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LA CHRONIQUE DES ARTS
de la Cour do Bourges, qui lui confirme,
ainsi qu'à l'Académie des sciences, les legs
que Mme Gabrielle Sand a fait à ces deux
Académies. La part attribuée à l'Académie
française comprend notamment le château de
Nohant, où sont renfermés de nombreux et pré-
cieux souvenirs de George Sand, grand'mère
de l'usufruitière. Nohant deviendra un musée
consacré à la mémoire de George Sand.
PETITES EXPOSITIONS
Exposition de la Société de la Miniature,
de l'Aquarelle et des Arts Précieux
(Galerie Bnmner)
Peu de choses, vraiment, qui, dans ce petit
groupe, mérite le qualificatif do précieux. Quand
on aura cité en passant les œuvres de M. Lochat,
les portraits précis de M"s Horfeld, les paysages
de M. Ghanzy, les aquarelles de M. Leroy et celles
de M. Garlier, les impressions de M. Gabriel
Rogier, les miniatures de Mm° Sara Page et les
belles gravures de reproduction par M. Gorabeuf ;
quand on aura signalé l'ingéniosité des bijoux de
Mme Gastelli et l'excellence des travaux orfévrés
par M'°e Berthe-Micliel Cazin, on aura fait le tour
d'une Société dont les membres en majorité se
répètent constamment sans chercher à se rajeunir
ou à progresser.
Exposition d'Aquarelles, Pastels et Gravures
(Cercle Vulney)
C'est la mémo chose que les années précédentes,
et les exposants, pour la plupart amateurs béné-
voles, heureux de manifester, sans enthousiasme
ni éclat, leur âme placide et débonnaire, répètent
avec candeur les formules surannées. Les admira-
teurs des pages de MM. de Saint-Gormior, Nozal,
Chigot, Guinier, Grûn, Guillemet, Iwiil, Léandre
et quelques autres trouveront à se satisfaire dans
cotte salle, où l'on peut voir encore quelques aqua-
relles de M. Vignal et do belles gravures en couleurs
par M. G. Lecreux.
IIIe Extosition d'un Groupe libre de Peintres,
Sculpteurs et Décorateurs
(International Art Gallery)
Ce groupe a ceci de commun avec beaucoup
d'autres, qu'on n'y saisit guère quel lien amena les
artistes qui le composent à se réunir. D'aucuns,
M. René Bertaux, par exemple, s'expriment en
largos notes synthétiques et tendent à simplifier
la technique picturale, plaçant les tons en bandes
juxtaposées, tandis que d'autres, tel M. Charles
Jacquemot dans ses paysages clairs et lumi-
neux, semblent avoir présent à l'esprit le sou-
venir de M. Claude Monet. M. Paul Jacob-Hians
marque une prédilection pour les paysages larges
et aérés pris de très haut; M. Anselmo Bucci tixe
le mouvement des rues parisiennes, M. Paul
Baudier expose quelques gravures sur bois très
colorées, mais qui manquent parfois de souplesse
dans leur expression, et les notes de MM. Fran-
çois Batigne, Félix Denayer et Rioux sont agréa-
bles et plaisantes.
Exposition Lucien Simon
(Galerie Bernheim)
C'est la première fois que M. Lucien Simon
nous convie à une exposition d'ensemble, et on
aurait voulu que certaines de ses œuvres mai-
tresses dont le souvenir est resté, quelques-
unes réfugiées en de lointains musées, telle la
Causerie du soir (1) ou la Soirée dans un ate-
lier (2), vinsent se joindre à ce groupe un pou
sommaire, pour aider à faire mieux comprendre
et mieux aimer un artiste que notre époque range
parmi les priacipaux.
A première vue, tant l'évolution de notre temps
fut rapide, et nombreuses les recherches et les ten ta-
tives de nos contemporains, il semble qu'on soit
devant un art lointain et déjà suranné. C'est que,
en effet, l'essentiel de l'œuvre de M. Lucien Simon
s'exprime en dt s tonalités sombres qui lui viennent
des Espagnols, à travers Courbet et Manet ; on
devine aisément les reflets du premier mêlés à la
pâte onctueuse et souple du second, et lorsque
M. Simon a vu à son tour, comme tous les artistes
de sa génération, la gaieté et l'éclat des lumières,
son pinceau ne s'est prêté qu'à contre-cœur à célé-
brer le papillotement et l'éclat des jours enso-
leillés. De ià, peut-être, la sensation d'uniformité
de beaucoup de toiles de M. Simon, mal à l'aise
lorsque sa pensée s'étend sur de larges sur-
faces et veut s'évader des salles basses, des coins
de campagne où l'atmosphère grise et égale lui
permet ces pages serrées où son émotion se con-
fesse non sans ampleur ni lyrisme. Artiste d'une
grande loyauté, sa méfiance vis-à- vis de ses im-
pressions lui tait masquer ses élans spontanés et
mettre du soin à cacher ses sentiments intérieurs.
