3o2 VITRAUX DE BOURGES.
en retrait, jusqu'à une élévation de trente-sept mètres, pouvait assurément permettre d'adopter pour
tout le reste de la basilique un vaste système d'ornementation en grisaille qui aurait ajouté à l'avan-
tage de l'économie celui d'une plus grande lumière. Nous ne voudrions point affirmer cependant que
ce parti ait été celui du puissant génie qui a conçu Saint-Étienne de Bourges. Car sans parler de
l'immense fenêtre de la façade, qui ne date que de Philippe le Bel, l'architecture de la nef est
évidemment postérieure au moins de quelques années à celle du chœur; et nous ne prétendons même
pas assurer que les grisailles soient précisément contemporaines des lancettes qui les encadrent. Quant
aux grandes verrières qui éclairaient la basse-nef entre le chœur et le grand portail, il nous est
impossible d'en rien dire, puisqu'elles ont été impitoyablement dispersées durant les trois siècles (du xive
au xvie) qui construisirent entre les contre-forts ces gracieuses chapelles où la peinture sur verre a con-
tinué de tracer son histoire jusqu'à la fin. Malgré l'intérêt de cette galerie historique, malgré la per-
fection de la plupart de ces verrières d'un autre âge, les fragments des anciens vitraux (pl. XVI) donnent
bien lieu de regretter vivement leur destruction.
211. On nous permettra de dire que le premier tome de notre monographie compense assez
largement ces pertes de la cathédrale de Bourges, par les emprunts que nous avons été faire au loin
chez les artistes de la grande époque. Pour ne parler que de l'ornementation, nous produisons dans
les feuilles L, M, N de mosaïques, bordures, etc., une grande variété de bordures feuillagées ou fleuron-
nées. L'ampleur des formes et la profusion somptueuse des ornements portent l'empreinte de la
magnificence propre aux grandes œuvres de la période romane. Celles de Saint-Cunibert de Cologne
sembleraient sorties des mêmes mains que celles d'Angers, de Chartres, de Saint-Denis, de Troyes, de
Châlons et du Mans; tant une flamme commune à toute la chrétienté entretenait alors un même
degré de chaleur sur les points les plus éloignés l'un de l'autre!
Vers les premières années du xiii6 siècle, les bordures commencent à perdre quelque chose de
leur importance : leur faire a déjà moins de fini, et les détails ont moins de pompe. Mais, en revanche,
elles courent avec une légèreté de mouvement et une grâce de contours que la gravité du style roman
ne connut pas, et sont aux bordures de l'époque précédente ce que l'ogive de Philippe-Auguste est au
plein-cintre de Louis le Gros.
On aperçoit clairement la même transformation dans diverses mosaïques (Mos. e, f, i, k) et grisailles
(Gris, d, e, f, g, et Etude XI). Rien de plus splendide que les enroulements de feuillages fantastiques
qui servent de fond à la verrière centrale de Saint-Cunibert de Cologne {Etude XII). La grisaille de
Saint-Denis {Etude XI), contemporaine, sans doute, des vitraux de Suger {Etudes VI, VII), est d'une
fierté imposante, tandis que celles de Soissons et de Saint-Bemi de Reims (Gris, e, mos. f), qui
semblent appartenir aux dernières années du xne siècle (i), conservent encore la fécondité des compo-
sitions et l'éclat du coloris, tout en acquérant la flexibilité des lignes et l'élégance du tracé.
Mais, à notre avis, rien n'égale en beauté l'ornementation des cathédrales de Salisbury et de Sens
(Grisailles d, e, f; Études XI, XX, mosaïq. i), si ce n'est, peut-être, les cinq roses de Bourges et quelques
détails de Chartres. Nous demanderons sans crainte à l'admirateur le plus enthousiaste de l'antiquité
grecque, si, de bonne foi, il peut considérer avec dédain la composition de l'Enfant prodigue {Étude XI),
ou la végétation puissante et gracieuse tout à la fois qui s'enroule dans les bordures et dans les com-
partiments de plusieurs de nos planches (pl. II, V, XI; mosaïq. b, etc.). Comment mépriser aussi les
grisailles de Salisbury ou de Sens? Au-dessous de ces productions grandioses, mais à un rang, certes,
digne de quelque attention, viennent se placer les grisailles de Chartres {Étude XI), d'Auxerre {Étude XVII,
gris, g) et de Reims (gris. e). Restreints comme nous l'étions, nous aurons au moins mis en saillie
les premiers avec une certaine ampleur, la valeur de ce grand art qui ne fait plus que décliner après
le règne de saint Louis.
212. L'ornementation et l'agencement des verrières qui décorent l'abside de Lyon {Étude VIII,
mosaïq. r), appartiennent encore à la belle époque; mais un certain froid qui pénètre déjà sensible-
ment dans leur noble et élégante composition, laisse pressentir ces médaillons mollement noyés dans les
(i) Le chœur de Saint-Remi est l'ouvrage du célèbre abbé
Pierre de Celles vers 1170. Cs. Petr. Cell. Epist., libr. VIII, 11 ;
IX, 4, 5 (Bibl. PP. XXIII, 897, 900, sq.). Ces grisailles de Saint-
Remi, comme celles de Soissons et plusieurs autres, ne se rédui-
sent plus aujourd'hui qu'à des débris mutilés et semés au hasard
dans les verrières; en sorte qu'une partie n'a pu être dessinée
qu'au moyen de la lunette d'approche, ni complétée qu'à 1 aide de
parties isolées où le regard avait besoin d'être secouru par la réflexion.
