le geste des personnages, ces deux tableaux n'en font qu'un, et
représentent un prince donnant des ordres à un valet. Selon le narrateur byzantin, les démons ayant
excité un tremblement de terre, tandis que le navire longeait une côte(6), persuadèrent au prince de
ce pays qu'il fallait faire incendier le fatal vaisseau qui avait causé ce malheur. Là-dessus, des servi-
teurs furent expédiés avec des ordres funestes; mais ils périrent dans les flots, en voulant accomplir
leur commission.
Vis-à-vis de la tempête, Julienne paraît devant l'empereur, et lui annonce de quel trésor elle va
doter la ville impériale. Un chariot est envoyé pour prendre les reliques dans le vaisseau (7); mais,
après avoir parcouru une certaine distance avec une extrême rapidité, les mules s'arrêtent, sans que
les coups puissent rien obtenir. L'écrivain prête même à l'un de ces animaux le rôle de l'ânesse de
Balaam(8), et l'on voit que le peintre de Bourges a suivi cette version. On a beau changer l'attelage,
il faut se déterminer à ne point passer outre : on dépose les ossements de saint Etienne en ce lieu,
et bientôt une église est érigée sur sa nouvelle tombe (9) à Constantinople.
(1) Une ancienne version latine de cette pièce a été publiée par
les Bénédictins dans leur édition des œuvres de saint Augustin,
t. VII, Append., p. n. Cs. Tillemont, /. cit., not. 7 (p. 5og).—
Baron., Annal. Eccl., A. 4^9, n° 1, 2 ( ed. Luc. 1738—5g, t. VII,
p. 5i 1 ). — Etc.
(1) A cet endroit le peintre-verrier change sa marche. Du petit
médaillon latéral de gauche, il nous conduit au compartiment
inférieur du dernier groupe; et de là, au petit médaillon latéral
de droite. C'est le départ de Julienne, les démons s'efforçant d'ef-
frayer les voyageurs, Julienne confiant son secret au patron du
navire avant de s'embarquer.
Cs. Script, de Translat. s. Steph., /. cit., n° 1—4 (p- 11—
(3) Le petit médaillon latéral de gauche montre le guide des
chevaux se retournant vers la dame. Il lui demande d'où vient
qu'il entend les anges chantant les louanges de saint Etienne
devant le char. Cs. Translat. s. Steph., /. cit., n° 3 (p. i3).
(4) Ibid.,n04(p. i3, i4)
(5) Translat. s. Steph., n° 4 (p. 14). En dépit du vitrail ou du
dessinateur, le texte fait apparaître saint Étienne lui-même. Ce
que je puis dire, et tout le monde peut le remarquer avec moi,
c'est que le nimbe dont on a gratifié la femme qui tire les vais-
seaux du péril, serait une anomalie parmi toutes les représenta-
tions de Julienne que nous offre la verrière. On l'a donc substituée
mal à propos au saint martyr; et peut-être est-ce l'œuvre de quel-
que raccommodeur, qui ne se sera pas mis fort en peine d'accorder
scrupuleusement entre eux les divers détails de la légende. Pour-
moi, je dois avouer à mon tour que je ne comprends guère non
plus l'espèce de gerbe renversée qui aboutit au nimbe. Ce pou-
vait être autrefois une main de Dieu rayonnante, pour marquer
l'intervention divine.
(6) Je ne cite aucun nom d'homme ou de lieu, ne prétendant
en aucune façon me faire garant ni de la géographie, ni de la
chronologie de l'auteur. Cs. Translat. s. Steph., n° 4 (p. 14).
(7) Translat., nos 5, 6 (p. 14, i5).
(8) Ibid., n°6(p. i5).
(9) Ibid. (7. cit.).
distincte de la première, et qui est venue s'ajouter là sur la foi d'une narration grecque extrêmement
suspecte, pour ne rien dire de plus(i). Voici les principales assertions de l'écrivain byzantin; on n'aura
pas de peine à les suivre sur le vitrail.
Le sénateur Alexandre ayant fait construire à Jérusalem un oratoire sur le tombeau de saint Etienne,
avait demandé, en mourant, que ses restes fussent déposés près de ceux du martyr. Huit ans après,
Julienne, veuve du sénateur, obtient un rescrit impérial pour faire transporter à Constantinople les
ossements de son mari. Soit erreur, soit ruse couverte d'un air de simplicité, elle prend (et on lui
laisse emporter) les reliques de saint Étienne (2). Les esprits infernaux tentent de décourager les voya-
geurs; mais on poursuit la route jusqu'au port où il s'agit de s'embarquer, et plusieurs guérisons mira-
culeuses signalent le passage du corps saint (3).