« Je me méfie de ma sensibilité, qui facilement me
fait aimer la romance » (3), a-t-il dit certain jour.
Aussi ces efforts de volonté constamment tendue
finissent-ils par être pénibles, et l'on se détourne
des scènes qui, voulant exprimer la joie, restent
toujours un peu tristes. Le pouvoir de traduire le
mouvement dos êtres manque à M. Lucien Simon ;
on devine l'attention appliquée avec laquelle il
dessine les attitudes : la plupart de ses person-
nages posent plus qu'ils n'agissent.
Mais cet artiste est un admirable constructeur,
soucieux do sobriété, qui, volontaire et observa-
teur, a fixé, en véritable peintre, quelques-unes
des effigies expressives do son temps ; ses por-
traits resteront comme un enseignement pour
l'avenir, et beaucoup des toiles que lui inspira le
spectacle de la vie bretonne seront au premier
rang de celles dont pourra s'honorer la vieille
péninsule armoricaine. Par cela se justifie la
réputation de cet artiste et s'explique le rang qu'il
occupe parmi nos peintres.
Peintures a l'eau de M. J.-Francis Auburtin
(Galerie Devambez)
M. Auburtin est un poète. Lorsqu'il parcourt la
campagne, les arbres prennent pour lui de nobles
attitudes, s'élancent avec élégance vers le ciel ou
courbent leurs branches pour former des arceaux
propres aux rêveries ; les rocs eux-mêmes s'ordon-
(1) Musée de Stockholm.
(2) Musée de Pittsburg.
(S) Valmy-Baysse, Lucien Simon, Paris, Juven,
in-'i".
LA CHRONIQUE DES ARTS
de la Cour do Bourges, qui lui confirme,
ainsi qu'à l'Académie des sciences, les legs
que Mme Gabrielle Sand a fait à ces deux
Académies. La part attribuée à l'Académie
française comprend notamment le château de
Nohant, où sont renfermés de nombreux et pré-
cieux souvenirs de George Sand, grand'mère
de l'usufruitière. Nohant deviendra un musée
consacré à la mémoire de George Sand.
PETITES EXPOSITIONS
Exposition de la Société de la Miniature,
de l'Aquarelle et des Arts Précieux
(Galerie Bnmner)
Peu de choses, vraiment, qui, dans ce petit
groupe, mérite le qualificatif do précieux. Quand
on aura cité en passant les œuvres de M. Lochat,
les portraits précis de M"s Horfeld, les paysages
de M. Ghanzy, les aquarelles de M. Leroy et celles
de M. Garlier, les impressions de M. Gabriel
Rogier, les miniatures de Mm° Sara Page et les
belles gravures de reproduction par M. Gorabeuf ;
quand on aura signalé l'ingéniosité des bijoux de
Mme Gastelli et l'excellence des travaux orfévrés
par M'°e Berthe-Micliel Cazin, on aura fait le tour
d'une Société dont les membres en majorité se
répètent constamment sans chercher à se rajeunir
ou à progresser.
Exposition d'Aquarelles, Pastels et Gravures
(Cercle Vulney)
C'est la mémo chose que les années précédentes,
et les exposants, pour la plupart amateurs béné-
voles, heureux de manifester, sans enthousiasme
ni éclat, leur âme placide et débonnaire, répètent
avec candeur les formules surannées. Les admira-
teurs des pages de MM. de Saint-Gormior, Nozal,
Chigot, Guinier, Grûn, Guillemet, Iwiil, Léandre
et quelques autres trouveront à se satisfaire dans
cotte salle, où l'on peut voir encore quelques aqua-
relles de M. Vignal et do belles gravures en couleurs
par M. G. Lecreux.
