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LA CHRONIQUE DES ARTS
ves de l'évôché. On s'occupe actuellement de
déblayer entièrement cette salle.
**# Une intéressante trouvaille vient d'être
faite en Suisse dans l'église de Keuveville,
canton de Berne. Sur les murs du chœur,
débarrassés d'une couche de badigeon, des
fresques de l'époque romane et de l'époque
gothique ont été mises au jour. Tandis que
les premières sont de simples ornements, les
secondes figurent les quatre Evangélistes
entourés d'anges. Toutes ces fresques sont
assez bien conservées et il ne sera pas diffi-
cile, à ce qu'il semble, de les restaurer. En
outre, sur la muraille sud de l'église, des
figures peintes d'animaux surtout de che-
vaux, ont également été découvertes.
*** On vient de mettre à jour à Pompéi dix
nouvelles maisons. Dans l'une d'elles on a
trouvé près de trois cents bronzes de grande
valeur et de nombreuses pièces de monnaies
d'or et d'argent. On a également découvert un
grand nombre de livres grecs et latins.
-r-^û^CT*CS«Œ*^OsO---»-
Le Vernissage
DU
Salon de la Société des Artistes français
« Tl m'a toujoui's semblé qu'il y avait autant de
noblesse à encourager un jeune homme qu'il y a
quelquefois de lâcheté et de bassesse à étouffer
l'herbe qui pousse, surtout quand les attaques
partent de gens à qui la conscience do leur talent
devrait du moins inspirer quelque dignité et le
mépris de la jalousie. » C'est Alfred de Musset qui
parle de la sorte; sa remarque revient tout natu-
rellement à l'esprit celte année, où tant d'exclu-
sions arbitraires ont multip'ié les preuves de l'in-
compétence immanente drs jurys, de leur manque
d'équité et de clairvoyance. Plus le temps passe,
plus il devient manifeste que les artistes sont
incapables de se juger l'un l'autre, ils- ressem-
blent à des malades qui prétendraient se soigner
entre eux. Us ne connaissent,211 fait de traitement,
que celui qui s'applique à leur propre cas. Chacun se
refuse à accorder à autrui les libertés qu'il reven-
dique, non sans violence, pou chu-même. Peut-être cet
aveuglement est-il la condition nécessaire du pro-
grès de la personnalité? Peut-être aussi oxiste-t-il
une incompatibilité formelle entre le sens cri-
tique et les facultés créatrices ? Plutôt que d'épi-
loguer, le mieux est de s'en tenir aux faits: ils
sont là, tout proches de nous, édifiants et lamen-
tables.
Il n'est guère de section où le jury ne se
soit discrédité par quelque proscription inique.
Les lithographes ont écarté de M. Léon Marotte
une planche d'une technique admirablement sûre
et d'un agrément plein de verve ; M. G. Barbo-
teaux, dont l'invention garde le prestige du tact
et de la mesure, s'est vu renié par les décorateurs ;
un buste, portant le numéro d'inscription n°.6985fit
qui est vraiment d'un statuaire, a été rejeté. Voici
qui est plus grave : à la peinture, on a refusé M.
Carrera, on a refusé M. Descudé. Les tableaux
étaient connus ; personne ne se fût pris à émettre
quelque doute sur leur réception ; et qui donc,
dans le jury (1), avait droit et qualité pour bannir
des artistes déjà tirés de pair ? En ce qui concerne
M. Descudé, certains escomptaient, pour sa toile,
le Prix du Salon, et peut-être le lui vaudra t-elle
l'an prochain : tenue clans les gammes grises et
voilées chères à Eugène Carrière, la page était
attachante, passionnante au point qu'en son ab-
sence l'intérêt du Salon se trouve appauvri.
Le déni de justice se poursuit dans le mode de
placement ; il intervertit volontiers l'ordre des
mérites ; il relègue hors de vue ce que l'exposition
présente de nouveau, de jeune, de vivant, pour sa
meilleure défense ; de te. le sorte que si l'ap-
port d'inédit est plus considérable qu'à la Société
Nationale, il demeure moins visible : c'est sous
les frises qu'on le peut découvrir, à force de per-
sévérance et de foi. Si l'on ne quitte pas dos yeux
la cimaise, comment distinguer, d'une année à
l'autre, des variations toutes en nuances et de
détail ? Pourtant, l'évolution des genres ne s'ac-
cuse nulle part avec plus d'évidence qu'on
ce Salon d'arrière-garde ; les poncifs du réa-
lisme y dominent ; la représentation littérale de
la vie journalière est devenue le thème cou-
rant de tableaux de la plus plate banalité ; il
ne faut pas seulement voir dans cette faveur
une suite logique, ou plutôt une applicalion
dégénérée, des principes autrefois préconisés par
Proudhon et par Zola, par Courbet et par Mauet ; la
prédilection pour la mise en peinture du fait
divers s'accorde avec la médiocrité commune des
intelligences et avec les aspirations d'une époque
qui ne prise rien tant que le grand reportage ou
la photographie. Le caractère superficiel ou immé-
diat do ces images se reconnaît à la façon dont
la lumière se répartit, sans sacrifice, sans effef,
afiu que chaque plan et chaque détail se perçoi-
vent avec la même netteté. Je ne contredis pas
à ce qu'il y a de science et de conscience clans
des tableaux comme ceux de M. Jonas ou de
M. Laparra; mais seul l'aspect extérieure des êtres
et dos choses les a, je le crains, intéressés. De là
l'extrême évidence de leurs notations tranquilles ;
on rapporte toujours un peu de trouble et d'ombre
quand on descend en soi-même.
