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La chronique des arts et de la curiosité — 1863

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Nr. 12 (8 Février)
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https://doi.org/10.11588/diglit.26562#0120
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1863.—N° ia.

BUREAUX, 55, RUE VIVIENNE.

8 Février.

LA

CHRONIQUE DES ARTS

ET DE LA CURIOSITÉ

PARAISSANT LE DIMANCHE MATIN

Les Q/îbonnés à une année entière de la Gazette des Beaux-Arts reçoivent gratuitement
la Chronique des Arts et de la Curiosité.

Un an

PARIS ET DÉPARTEMENTS

io fr. | Six mois

6 fr.

SALAMMBO.

Nous nous faisons un devoir d’insérer
cette lettre que nous communique M. Frœli-
ner et qu’il a adressée au rédacteur de FO-
pinion nationale. Nous n’en persistons pas
moins à regarder la réponse de M. Flau-
bert comme décisive, et « ainsi qu’on Fa
dit quelque part » comme accablante pour
le jeune érudit allemand.

Paris, 27 janvier 1863.

M onsieur,

Votre numéro du 24 courant contient une
lettre de M. Gustave Flaubert, qui m’est
adressée, mais que je n’ai connue que par sa
publication. J’ignore si cette manière d’é-
crire aux gens est parfaitement courtoise,
mais je ne m’y arrête pas. La lettre m’est par-
venue, et j’ai vu comme j’y suis malmené.

M. Flaubert n’y va pas de main morte : je
suis un homme léger (heureux défaut pour
un Allemand!), mon article est un tissu d’er-
reurs, presque d’impostures, et, parmi toutes
les inexactitudes que j’ai commises, il n’a
relevé que les plus grossières. Et M. Flaubert
dit avoir eu à se louer des formes amènes de
ma critique, des convenances que j’ai gardées,
des choses flatteuses que je lui ai dites.

Comment donc m’aurait-il traité, si j’avais
eu, je ne dis pas de ces mots tranchants et
implacables dont la critique l’abreuve depuis
deux mois, mais seulement moins de dou-
ceurs, moins de choses flatteuses à lui pro-
diguer? Et d’où vient qu’au milieu de tant

d’écrivains qui ont rabaissé son livre, même
au-dessous de sa valeur, c’est moi précisé-
ment qu’il va choisir pour sa victime? Je
crois en deviner la raison.

On raconte qu’un peintre, homme de génie
dans son art, mettait tout son orgueil à jouer
de la flûte, et il en jouait mal. La flûte de
M. Flaubert, c’est l’archéologie. Je ne veux
pas dire qu’il soit un homme de génie ; il
montre en littérature légère quelque talent.
Mais, en dépit de ses modestes affirmations,
c’est la science qui est sa corde sensible.

Il ne veut pas qu’on lui en attribue les pré-
tentions, et, au milieu de toutes les autres,
il a surtout celle-là. S’il ne l’a pas, pourquoi
regimbe-t-il contre la critique amène qui ne
s’est occupée que de l’érudition de Salammbô?
M. Flaubert dit ne rien savoir, « ni l’hébreu,
ni l’arabe, ni l’allemand, ni le grec, ni le latin,
peut-être pas même le français.» Je m’en
étais toujours douté: je ferais maintenant in-
jure à sa bonne foi, si je ne me montrais pas
complètement de son avis.

M. Flaubert est un homme sérieux; il ne
souffre pas qu’on plaisante avec lui, et l’on
voit bien, à la façon dont il manie l’ironie,
qu’il n’a aucun goût pour cette arme éminem-
ment française. Il ne tolère pas qu’on détourne
un mot de son sens habituel, pour lui faire
exprimer le contraire de ce qu’il signifie.
Ainsi il ne me sera plus permis de dire com-
pendieux en parlant de son gros volume et de
ses gros chapitres. Quand je parlerai du
savoir de M. Flaubert, on saura que je parle
sérieusement, et s’il m’arrive d’écrire qu’il
est homme d’esprit, il faudra me prendre au
pied de la lettre.
 
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