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« au commencement de 1796, avec les collections de l’abbaye de Saint-
« Germain-des-Prés. Il avait été acheté pour cette maison au mois de
« novembre 1748. J’ignore où il était plus anciennement ; mais il est
« probable qu’il est arrivé de bonne heure en Occident ; car une
« main latine a tracé, en caractères du quatorzième ou du quinzième
« siècle, l’inscription suivante qu’on lit en tète de la première page :
« Liber Nicandri de naluris animalium. »
Je ne crois pas que ce volume ait été jusqu’à présent utilisé par les
hellénistes qui ont donné des éditions du poète. Ce n’est pas, du
reste, dans le texte que consiste son principal intérêt, c’est dans
les miniatures dont il est orné et qui en font un manuscrit de premier
ordre. Il a été exécuté seulement au onzième siècle, ainsi que le
prouve irréfragablement le type paléographique de l’écriture ; mais le
copiste avait sous les yeux un manuscrit de la plus belle époque, cer-
tainement du troisième siècle ou du quatrième au plus tard, sinon
plus ancien. C’est d’après ce manuscrit antique que les peintures ont
été exécutées avec une habileté très-remarquable et une fidélité dans
l’imitation du modèle tout à fait inattendue à cette date, car on n’y
aperçoit aucune trace du style proprement byzantin. Il y a de la
naïveté et de la maladresse dans l’exécution, mais ces miniatures ont
encore un parfum d’antiquité classique, véritable poGç àp/aio-mi; pour
parler comme Denys d’IIalicarnasse, qui surprend et charme à la
fois. Le prototype qu’elles reproduisent était certainement bien
antérieur et plus pur comme art que le fameux manuscrit de l’Iliade
de la Bibliothèque Ambrosienne publié par Mai ; rien n’y a même,
comme dans ce dernier, le cachet des usages et des costumes du
commencement du Bas-Empire.
La composition à laquelle nous avons donné le n° 1 dans la plan-
che 18 est peinte sur le feuillet de garde à la fin du volume. Elle n’a
rapport à aucun passage des deux poèmes de Nicandre; le décorateur
du manuscrit l’aura copiée sur quelque modèle appartenant à l’illus-
tration d’un recueil de poésies bucoliques. Le manuscrit type qu’il
imitait réunissait peut-être Nicandre aux poètes d’idylliaques. On en
admirera la belle et grande tournure, qui a si bien conservé le carac-
tère antique. Le dernier copiste de la peinture n’a commis qu’une
seule erreur, en étendant sur les jambes une coloration qui semble-
rait indiquer une sorte de caleçon, tandis qu’il est évident que dans
le premier original elles étaient nues depuis le bas de la tunique
courte jusqu’aux endromides qui chaussent le personnage.
Sur le nom à donner à ce personnage, il n’y a pas d’hésitation pos-
sible. C’est Pan Nomios ou Nomaios ( 1 ), le dieu des bergers, représenté
(1) Homer., Hymn., XVIII, v.S. AiViXoç : Plat., | Cratyl., p. 280. Armenti custos: Ovid., Fast., II,
« au commencement de 1796, avec les collections de l’abbaye de Saint-
« Germain-des-Prés. Il avait été acheté pour cette maison au mois de
« novembre 1748. J’ignore où il était plus anciennement ; mais il est
« probable qu’il est arrivé de bonne heure en Occident ; car une
« main latine a tracé, en caractères du quatorzième ou du quinzième
« siècle, l’inscription suivante qu’on lit en tète de la première page :
« Liber Nicandri de naluris animalium. »
Je ne crois pas que ce volume ait été jusqu’à présent utilisé par les
hellénistes qui ont donné des éditions du poète. Ce n’est pas, du
reste, dans le texte que consiste son principal intérêt, c’est dans
les miniatures dont il est orné et qui en font un manuscrit de premier
ordre. Il a été exécuté seulement au onzième siècle, ainsi que le
prouve irréfragablement le type paléographique de l’écriture ; mais le
copiste avait sous les yeux un manuscrit de la plus belle époque, cer-
tainement du troisième siècle ou du quatrième au plus tard, sinon
plus ancien. C’est d’après ce manuscrit antique que les peintures ont
été exécutées avec une habileté très-remarquable et une fidélité dans
l’imitation du modèle tout à fait inattendue à cette date, car on n’y
aperçoit aucune trace du style proprement byzantin. Il y a de la
naïveté et de la maladresse dans l’exécution, mais ces miniatures ont
encore un parfum d’antiquité classique, véritable poGç àp/aio-mi; pour
parler comme Denys d’IIalicarnasse, qui surprend et charme à la
fois. Le prototype qu’elles reproduisent était certainement bien
antérieur et plus pur comme art que le fameux manuscrit de l’Iliade
de la Bibliothèque Ambrosienne publié par Mai ; rien n’y a même,
comme dans ce dernier, le cachet des usages et des costumes du
commencement du Bas-Empire.
La composition à laquelle nous avons donné le n° 1 dans la plan-
che 18 est peinte sur le feuillet de garde à la fin du volume. Elle n’a
rapport à aucun passage des deux poèmes de Nicandre; le décorateur
du manuscrit l’aura copiée sur quelque modèle appartenant à l’illus-
tration d’un recueil de poésies bucoliques. Le manuscrit type qu’il
imitait réunissait peut-être Nicandre aux poètes d’idylliaques. On en
admirera la belle et grande tournure, qui a si bien conservé le carac-
tère antique. Le dernier copiste de la peinture n’a commis qu’une
seule erreur, en étendant sur les jambes une coloration qui semble-
rait indiquer une sorte de caleçon, tandis qu’il est évident que dans
le premier original elles étaient nues depuis le bas de la tunique
courte jusqu’aux endromides qui chaussent le personnage.
Sur le nom à donner à ce personnage, il n’y a pas d’hésitation pos-
sible. C’est Pan Nomios ou Nomaios ( 1 ), le dieu des bergers, représenté
(1) Homer., Hymn., XVIII, v.S. AiViXoç : Plat., | Cratyl., p. 280. Armenti custos: Ovid., Fast., II,