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LA CHRONIQUE DES ARTS
été trouvé dans la province de Gordoue. Cette note
fait ressortir le caractère héraldique et oriental de
cette sculpture, qui s'ajoute à la série déjà connue
des monuments de l'Espagne préromaine étudiés
par M. Pierre Paris dans un ouvrage sur l'Espa-
gne primitive.
Une œuvre du sculpteur Edouard Suc
Lo volume de l'Inventaire des richesses d'art
de la France qui vient d'être mis en distribution
(Province, tome IV: Statues historiques) est, on le
sait, tout à fait incomplot, et le sous-secrétariat
des Beaux- Arts doit prochainement faire paraître
un supplément qui sera considérable. Sans atten-
dre la publication de ce supplément, on nous per-
mettra de compléter dès maintenant la notice que
contient cet Inventaire sur le buste du voyageur
René Caillié, érigé en 1842 à Mauzé-sur-le-Mignon,
dans les Deux-Sèvres Cette notice signale, en effet,
le monument (p. 486) comme étant d'un auteur
inconnu. Or, un heureux hasard nous a fait trouver
aux Archives départementales d'Ille-et-Vilaine
(série ï, dossier relatif aux statues de la place du
Palais, à Piennes) deux documents qui nous don-
nent le nom de cet artiste : c'est le sculpteur nan-
tais bien connu, Edouard Suc, l'auteur de la statue
de La Chalotais à Rennes, du buste du général
Belliard à Fontenay-le-Comte, de celui du mathé-
maticien Poisson à l'Institut, etc. Dans une lettre
qu'il adressait le 6 janvier 1842 à M. Chèvremont,
chef de bureau à la préfecture d'Illo-et-Vilaine,
Suc écrivait : « .le comptais aller à Rennes, mais
l'inauguration prochaine de mon buste en bronze
du célèbre voyageur Caillié m'empêche d'entre-
prendre ce voyage », et, le 16 mai suivant : « Je
reçois à l'instant une lettre de Niort : c'est le
20 juin qu'aura lieu l'inauguration de mon buste
de Caillié. » Or, cette date est confirmée par la
notice de VInventaire. Il n'y a donc aucun doute
possible : le monument de Mauzô doit être res-
titué à Suc. Dans sa lettre déjà citée du 6 janvier
18'i2, il annonçait à son ami qu'il préparait pour le
Salon une statue en plâtre de la Mélancolie et une
tête en marbre de Saint Jérôme ; le 7 juin, il lui
déclarait qu'il mettait la dernière main à un buste
de Cambronne destiné à l'exposition de Nantes.
Ces détails sont bien menus : peut-être cependant
apportent-ils quelques précisions nouvelles à l'his-
toire de l'œuvre d'Edouard Suc.
André Lesort.
-V.*i*Y^>^r*—*-
REVUE DES REVUES
<§> Les Musées de France (1912, n" 2). — Arti-
cles de M. P. Leprieur, sur les trois beaux dessins
de Durer, Michel-Ange et Ingres donnés par
M. Bonnat au musée du Louvre (3 pl.); — de M.
Gaston Migeon sur le vase archaïque chinois
donné par les Amis du Louvre (reprod. hors texte);
— de M. Henri Hubert sur les accroissements du
Musée do Saint-Germain-en-Laye (2 fig.); — de
M. J.-J. Marquet do Vassclot sur l'émail peint de
la série de l'Enéide récemment acquis par le
Louvre (reprod. hors texte); — de M. J.-L. Vau-
doyer sur une collection do bronzes romantiques
léguée au Musée des Arts décoratifs par M. Quen-
tin-Bauchart (1 fig.) ;—de M. E. Durand-Gréville
sur le Portrait de jeune homme par Raphaël du
musée de Montpellier jadis étudié et gravé dans
la Gazette (1) (reprod. hors texte).
— Des nouvelles des musées de Paris et de pro-
vince complètent, comme d'habitude, la livraison.
BIBLIOGRAPHIE
G.-J. Kbrx — Karl Blechen, Sein Leben und
sein Werk. — Berlin, Bruno Cassirer. Un vol.
in-8, av. 110 fig.
Ce livre représente la première monographie du
grand arliste longtemps resté inconnu ou mé-
connu. Malgré l'exposition de 1881-1882, à Berlin,
qui comprenait une grande partie de ses oeuvres,
Blechen est resté ignoré jusque dans ces derniers
temps. Il fut cependant, au cours du premier tiers
du xix" siècle, l'un des plus grands artistes de
l'Allemagne, et certainement le plus remarquable
peintre allemand de cette époque.