A Ascalon, Julienne confie son secret au patron du navire, qui accepte volontiers la tâche de trans-
porter un si précieux dépôt (4). Mais, tandis que le marin compte sur une heureuse traversée, Satan
se propose bien d'abîmer tous les passagers avec le fardeau qui cause leur confiance. Tempête hor-
rible, en effet; mais saint Étienne se montre lui-même à l'équipage (5), et le sauve du danger.
A cet endroit du récit, il faut placer la circonstance qu'expriment les deux petits médaillons laté-
raux, si l'on ne veut intervertir l'ordre des faits. Rapprochés l'un de l'autre par la pensée, comme le
donnent à entendre l'attitude et le geste des personnages, ces deux tableaux n'en font qu'un, et
représentent un prince donnant des ordres à un valet. Selon le narrateur byzantin, les démons ayant
excité un tremblement de terre, tandis que le navire longeait une côte(6), persuadèrent au prince de
ce pays qu'il fallait faire incendier le fatal vaisseau qui avait causé ce malheur. Là-dessus, des servi-
teurs furent expédiés avec des ordres funestes; mais ils périrent dans les flots, en voulant accomplir
leur commission.
Vis-à-vis de la tempête, Julienne paraît devant l'empereur, et lui annonce de quel trésor elle va
doter la ville impériale. Un chariot est envoyé pour prendre les reliques dans le vaisseau (7); mais,
après avoir parcouru une certaine distance avec une extrême rapidité, les mules s'arrêtent, sans que
les coups puissent rien obtenir. L'écrivain prête même à l'un de ces animaux le rôle de l'ânesse de
Balaam(8), et l'on voit que le peintre de Bourges a suivi cette version. On a beau changer l'attelage,
il faut se déterminer à ne point passer outre : on dépose les ossements de saint Etienne en ce lieu,
et bientôt une église est érigée sur sa nouvelle tombe (9) à Constantinople.
(1) Une ancienne version latine de cette pièce a été publiée par
les Bénédictins dans leur édition des œuvres de saint Augustin,
t. VII, Append., p. n. Cs. Tillemont, /. cit., not. 7 (p. 5og).—
Baron., Annal. Eccl., A. 4^9, n° 1, 2 ( ed. Luc. 1738—5g, t. VII,
p. 5i 1 ). — Etc.
(1) A cet endroit le peintre-verrier change sa marche. Du petit
médaillon latéral de gauche, il nous conduit au compartiment
inférieur du dernier groupe; et de là, au petit médaillon latéral
de droite. C'est le départ de Julienne, les démons s'efforçant d'ef-
frayer les voyageurs, Julienne confiant son secret au patron du
navire avant de s'embarquer.
Cs. Script, de Translat. s. Steph., /. cit., n° 1—4 (p- 11—
(3) Le petit médaillon latéral de gauche montre le guide des
chevaux se retournant vers la dame. Il lui demande d'où vient
qu'il entend les anges chantant les louanges de saint Etienne
devant le char. Cs. Translat. s. Steph., /. cit., n° 3 (p. i3).
(4) Ibid.,n04(p. i3, i4)
(5) Translat. s. Steph., n° 4 (p. 14). En dépit du vitrail ou du
dessinateur, le texte fait apparaître saint Étienne lui-même. Ce
que je puis dire, et tout le monde peut le remarquer avec moi,
c'est que le nimbe dont on a gratifié la femme qui tire les vais-
seaux du péril, serait une anomalie parmi toutes les représenta-
tions de Julienne que nous offre la verrière. On l'a donc substituée
mal à propos au saint martyr; et peut-être est-ce l'œuvre de quel-
que raccommodeur, qui ne se sera pas mis fort en peine d'accorder
scrupuleusement entre eux les divers détails de la légende. Pour-
moi, je dois avouer à mon tour que je ne comprends guère non
plus l'espèce de gerbe renversée qui aboutit au nimbe. Ce pou-
vait être autrefois une main de Dieu rayonnante, pour marquer
l'intervention divine.
(6) Je ne cite aucun nom d'homme ou de lieu, ne prétendant
en aucune façon me faire garant ni de la géographie, ni de la
chronologie de l'auteur. Cs. Translat. s. Steph., n° 4 (p. 14).
(7) Translat., nos 5, 6 (p. 14, i5).
(8) Ibid., n°6(p. i5).
(9) Ibid. (7. cit.).