Los spectacles ambiants ne possèdent de vertu
sympathique que si onles considère avec des yeux
fraternels ou attendris ; Eugène Carrière — qui fut
un peu le Tolstoï de la peinture moderne — n'y a
pas manqué ; quelques-uns, ici [2), surent com-
prendre l'esprit de ses exemples— élite heureuse
égarée, sinon perdue, parmi la majorité compacte
que raille la colère d'Ibsen. Quand M. Pointeliu
représente son Jura .sauvage et sombre, — et ja-
mais il ne s'est exprimé en plus beau peintre, - la
solennité dont ses toiles sont empreintes ne vient
(1) Président, M. Cormon; MM. Dawant et Ga-
gliardiui, vice-présidents; MM. Paul-Albertf.au-
rens, Laugée, Dechenaud, Henri Loyer, secré-
taires; MM. Boutigny. Barillot, Marcel Baschct,
Paul Chabas, A. Demont, Gabriel Ferrier, Léon
Glaize, Luigi-Loir, Olive, Pelez, Saintpierre,
Woncker, Zwiller, membres.
(2) MM. Jamois, Grau, Pagès, Bala-nde, Adler,
Mac Cameron, Spenlove, Paltz.peintres de mœurs;
MM. Descudé, Maurice Mathurin, Bedorez, Lesage,
Dechenaud, Thiele, Lentz,-peintres de portraits;
MM. Dabadie, Laihaca, Leclercq, Zeng, Weisser,
André fctrauss, Besson, peintres de paysage.
LA CHRONIQUE DES ARTS
ves de l'évôché. On s'occupe actuellement de
déblayer entièrement cette salle.
**# Une intéressante trouvaille vient d'être
faite en Suisse dans l'église de Keuveville,
canton de Berne. Sur les murs du chœur,
débarrassés d'une couche de badigeon, des
fresques de l'époque romane et de l'époque
gothique ont été mises au jour. Tandis que
les premières sont de simples ornements, les
secondes figurent les quatre Evangélistes
entourés d'anges. Toutes ces fresques sont
assez bien conservées et il ne sera pas diffi-
cile, à ce qu'il semble, de les restaurer. En
outre, sur la muraille sud de l'église, des
figures peintes d'animaux surtout de che-
vaux, ont également été découvertes.
*** On vient de mettre à jour à Pompéi dix
nouvelles maisons. Dans l'une d'elles on a
trouvé près de trois cents bronzes de grande
valeur et de nombreuses pièces de monnaies
d'or et d'argent. On a également découvert un
grand nombre de livres grecs et latins.
-r-^û^CT*CS«Œ*^OsO---»-
Le Vernissage
DU
Salon de la Société des Artistes français
« Tl m'a toujoui's semblé qu'il y avait autant de
noblesse à encourager un jeune homme qu'il y a
quelquefois de lâcheté et de bassesse à étouffer
l'herbe qui pousse, surtout quand les attaques
partent de gens à qui la conscience do leur talent
devrait du moins inspirer quelque dignité et le
mépris de la jalousie. » C'est Alfred de Musset qui
parle de la sorte; sa remarque revient tout natu-
rellement à l'esprit celte année, où tant d'exclu-
sions arbitraires ont multip'ié les preuves de l'in-
compétence immanente drs jurys, de leur manque
d'équité et de clairvoyance. Plus le temps passe,
plus il devient manifeste que les artistes sont
incapables de se juger l'un l'autre, ils- ressem-
blent à des malades qui prétendraient se soigner
entre eux. Us ne connaissent,211 fait de traitement,
que celui qui s'applique à leur propre cas. Chacun se
refuse à accorder à autrui les libertés qu'il reven-
dique, non sans violence, pou chu-même. Peut-être cet
aveuglement est-il la condition nécessaire du pro-
grès de la personnalité? Peut-être aussi oxiste-t-il
une incompatibilité formelle entre le sens cri-
tique et les facultés créatrices ? Plutôt que d'épi-
loguer, le mieux est de s'en tenir aux faits: ils
sont là, tout proches de nous, édifiants et lamen-
tables.
