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Revue égyptologique — 3.1883

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Nr. 2
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Revillout, Eugène: La vie d'artiste ou de bohème en Égypte: (fragment d'un poème satyrique en vers démotiques de l'époque romaine); (lecture faite à l'académie des inscriptions en août 1883)
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https://doi.org/10.11588/diglit.10047#0127

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La vie d'aetiste ou de bohème en Egypte.

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manger et boire et non pour y chanter. II faisait ainsi, par sa gloutonnerie sans vergogne,
la honte de ses confrères les ménestrels de l'époque, caste à laquelle pourrait bien avoir appar-
tenu l'auteur de notre portrait. Il est certain qu'on avait en vue un homme connu : Hor Ut'a
surnommé Pspiu (le corrompu) n'était pas le premier venu pour les lecteurs contemporains.
On sent également que les reproches adressés à ce bohème sont trop vifs, trop haineux, pour
être parfaitement sincères. Il y a là dessous une vieille inimitié personnelle. Mais il faut bien
reconnaître en même temps un talent littéraire distingué à notre satyrique qui rappelle par
certains traits les Martial et les Juvenal. Il n'est guère inférieur en somme à Théophraste,
si nous n'avons pas affaire à une imitation poétique, fort habile en tout cas, pleine d'art, mais
comme un tableau de Téniers, du 9e caractère dé cet illustre moraliste. Notons, du reste, que
l'impudent de Théophraste n'était pas un musicien.

Voici la traduction littérale de ces vers démotiques dont nous respectons avec soin la
coupe : On y entend les cris d'auberges :

................il a la science : il n'a pas

la manière d'ouvrir la bouche : il a un cœur qui ne peut se porter au bien :

le nerf est détruit. — Il a rempli un livre dans lequel tout enseignement est renfermé :

— mais il ne sait pas de chanson, si ce n'est une, depuis l'enfantement qu'on a fait de lui :
«J'ai faim. — Il faut que je boive. — Est-ce qu'il n'y a pas quelque chose à manger?
«Qu'y a-t-il donc à mastiquer?» — Devant lui, il voit de la viande :

ses entrailles sont en sang : (avide) plus que la mouche qui s'élance à la vue de l'ordure,
il saura cela depuis quatre jours : il (pressent), il voit les mets : il s'habille :

— on lui a parlé de viande! — sans sentir toute honte qui est en lui : — avec la harpe par devant.

— Il n'a pas de rassasiement : — (c'est un gouffre), la gorge de cet homme, qui déshonore ses con-

frères !

Après qu'il a reconnu (qu'il y a du) vin, de la viande, il faut qu'il aille à ceux qui ne l'ont pas invité :
qu'il parle avec les convives : «Je ne puis chanter : — j'ai faim.

«Je ne puis porter la harpe pour chanter sans avoir bu, mangé.» — «Du vin! — apportez!

« — pour qu'il boive le vin comme deux, qu'il mange comme trois le pain pur! » — pour ne pas chanter ! !

La harpe est trop lourde pour son cœur — lourde plus que des fardeaux nombreux

— pour qu'il chante encore! — «Quatre coups, pour une chanson!»

— Il a l'habitude de porter la harpe pour s'enivrer, en montrant en lui toute espèce de vices.
Il chante, sur le sol, vers ceux qui ont la bouteille en main : «Servez nourriture, dites donc!»
Il se tourne de ce côté : Il sait bien parler de l'éloignement des brocs.

Il a coutume d'enfler ses services : sa bouche dit ses prouesses :

Point (vraies) ses paroles. «Est-ce qu'on ne témoigne pas de ses services?» — Tombe sa voix : —

tombe la harpe.

Pour mettre à mal (à néant) ses services, parlez de lui imposer de chanter!
Honte et pudeur! on n'a pas coutume de mettre cela en son œil!

— On ne le reçoit plus dans le lieu où il descend : — — — on l'expulse :
il s'en retourne, tenant la harpe : — il s'attarde : — puis il s'en va :

En sorte qu'il fait passer le moment de dilater son visage.

Je n'en dirai pas plus long sur la triste destinée d'un bohème en déconfiture. L'effon-
drement se produit de plus en plus dans sa vie — «jusqu'à la mort qu'il fait», comme dit
notre texte.

Ce texte a certainement été écrit à l'époque romaine, environ un siècle après les entre-
tiens philosophiques du chacal koufi et de la chatte éthiopienne, ce long livre, si intéressant,
dont j'ai traduit une partie dans la Revue égyptologique. Mais la date du manuscrit ne nous
donne pas d'une façon certaine la date de la rédaction. M. Brugsch qui a copié notre do-
cument sans le traduire, ou du moins sans en faire connaître la traduction, m'a dit y avoir

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