Blechen naquit le 29 juillet 1798, à Cottbus, pe-
tite ville peu distante de Berlin ; il élait fils d'un
percepleur et fréquenta le lycée de sa ville natale;
en 1815, il entra en qualité de commis dans une
banque do Berlin. H suivit, pendant l'année 1822,
le cours de paysage de Lûtke à l'Académie et,
bien que sans ressources, abandonna son métier
pour se jeter à corps perdu dans les voies de
l'art. En 1823, il visita Dresde et y fit la connais-
sance de deux grands artistes : le célèbre peintre
norvégien J.-C.-C. Dahl et C.-D. Friedrich.
Pour gagner sa vie, il dut entrer comme déco-
rateur dans un théâtre de Berlin. A ce moment
régnait en maître absolu l'opéra romantique, dont
le type est lo Freyschûtz de Weber ; et les premiers
paysages de Blechen portent la marque de ce style
décoratif et fantastique qui constituait sa tâche
quotidienne.
Blechen vint on Italie, où il acquit le style du
paysage intime, apprit à peindre directement la
nature, et, à partir de ce moment, abandonna les
belles et pittoresques compositions. Sa peinture,
auparavant froide et compassée, est maintenant
pleine de vie et de lumière. C'est, il est viai, de
Dahl — qui, lui, avait apporté son style du Nord
— qu'il tient cette manière sincère; mais il la
développa par lui-même sous le ciel do l'Italie. A
Rome il connut aussi Turner.
Retourné dans sa patrie, il fut le premier qui
exprima le caractère intime de la dune et de la
forêt des <> Marches ». La poésie qui anime ses
œuvres n'est plus le sentiment conventionnel et
dramatique du romantisme, mais la poésie de la
vérité.
En 1883, Blechen visita Paris, où il connut Ile-
race Vernet, et peut-être aussi Delaroche et Dela-
croix. Une maladie nerveuse, dont il portait déjà
le germe, l'emporta prématurément, en 1840, sans
qu'il eût pu donner toute la mesure de son génie
et de sa valeur.
L'art de Blechen, et aussi celui de Dahl, doivent
être considérés comme une étape dans le dévelop-
pement européen du paysage intime. La gloire de*
(1) Y. Gazette des Beaux-Arts, 1875, t. II, p. 114-
LA CHRONIQUE DES ARTS
été trouvé dans la province de Gordoue. Cette note
fait ressortir le caractère héraldique et oriental de
cette sculpture, qui s'ajoute à la série déjà connue
des monuments de l'Espagne préromaine étudiés
par M. Pierre Paris dans un ouvrage sur l'Espa-
gne primitive.
Une œuvre du sculpteur Edouard Suc
Lo volume de l'Inventaire des richesses d'art
de la France qui vient d'être mis en distribution
(Province, tome IV: Statues historiques) est, on le
sait, tout à fait incomplot, et le sous-secrétariat
des Beaux- Arts doit prochainement faire paraître
un supplément qui sera considérable. Sans atten-
dre la publication de ce supplément, on nous per-
mettra de compléter dès maintenant la notice que
contient cet Inventaire sur le buste du voyageur
René Caillié, érigé en 1842 à Mauzé-sur-le-Mignon,
dans les Deux-Sèvres Cette notice signale, en effet,
le monument (p. 486) comme étant d'un auteur
inconnu. Or, un heureux hasard nous a fait trouver
aux Archives départementales d'Ille-et-Vilaine
(série ï, dossier relatif aux statues de la place du
Palais, à Piennes) deux documents qui nous don-
nent le nom de cet artiste : c'est le sculpteur nan-
tais bien connu, Edouard Suc, l'auteur de la statue
de La Chalotais à Rennes, du buste du général
Belliard à Fontenay-le-Comte, de celui du mathé-
maticien Poisson à l'Institut, etc. Dans une lettre
qu'il adressait le 6 janvier 1842 à M. Chèvremont,
chef de bureau à la préfecture d'Illo-et-Vilaine,
Suc écrivait : « .le comptais aller à Rennes, mais
l'inauguration prochaine de mon buste en bronze
du célèbre voyageur Caillié m'empêche d'entre-
prendre ce voyage », et, le 16 mai suivant : « Je
reçois à l'instant une lettre de Niort : c'est le
20 juin qu'aura lieu l'inauguration de mon buste
de Caillié. » Or, cette date est confirmée par la
notice de VInventaire. Il n'y a donc aucun doute
possible : le monument de Mauzô doit être res-
titué à Suc. Dans sa lettre déjà citée du 6 janvier
18'i2, il annonçait à son ami qu'il préparait pour le
Salon une statue en plâtre de la Mélancolie et une
tête en marbre de Saint Jérôme ; le 7 juin, il lui
déclarait qu'il mettait la dernière main à un buste
de Cambronne destiné à l'exposition de Nantes.
