ET DE LA CURIOSITÉ
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dix mille tableaux par an, il ne semble ni pos-
sible, ni souhaitable que l'Etat ou une Académie
soient chargés de juger les œuvres et de les mon-
trer au public en leur proposant une hiérarchie
d'admiration ■>, dit M. Bérard dès le début de
son discours. Dans la suite, sa pensée se développe
et se complète ainsi :
« Il n'est plus de loi qui contraigne tout artiste
d'entrer dans la corporation et d'y suivre la dis-
cipline commune. Il y a des dissidents ; il y a même
des groupements rivaux. Et, du fait de ces diver-
gences, des conflits s'élèveront parfois qui ne sau-
raient se ramener à une question de nombre. Si
tous les peintres du monde se coalisent pour inten-
ter une querelle artistique à Delacroix, et qu'ils
condamnent unanimement ou à la majorité son
œuvre, ce verdict n'empêchera point que Delacroix
ait du génie et que son œuvre soit immortelle.
Il importe sans doute aux progrès de l'art que de
grandes controverses surgissent parmi les artistes
et que chacun se réclame avec fierté de son école
ou se tienne à sa formule. Il n'y a peut-être pas
ici de conviction féconde ni de zèle créateur sans
un certain esprit de secte. Mais vous conviendrez
que ceux-là prononceraient difficilement des juge-
ments universels et définitifs, qui seraient eux-
mêmes engagés dans la lutte. Laisser aux asso-
ciations toute la direction de l'art et du goût, ce
serait un déplorable abus du syndicalisme, alors
surtout que la prodigieuse multiplicité des œuvres,
des écoles et des tendances rend les contestations
plus vives et la fonction de juger plus redoutable
et plus difficile. Il faut un pouvoir arbitral. Ce
pouvoir, c'est l'Etat qui peut et qui doit l'exercer.
Il y trouvera la plus haute justification de l'office
de tutelle qu'il remplit auprès des artistes.
« L'Etat ne professe aucune théorie d'art. Il n'y
a pas nue esthétique de gouvernement. Le rôle de
l'Administration, dit-on volontiers, est d'encoura-
ger les artistes. Et je suis fort éloigné d'y contre-
dire, pourvu que l'encouragement consiste à
favoriser le progrès de tous en récompensant les
meilleurs. Discerner ce qui se révèle de bien, d'in-
téressant, d'original, dans les groupements divers,
réunir des œuvres en un ensemble qui constitue
une leçon et un exemple, c'est la fonction de l'Etat.
Elle se confondra, s'il l'exerce intelligemment, avec
sa mission d'arbitre. »
Il ne semble pas que la mission dévolue au
gouvernement dans la république des arts ait été
déjà définie avec autant de justesse et de précision,
en termes aussi fiers et aussi libres. L'Etat n'a
pas à prendre parti dans les querelles d'artistes ;
il intervient pour seconder, pour aider; mais il ne
saurait accepter de loi, de mot d'ordre, ni même
de conseil; il n'est inféodé à aucun parti, à au-
cune association; il les domino. C'est en vertu de
ce principe qu'une de ses plus hautes récompenses
s'est vue décernée cette fois, comme notre Propos
en fait mention, à un tableau refusé l'an passé.
Voilà, n'est-il pas vrai, une application ou plulot
un exercice significatif du droit de l'Etat à la fois
« arbitral et tutélaire » ?
Il y aurait encore plus d'une leçon à glaner dans
l'allocution prononcée à l'issue du banquet offert
par la Société des Artistes français. Ici encore
le sous-secrétaire des Beaux-Arts s'est montré
plein de jugement et de tact. Il lui eût été
facile de ramener à plus de modestie les délégués
du Conseil municipal et d'opposer à l'excès de
leurs prétentions la pauvreté' des achats faits aux
Salons par la Ville de Paris ; trne aussi déplo-
rable médiocrité prouve que le sens critique
le plus élémentaire fait défaut à ceux qui assu-
mèrent la responsabilité d'une pareille collecte.
On se demande où pourront échouer ces ou-
vrages indignes pour la plupart de trouver
accès dans le Luxembourg municipal de la rive
droite qu'est devenu aujourd'hui le Petit-Palais'?
S.
Les Récompenses des Salons
(Suite) (1)
prix national et bourses de voyage
Le Conseil supérieur des Beaux-Arts s'est réuni
le 35 juin au Grand-Palais pour le vote du Prix
national (ancien prix du Salon) et des bourses de
voyage.
Le Prix national a été attribué, au troisième
tour de scrutin, à M. Zingg, auteur do la toile in-
titulée A la terre (Salon des Artistes français), par
28 voix, contre 27 à M. Cazos.