en retrait, jusqu'à une élévation de trente-sept mètres, pouvait assurément permettre d'adopter pour
tout le reste de la basilique un vaste système d'ornementation en grisaille qui aurait ajouté à l'avan-
tage de l'économie celui d'une plus grande lumière. Nous ne voudrions point affirmer cependant que
ce parti ait été celui du puissant génie qui a conçu Saint-Étienne de Bourges. Car sans parler de
l'immense fenêtre de la façade, qui ne date que de Philippe le Bel, l'architecture de la nef est
évidemment postérieure au moins de quelques années à celle du chœur; et nous ne prétendons même
pas assurer que les grisailles soient précisément contemporaines des lancettes qui les encadrent. Quant
aux grandes verrières qui éclairaient la basse-nef entre le chœur et le grand portail, il nous est
impossible d'en rien dire, puisqu'elles ont été impitoyablement dispersées durant les trois siècles (du xive
au xvie) qui construisirent entre les contre-forts ces gracieuses chapelles où la peinture sur verre a con-
tinué de tracer son histoire jusqu'à la fin. Malgré l'intérêt de cette galerie historique, malgré la per-
fection de la plupart de ces verrières d'un autre âge, les fragments des anciens vitraux (pl. XVI) donnent
bien lieu de regretter vivement leur destruction.
211. On nous permettra de dire que le premier tome de notre monographie compense assez
largement ces pertes de la cathédrale de Bourges, par les emprunts que nous avons été faire au loin
chez les artistes de la grande époque. Pour ne parler que de l'ornementation, nous produisons dans
les feuilles L, M, N de mosaïques, bordures, etc., une grande variété de bordures feuillagées ou fleuron-
nées. L'ampleur des formes et la profusion somptueuse des ornements portent l'empreinte de la
magnificence propre aux grandes œuvres de la période romane. Celles de Saint-Cunibert de Cologne
sembleraient sorties des mêmes mains que celles d'Angers, de Chartres, de Saint-Denis, de Troyes, de
Châlons et du Mans; tant une flamme commune à toute la chrétienté entretenait alors un même
degré de chaleur sur les points les plus éloignés l'un de l'autre!
Vers les premières années du xiii6 siècle, les bordures commencent à perdre quelque chose de
leur importance : leur faire a déjà moins de fini, et les détails ont moins de pompe. Mais, en revanche,
elles courent avec une légèreté de mouvement et une grâce de contours que la gravité du style roman
ne connut pas, et sont aux bordures de l'époque précédente ce que l'ogive de Philippe-Auguste est au
plein-cintre de Louis le Gros.
On aperçoit clairement la même transformation dans diverses mosaïques (Mos. e, f, i, k) et grisailles
(Gris, d, e, f, g, et Etude XI). Rien de plus splendide que les enroulements de feuillages fantastiques
qui servent de fond à la verrière centrale de Saint-Cunibert de Cologne {Etude XII). La grisaille de
Saint-Denis {Etude XI), contemporaine, sans doute, des vitraux de Suger {Etudes VI, VII), est d'une
fierté imposante, tandis que celles de Soissons et de Saint-Bemi de Reims (Gris, e, mos. f), qui
semblent appartenir aux dernières années du xne siècle (i), conservent encore la fécondité des compo-
sitions et l'éclat du coloris, tout en acquérant la flexibilité des lignes et l'élégance du tracé.
Mais, à notre avis, rien n'égale en beauté l'ornementation des cathédrales de Salisbury et de Sens
(Grisailles d, e, f; Études XI, XX, mosaïq. i), si ce n'est, peut-être, les cinq roses de Bourges et quelques
détails de Chartres. Nous demanderons sans crainte à l'admirateur le plus enthousiaste de l'antiquité
grecque, si, de bonne foi, il peut considérer avec dédain la composition de l'Enfant prodigue {Étude XI),
ou la végétation puissante et gracieuse tout à la fois qui s'enroule dans les bordures et dans les com-
partiments de plusieurs de nos planches (pl. II, V, XI; mosaïq. b, etc.). Comment mépriser aussi les
grisailles de Salisbury ou de Sens? Au-dessous de ces productions grandioses, mais à un rang, certes,
digne de quelque attention, viennent se placer les grisailles de Chartres {Étude XI), d'Auxerre {Étude XVII,
gris, g) et de Reims (gris. e). Restreints comme nous l'étions, nous aurons au moins mis en saillie
les premiers avec une certaine ampleur, la valeur de ce grand art qui ne fait plus que décliner après
le règne de saint Louis.
212. L'ornementation et l'agencement des verrières qui décorent l'abside de Lyon {Étude VIII,
mosaïq. r), appartiennent encore à la belle époque; mais un certain froid qui pénètre déjà sensible-
ment dans leur noble et élégante composition, laisse pressentir ces médaillons mollement noyés dans les
(i) Le chœur de Saint-Remi est l'ouvrage du célèbre abbé
Pierre de Celles vers 1170. Cs. Petr. Cell. Epist., libr. VIII, 11 ;
IX, 4, 5 (Bibl. PP. XXIII, 897, 900, sq.). Ces grisailles de Saint-
Remi, comme celles de Soissons et plusieurs autres, ne se rédui-
sent plus aujourd'hui qu'à des débris mutilés et semés au hasard
dans les verrières; en sorte qu'une partie n'a pu être dessinée
qu'au moyen de la lunette d'approche, ni complétée qu'à 1 aide de
parties isolées où le regard avait besoin d'être secouru par la réflexion.