Ces détails sont bien menus : peut-être cependant
apportent-ils quelques précisions nouvelles à l'his-
toire de l'œuvre d'Edouard Suc.
André Lesort.
-V.*i*Y^>^r*—*-
REVUE DES REVUES
<§> Les Musées de France (1912, n" 2). — Arti-
cles de M. P. Leprieur, sur les trois beaux dessins
de Durer, Michel-Ange et Ingres donnés par
M. Bonnat au musée du Louvre (3 pl.); — de M.
Gaston Migeon sur le vase archaïque chinois
donné par les Amis du Louvre (reprod. hors texte);
— de M. Henri Hubert sur les accroissements du
Musée do Saint-Germain-en-Laye (2 fig.); — de
M. J.-J. Marquet do Vassclot sur l'émail peint de
la série de l'Enéide récemment acquis par le
Louvre (reprod. hors texte); — de M. J.-L. Vau-
doyer sur une collection do bronzes romantiques
léguée au Musée des Arts décoratifs par M. Quen-
tin-Bauchart (1 fig.) ;—de M. E. Durand-Gréville
sur le Portrait de jeune homme par Raphaël du
musée de Montpellier jadis étudié et gravé dans
la Gazette (1) (reprod. hors texte).
— Des nouvelles des musées de Paris et de pro-
vince complètent, comme d'habitude, la livraison.
BIBLIOGRAPHIE
G.-J. Kbrx — Karl Blechen, Sein Leben und
sein Werk. — Berlin, Bruno Cassirer. Un vol.
in-8, av. 110 fig.
Ce livre représente la première monographie du
grand arliste longtemps resté inconnu ou mé-
connu. Malgré l'exposition de 1881-1882, à Berlin,
qui comprenait une grande partie de ses oeuvres,
Blechen est resté ignoré jusque dans ces derniers
temps. Il fut cependant, au cours du premier tiers
du xix" siècle, l'un des plus grands artistes de
l'Allemagne, et certainement le plus remarquable
peintre allemand de cette époque.
Blechen naquit le 29 juillet 1798, à Cottbus, pe-
tite ville peu distante de Berlin ; il élait fils d'un
percepleur et fréquenta le lycée de sa ville natale;
en 1815, il entra en qualité de commis dans une
banque do Berlin. H suivit, pendant l'année 1822,
le cours de paysage de Lûtke à l'Académie et,
bien que sans ressources, abandonna son métier
pour se jeter à corps perdu dans les voies de
l'art. En 1823, il visita Dresde et y fit la connais-
sance de deux grands artistes : le célèbre peintre
norvégien J.-C.-C. Dahl et C.-D. Friedrich.
Pour gagner sa vie, il dut entrer comme déco-
rateur dans un théâtre de Berlin. A ce moment
régnait en maître absolu l'opéra romantique, dont
le type est lo Freyschûtz de Weber ; et les premiers
paysages de Blechen portent la marque de ce style
décoratif et fantastique qui constituait sa tâche
quotidienne.
Blechen vint on Italie, où il acquit le style du
paysage intime, apprit à peindre directement la
nature, et, à partir de ce moment, abandonna les
belles et pittoresques compositions. Sa peinture,
auparavant froide et compassée, est maintenant
pleine de vie et de lumière. C'est, il est viai, de
Dahl — qui, lui, avait apporté son style du Nord
— qu'il tient cette manière sincère; mais il la
développa par lui-même sous le ciel do l'Italie. A
Rome il connut aussi Turner.
Retourné dans sa patrie, il fut le premier qui
exprima le caractère intime de la dune et de la
forêt des <> Marches ». La poésie qui anime ses
œuvres n'est plus le sentiment conventionnel et
dramatique du romantisme, mais la poésie de la
vérité.
En 1883, Blechen visita Paris, où il connut Ile-
race Vernet, et peut-être aussi Delaroche et Dela-
croix. Une maladie nerveuse, dont il portait déjà
le germe, l'emporta prématurément, en 1840, sans
qu'il eût pu donner toute la mesure de son génie
et de sa valeur.
L'art de Blechen, et aussi celui de Dahl, doivent
être considérés comme une étape dans le dévelop-
pement européen du paysage intime. La gloire de*
(1) Y. Gazette des Beaux-Arts, 1875, t. II, p. 114-