IIIe Extosition d'un Groupe libre de Peintres,
Sculpteurs et Décorateurs
(International Art Gallery)
Ce groupe a ceci de commun avec beaucoup
d'autres, qu'on n'y saisit guère quel lien amena les
artistes qui le composent à se réunir. D'aucuns,
M. René Bertaux, par exemple, s'expriment en
largos notes synthétiques et tendent à simplifier
la technique picturale, plaçant les tons en bandes
juxtaposées, tandis que d'autres, tel M. Charles
Jacquemot dans ses paysages clairs et lumi-
neux, semblent avoir présent à l'esprit le sou-
venir de M. Claude Monet. M. Paul Jacob-Hians
marque une prédilection pour les paysages larges
et aérés pris de très haut; M. Anselmo Bucci tixe
le mouvement des rues parisiennes, M. Paul
Baudier expose quelques gravures sur bois très
colorées, mais qui manquent parfois de souplesse
dans leur expression, et les notes de MM. Fran-
çois Batigne, Félix Denayer et Rioux sont agréa-
bles et plaisantes.
Exposition Lucien Simon
(Galerie Bernheim)
C'est la première fois que M. Lucien Simon
nous convie à une exposition d'ensemble, et on
aurait voulu que certaines de ses œuvres mai-
tresses dont le souvenir est resté, quelques-
unes réfugiées en de lointains musées, telle la
Causerie du soir (1) ou la Soirée dans un ate-
lier (2), vinsent se joindre à ce groupe un pou
sommaire, pour aider à faire mieux comprendre
et mieux aimer un artiste que notre époque range
parmi les priacipaux.
A première vue, tant l'évolution de notre temps
fut rapide, et nombreuses les recherches et les ten ta-
tives de nos contemporains, il semble qu'on soit
devant un art lointain et déjà suranné. C'est que,
en effet, l'essentiel de l'œuvre de M. Lucien Simon
s'exprime en dt s tonalités sombres qui lui viennent
des Espagnols, à travers Courbet et Manet ; on
devine aisément les reflets du premier mêlés à la
pâte onctueuse et souple du second, et lorsque
M. Simon a vu à son tour, comme tous les artistes
de sa génération, la gaieté et l'éclat des lumières,
son pinceau ne s'est prêté qu'à contre-cœur à célé-
brer le papillotement et l'éclat des jours enso-
leillés. De ià, peut-être, la sensation d'uniformité
de beaucoup de toiles de M. Simon, mal à l'aise
lorsque sa pensée s'étend sur de larges sur-
faces et veut s'évader des salles basses, des coins
de campagne où l'atmosphère grise et égale lui
permet ces pages serrées où son émotion se con-
fesse non sans ampleur ni lyrisme. Artiste d'une
grande loyauté, sa méfiance vis-à- vis de ses im-
pressions lui tait masquer ses élans spontanés et
mettre du soin à cacher ses sentiments intérieurs.
« Je me méfie de ma sensibilité, qui facilement me
fait aimer la romance » (3), a-t-il dit certain jour.
Aussi ces efforts de volonté constamment tendue
finissent-ils par être pénibles, et l'on se détourne
des scènes qui, voulant exprimer la joie, restent
toujours un peu tristes. Le pouvoir de traduire le
mouvement dos êtres manque à M. Lucien Simon ;
on devine l'attention appliquée avec laquelle il
dessine les attitudes : la plupart de ses person-
nages posent plus qu'ils n'agissent.
Mais cet artiste est un admirable constructeur,
soucieux do sobriété, qui, volontaire et observa-
teur, a fixé, en véritable peintre, quelques-unes
des effigies expressives do son temps ; ses por-
traits resteront comme un enseignement pour
l'avenir, et beaucoup des toiles que lui inspira le
spectacle de la vie bretonne seront au premier
rang de celles dont pourra s'honorer la vieille
péninsule armoricaine. Par cela se justifie la
réputation de cet artiste et s'explique le rang qu'il
occupe parmi nos peintres.
Peintures a l'eau de M. J.-Francis Auburtin
(Galerie Devambez)
M. Auburtin est un poète. Lorsqu'il parcourt la
campagne, les arbres prennent pour lui de nobles
attitudes, s'élancent avec élégance vers le ciel ou
courbent leurs branches pour former des arceaux
propres aux rêveries ; les rocs eux-mêmes s'ordon-
(1) Musée de Stockholm.
(2) Musée de Pittsburg.
(S) Valmy-Baysse, Lucien Simon, Paris, Juven,
in-'i".