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Gazette archéologique: revue des Musées Nationaux — 13.1888

DOI issue:
Nr. 7-8
DOI article:
Courajod, Louis: Une sculpture de l'église de la Chaise-Dieu
DOI Page / Citation link: 
https://doi.org/10.11588/diglit.25603#0187

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UNE SCULPTURE DE L’ÉGLISE DE LA CHAISE-DIEU 165

Formule de l’arc brisé en tiers point, profils des moulures, trumeau, dais, pinacles,
voussures, ébrasement à triple retraite, tout est français dans cette construction. Les trois
voussures qui décorent l’ébrasement de la porte sont ornées de statuettes placées sous
des dais. La première voussure inférieure est consacrée à une série d’anges musiciens ;
la seconde comprend une suite de patriarches et de prophètes assis et porteurs de lon-
gues banderolles ; la troisième voussure abrite les apôtres et les docteurs. Ce triple rang
de voussures repose sur des pieds droits décorés de dais richement sculptés, de dimen-
sions beaucoup plus grandes, qui surmontaient autrefois des statues. Les dais sont en
pierre volcanique noire contrastant avec le reste du portail construit en pierre blanche.

Dans ces voussures dessinées et sculptées selon la mode française du Nord, les figures
d’anges, de patriarches et de prophètes ont été non pas rapportées et scellées après
coup, mais taillées en plein claveau avant la pose suivant l’usage encore pratiqué à
cette époque. Quoique mutilées pour la plupart, ces petites figures sont véritablement
admirables et témoignent, par leur style général et par leur exécution, de l’art le plus
consommé. Voilà comment on savait sculpter en France, dans la seconde moitié du xiv°
siècle. Car il est d’opinion consacrée1 aujourd’hui que les trois travées inférieures de
l’église de la Chaise-Dieu datent du pontificat de Grégoire XI (1370-1378). J’ai fait mouler
pour le Musée du Trocadéro une des figures de prophètes. C’est celle qui est reproduite
par la planche ci-jointe n° 24. Elle mesure 55 centimètres de hauteur.

Du monument que j’ai l’honneur de soumettre à l’appréciation de mes confrères2, je
ne craindrais pas de rapprocher quelques-unes des plus belles figures de Lorenzo
Ghiberti, exécutées pour la porte du baptistère de Florence. Dans la marche des idées
déjà si franchement acheminées vers la Renaissance dès le milieu du xive siècle, l’Italie,
au 'commencement du xve siècle, n’avait donc pas encore devancé personne. Ghiberti
avait eu de brillants prédécesseurs dans sa patrie. On a tort de l’oublier. L’existence des
sculptures du portail de la Chaise-Dieu prouve en outre que la France était entrée, elle
aussi, dans la voie de l’art moderne et que, pour s’émanciper, elle n’avait pas eu
besoin d’être en contact avec l’art antique, ni môme de demander trop de conseils à
l’Italie.

La sculpture de la Chaise-Dieu, comme plus tard un petit bas-relief du couronnement
de la Vierge, à l’église de Souvigny, et comme la statuaire de la Ferté-Milon et de
Pierrefonds, appartient au grand courant d’art français, formé à Paris sous l’influence
flamande, pendant la deuxième moitié du xive siècle. Aux personnes qui, peu familia-
risées avec certains chefs-d’œuvre de la statuaire du temps de Charles V et de Charles VI,
s’étonneraient de la grande beauté et du style magnifique du prophète de la Chaise-Dieu,
je rappellerais que nos artistes du Nord produisirent alors quelques monuments du plus
haut caractère, rivaux de ceux que l’Italie enfanta postérieurement dans les premières

\ Voyez Maurice Faucon , Notice sur la construction de ! 2. Cette note a été lue devant la Société des Antiquaires

l’église de la Chaise-Dieu, 1885, p. 10. | de France , le 23 novembre 1887.
 
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