Les bourses de voyage ont été ainsi réparties :
Peinture. — MM. Joets (S. A. F.), Chapuy
(S. N.), Descudé (S. A. F.), Finez (S. A. F.).
Sculpture. — MM. Pavot (S. A. F.), Vigoureux
(S. A. F.), Roques (S. N.).
Architecture. — MM. Boille (S. A. F.), Maurice
(S. A. F.).
Gravure et lithographie. —M. Méheut (O.X.).
Art décoratif. — M. de Waroquier (S. N.).
encouragements speciaux de l'état
Le 27 juin a eu lieu par le Conseil supérieur des
Beaux-Arts le vote des encouragements spéciaux
de l'Etat. Ont obtenu :
Prix de 1.000 francs
Peinture. — M"« Ackein (S. A. F.) : M. Llano-
Florez(S. A.F.): Mu« Slom (S. A. F.); MM. Strauss
(S. A. F.): Deluc (S. A. F.); Lemonnier (S. N.);
André Lagrango (S. A. F.).
Sculpture. — MM. Botinelly, Grange, de
Lysniewski, Ambrosio-Donnet, Févola, Moncassin
(tous de la Société des Artistes français).
Architecture. — M. Caignart de Mailly (S.
A. F.).
Gravure et lithographie. — M. Fellesse (S.
A. F.).
Art décoratif. — M. Eugène Gapon (S. N.).
Prix de 500 francs
Peinture. — MM. Barthélémy (S. A. F.); Sloec-
kel (S. A. F.) ; Bergier (S. N.) ; M"* Blanche Camus
(S. A. F.); M"' Arbey (S. A. F.); M. Mariel
(S. A. F.); M,u Tairraz (S. N.); M»« Fournier des
Corats (S. N.); M11" Marevéry (S. A. F.) ;
M11' Drouet-Coudier (S. A. F.); MM. Capron et
Padro (S. A. F.).
Sculpture. — MM. Leyrilz, Robert, Proszynskii
M"" Tanvet et Maliver (tous de la Société des
Artistes français) et M. Baudot, de la Société Na-
tionale.
Architecture. — MM. Deslandes, Géron et
Grapin (tous trois delà Société des Artistes français).
Gravure en médailles et sur pierres fines-
— M. Schwab (S. A. F.).
(1) V. la Chronique des Arts des 7 et 21 juin.
195
dix mille tableaux par an, il ne semble ni pos-
sible, ni souhaitable que l'Etat ou une Académie
soient chargés de juger les œuvres et de les mon-
trer au public en leur proposant une hiérarchie
d'admiration ■>, dit M. Bérard dès le début de
son discours. Dans la suite, sa pensée se développe
et se complète ainsi :
« Il n'est plus de loi qui contraigne tout artiste
d'entrer dans la corporation et d'y suivre la dis-
cipline commune. Il y a des dissidents ; il y a même
des groupements rivaux. Et, du fait de ces diver-
gences, des conflits s'élèveront parfois qui ne sau-
raient se ramener à une question de nombre. Si
tous les peintres du monde se coalisent pour inten-
ter une querelle artistique à Delacroix, et qu'ils
condamnent unanimement ou à la majorité son
œuvre, ce verdict n'empêchera point que Delacroix
ait du génie et que son œuvre soit immortelle.
Il importe sans doute aux progrès de l'art que de
grandes controverses surgissent parmi les artistes
et que chacun se réclame avec fierté de son école
ou se tienne à sa formule. Il n'y a peut-être pas
ici de conviction féconde ni de zèle créateur sans
un certain esprit de secte. Mais vous conviendrez
que ceux-là prononceraient difficilement des juge-
ments universels et définitifs, qui seraient eux-
mêmes engagés dans la lutte. Laisser aux asso-
ciations toute la direction de l'art et du goût, ce
serait un déplorable abus du syndicalisme, alors
surtout que la prodigieuse multiplicité des œuvres,
des écoles et des tendances rend les contestations
plus vives et la fonction de juger plus redoutable
et plus difficile. Il faut un pouvoir arbitral. Ce
pouvoir, c'est l'Etat qui peut et qui doit l'exercer.
Il y trouvera la plus haute justification de l'office
de tutelle qu'il remplit auprès des artistes.
« L'Etat ne professe aucune théorie d'art. Il n'y
a pas nue esthétique de gouvernement. Le rôle de
l'Administration, dit-on volontiers, est d'encoura-
ger les artistes. Et je suis fort éloigné d'y contre-
dire, pourvu que l'encouragement consiste à
favoriser le progrès de tous en récompensant les
meilleurs. Discerner ce qui se révèle de bien, d'in-
téressant, d'original, dans les groupements divers,
réunir des œuvres en un ensemble qui constitue
une leçon et un exemple, c'est la fonction de l'Etat.