Il n'est guère de section où le jury ne se
soit discrédité par quelque proscription inique.
Les lithographes ont écarté de M. Léon Marotte
une planche d'une technique admirablement sûre
et d'un agrément plein de verve ; M. G. Barbo-
teaux, dont l'invention garde le prestige du tact
et de la mesure, s'est vu renié par les décorateurs ;
un buste, portant le numéro d'inscription n°.6985fit
qui est vraiment d'un statuaire, a été rejeté. Voici
qui est plus grave : à la peinture, on a refusé M.
Carrera, on a refusé M. Descudé. Les tableaux
étaient connus ; personne ne se fût pris à émettre
quelque doute sur leur réception ; et qui donc,
dans le jury (1), avait droit et qualité pour bannir
des artistes déjà tirés de pair ? En ce qui concerne
M. Descudé, certains escomptaient, pour sa toile,
le Prix du Salon, et peut-être le lui vaudra t-elle
l'an prochain : tenue clans les gammes grises et
voilées chères à Eugène Carrière, la page était
attachante, passionnante au point qu'en son ab-
sence l'intérêt du Salon se trouve appauvri.
Le déni de justice se poursuit dans le mode de
placement ; il intervertit volontiers l'ordre des
mérites ; il relègue hors de vue ce que l'exposition
présente de nouveau, de jeune, de vivant, pour sa
meilleure défense ; de te. le sorte que si l'ap-
port d'inédit est plus considérable qu'à la Société
Nationale, il demeure moins visible : c'est sous
les frises qu'on le peut découvrir, à force de per-
sévérance et de foi. Si l'on ne quitte pas dos yeux
la cimaise, comment distinguer, d'une année à
l'autre, des variations toutes en nuances et de
détail ? Pourtant, l'évolution des genres ne s'ac-
cuse nulle part avec plus d'évidence qu'on
ce Salon d'arrière-garde ; les poncifs du réa-
lisme y dominent ; la représentation littérale de
la vie journalière est devenue le thème cou-
rant de tableaux de la plus plate banalité ; il
ne faut pas seulement voir dans cette faveur
une suite logique, ou plutôt une applicalion
dégénérée, des principes autrefois préconisés par
Proudhon et par Zola, par Courbet et par Mauet ; la
prédilection pour la mise en peinture du fait
divers s'accorde avec la médiocrité commune des
intelligences et avec les aspirations d'une époque
qui ne prise rien tant que le grand reportage ou
la photographie. Le caractère superficiel ou immé-
diat do ces images se reconnaît à la façon dont
la lumière se répartit, sans sacrifice, sans effef,
afiu que chaque plan et chaque détail se perçoi-
vent avec la même netteté. Je ne contredis pas
à ce qu'il y a de science et de conscience clans
des tableaux comme ceux de M. Jonas ou de
M. Laparra; mais seul l'aspect extérieure des êtres
et dos choses les a, je le crains, intéressés. De là
l'extrême évidence de leurs notations tranquilles ;
on rapporte toujours un peu de trouble et d'ombre
quand on descend en soi-même.
Los spectacles ambiants ne possèdent de vertu
sympathique que si onles considère avec des yeux
fraternels ou attendris ; Eugène Carrière — qui fut
un peu le Tolstoï de la peinture moderne — n'y a
pas manqué ; quelques-uns, ici [2), surent com-
prendre l'esprit de ses exemples— élite heureuse
égarée, sinon perdue, parmi la majorité compacte
que raille la colère d'Ibsen. Quand M. Pointeliu
représente son Jura .sauvage et sombre, — et ja-
mais il ne s'est exprimé en plus beau peintre, - la
solennité dont ses toiles sont empreintes ne vient
(1) Président, M. Cormon; MM. Dawant et Ga-
gliardiui, vice-présidents; MM. Paul-Albertf.au-
rens, Laugée, Dechenaud, Henri Loyer, secré-
taires; MM. Boutigny. Barillot, Marcel Baschct,
Paul Chabas, A. Demont, Gabriel Ferrier, Léon
Glaize, Luigi-Loir, Olive, Pelez, Saintpierre,
Woncker, Zwiller, membres.
(2) MM. Jamois, Grau, Pagès, Bala-nde, Adler,
Mac Cameron, Spenlove, Paltz.peintres de mœurs;
MM. Descudé, Maurice Mathurin, Bedorez, Lesage,
Dechenaud, Thiele, Lentz,-peintres de portraits;
MM. Dabadie, Laihaca, Leclercq, Zeng, Weisser,
André fctrauss, Besson, peintres de paysage.