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BYZANCE
mais je te briserai ». C’était trop. Isaac fit arrêter,
emprisonner, expédier à Imbros le patriarche et pré-
parer sa déposition. Il n’en eut pas le temps; épuisé
par la souffrance, Ceroularios mourut avant d’avoir
comparu devant ses juges, mais il mourut debout,
sans avoir plié. Tout l’empire l’admira comme un
saint et un martyr, et Psellos, qui n’en était pas à
une palinodie près, après l’avoir accablé vivant dans
le plus injurieux réquisitoire, fit en beau style solennel
son oraison funèbre.
Onvoitparces exemples quel trouble un patriarche
de Constantinople pouvait mettre dans l’Etat, avec
quelle audace il pouvait braver un empereur. On trou-
verait aisément dans l’histoire de Byzance d’autres
types de ces prélats ambitieux qui, selon le mot d’un
historien du xiv° siècle, « n’avaient du prêtre que le
bâton pastoral et l’habit ». Et si l’on doit observer
qu’en dernière analyse, l’autorité impériale a toujours
eu raison des patriarches, et des plus puissants même,
il n’en demeure pas moins que, par leur goût de
la politique, leurs intrigues, leur opposition, leurs
conspirations, les insurrections qu’ils ont fomentées
ou soutenues, les prélats ambitieux qui souvent se
sont assis sur le siège de Constantinople ont entre-
tenu dans la monarchie un état d’agitation redoutable.
Assurément, à côté de ceux-là, il est passé sur le trône
patriarcal des ascètes et des saints, et aussi des
hommes politiques avisés, généralement sortis des
rangs de l’administration impériale et brusquement
élevés de l’état laïque au sommet de la hiérarchie
ecclésiastique, et encore des prélats dociles, dont
l’empereur était sûr. Mais l’antagonisme a été plus
fréquent encore entre le sacerdoce et l’empire, et le
pouvoir a dû bien souvent compter avec ces grands
évêques qui, malgré leurs vertus privées, étaient d’or-
dinaire des politiques de haute envergure, capables
de braver tout ensemble l’empereur et le pape.
BYZANCE
mais je te briserai ». C’était trop. Isaac fit arrêter,
emprisonner, expédier à Imbros le patriarche et pré-
parer sa déposition. Il n’en eut pas le temps; épuisé
par la souffrance, Ceroularios mourut avant d’avoir
comparu devant ses juges, mais il mourut debout,
sans avoir plié. Tout l’empire l’admira comme un
saint et un martyr, et Psellos, qui n’en était pas à
une palinodie près, après l’avoir accablé vivant dans
le plus injurieux réquisitoire, fit en beau style solennel
son oraison funèbre.
Onvoitparces exemples quel trouble un patriarche
de Constantinople pouvait mettre dans l’Etat, avec
quelle audace il pouvait braver un empereur. On trou-
verait aisément dans l’histoire de Byzance d’autres
types de ces prélats ambitieux qui, selon le mot d’un
historien du xiv° siècle, « n’avaient du prêtre que le
bâton pastoral et l’habit ». Et si l’on doit observer
qu’en dernière analyse, l’autorité impériale a toujours
eu raison des patriarches, et des plus puissants même,
il n’en demeure pas moins que, par leur goût de
la politique, leurs intrigues, leur opposition, leurs
conspirations, les insurrections qu’ils ont fomentées
ou soutenues, les prélats ambitieux qui souvent se
sont assis sur le siège de Constantinople ont entre-
tenu dans la monarchie un état d’agitation redoutable.
Assurément, à côté de ceux-là, il est passé sur le trône
patriarcal des ascètes et des saints, et aussi des
hommes politiques avisés, généralement sortis des
rangs de l’administration impériale et brusquement
élevés de l’état laïque au sommet de la hiérarchie
ecclésiastique, et encore des prélats dociles, dont
l’empereur était sûr. Mais l’antagonisme a été plus
fréquent encore entre le sacerdoce et l’empire, et le
pouvoir a dû bien souvent compter avec ces grands
évêques qui, malgré leurs vertus privées, étaient d’or-
dinaire des politiques de haute envergure, capables
de braver tout ensemble l’empereur et le pape.