Elle se confondra, s'il l'exerce intelligemment, avec
sa mission d'arbitre. »
Il ne semble pas que la mission dévolue au
gouvernement dans la république des arts ait été
déjà définie avec autant de justesse et de précision,
en termes aussi fiers et aussi libres. L'Etat n'a
pas à prendre parti dans les querelles d'artistes ;
il intervient pour seconder, pour aider; mais il ne
saurait accepter de loi, de mot d'ordre, ni même
de conseil; il n'est inféodé à aucun parti, à au-
cune association; il les domino. C'est en vertu de
ce principe qu'une de ses plus hautes récompenses
s'est vue décernée cette fois, comme notre Propos
en fait mention, à un tableau refusé l'an passé.
Voilà, n'est-il pas vrai, une application ou plulot
un exercice significatif du droit de l'Etat à la fois
« arbitral et tutélaire » ?
Il y aurait encore plus d'une leçon à glaner dans
l'allocution prononcée à l'issue du banquet offert
par la Société des Artistes français. Ici encore
le sous-secrétaire des Beaux-Arts s'est montré
plein de jugement et de tact. Il lui eût été
facile de ramener à plus de modestie les délégués
du Conseil municipal et d'opposer à l'excès de
leurs prétentions la pauvreté' des achats faits aux
Salons par la Ville de Paris ; trne aussi déplo-
rable médiocrité prouve que le sens critique
le plus élémentaire fait défaut à ceux qui assu-
mèrent la responsabilité d'une pareille collecte.
On se demande où pourront échouer ces ou-
vrages indignes pour la plupart de trouver
accès dans le Luxembourg municipal de la rive
droite qu'est devenu aujourd'hui le Petit-Palais'?
S.
Les Récompenses des Salons
(Suite) (1)
prix national et bourses de voyage
Le Conseil supérieur des Beaux-Arts s'est réuni
le 35 juin au Grand-Palais pour le vote du Prix
national (ancien prix du Salon) et des bourses de
voyage.
Le Prix national a été attribué, au troisième
tour de scrutin, à M. Zingg, auteur do la toile in-
titulée A la terre (Salon des Artistes français), par
28 voix, contre 27 à M. Cazos.
Les bourses de voyage ont été ainsi réparties :
Peinture. — MM. Joets (S. A. F.), Chapuy
(S. N.), Descudé (S. A. F.), Finez (S. A. F.).
Sculpture. — MM. Pavot (S. A. F.), Vigoureux
(S. A. F.), Roques (S. N.).
Architecture. — MM. Boille (S. A. F.), Maurice
(S. A. F.).
Gravure et lithographie. —M. Méheut (O.X.).
Art décoratif. — M. de Waroquier (S. N.).
encouragements speciaux de l'état
Le 27 juin a eu lieu par le Conseil supérieur des
Beaux-Arts le vote des encouragements spéciaux
de l'Etat. Ont obtenu :
Prix de 1.000 francs
Peinture. — M"« Ackein (S. A. F.) : M. Llano-
Florez(S. A.F.): Mu« Slom (S. A. F.); MM. Strauss
(S. A. F.): Deluc (S. A. F.); Lemonnier (S. N.);
André Lagrango (S. A. F.).
Sculpture. — MM. Botinelly, Grange, de
Lysniewski, Ambrosio-Donnet, Févola, Moncassin
(tous de la Société des Artistes français).
Architecture. — M. Caignart de Mailly (S.
A. F.).
Gravure et lithographie. — M. Fellesse (S.
A. F.).
Art décoratif. — M. Eugène Gapon (S. N.).
Prix de 500 francs
Peinture. — MM. Barthélémy (S. A. F.); Sloec-
kel (S. A. F.) ; Bergier (S. N.) ; M"* Blanche Camus
(S. A. F.); M"' Arbey (S. A. F.); M. Mariel
(S. A. F.); M,u Tairraz (S. N.); M»« Fournier des
Corats (S. N.); M11" Marevéry (S. A. F.) ;
M11' Drouet-Coudier (S. A. F.); MM. Capron et
Padro (S. A. F.).
Sculpture. — MM. Leyrilz, Robert, Proszynskii
M"" Tanvet et Maliver (tous de la Société des
Artistes français) et M. Baudot, de la Société Na-
tionale.
Architecture. — MM. Deslandes, Géron et
Grapin (tous trois delà Société des Artistes français).
Gravure en médailles et sur pierres fines-
— M. Schwab (S. A. F.).
(1) V. la Chronique des Arts des 7 et 21 juin.