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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 9.1861

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Nr. 1
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Blanc, Charles: De Paris à Athènes, [3]
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https://doi.org/10.11588/diglit.17225#0016

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12

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

ensemble de l'archaïsme et de l'animation, un corps souple sous des dra-
peries rigides, une tête charmante sous une chevelure hiératique et conve-
nue... Mais où va-t-elle, cette divinité inconnue? Où veut-elle conduire
ce char dont elle saisit les rênes avec tant de grâce? Est-elle de la suite de
Diane? ou n'est-ce pas Diane elle-même qui, sous le manteau de la nuit,
va réveiller quelque pasteur endormi dans le feuillage?... Tout à côté de
ce bas-relief, on en voit un autre, de plus grande dimension, représen-
tant une femme assise sur son tombeau. Son fils, un enfant de dix ans,
cherche à prendre un oiseau qu'elle tient dans ses mains sur ses genoux,
et qui est sans doute le symbole de l'âme envolée. Bien que postérieur
d'un ou deux siècles à l'époque de Phidias, ce mausolée, malgré ses mu-
tilations, est encore d'une beauté remarquable. La tête de la femme est
d'un galbe élégant et noble; la draperie qui enveloppe ses formes en les
serrant est remplie de naturel, de goût et de finesse. Les Grecs,lorsqu'ils
trouvèrent ce marbre, le firent passer pour une image de la Vierge, et les
Turcs le respectèrent. Gomme on ne pouvait pas se démentir, on le plaça
dans une église en guise de madone, et il y resta jusqu'à l'indépendance.

La troisième porte nous est ouverte. Nous voici enfin dans l'intérieur
de l'Acropole. Un escalier de marbre nous mène aux Propylées; nous
laissons à notre droite le temple de la Victoire, à notre gauche, le pié-
destal d'Agrippa et la Pinacothèque. Devant nous s'ouvre l'enceinte
sacrée où s'élèvent avec une grâce, avec une majesté indicible, le
temple d'Érechthée et le Parthénon... Mais ici, madame, il faut que je
vous rende compte de l'impression étrange et solennelle qui m'a saisi.

Nous l'avons dit bien des fois en causant de toutes choses, et chacun
d'ailleurs l'a remarqué, il y a des moments dans la vie présente où l'on
croit tout à coup se rappeler clairement des circonstances d'une vie anté-
rieure; on est replacé au milieu d'une situation déjà connue; on retrouve
avec une précision effrayante tous les détails d'un spectacle auquel on
avait assisté plusieurs siècles auparavant. Mais ces clartés qui de temps
à autre illuminent les profondeurs de l'âme humaine ne sont que des
éclairs dans la nuit de son passé; elles s'éteignent subitement, et ces
images d'une existence perdue, si vivement dessinées à la lueur du souve-
nir, disparaissent noyées dans l'oubli. En montant à l'Acropole d'Athènes,
j'ai ressenti une impression de ce genre. 11 m'a semblé que j'avais vu
autrefois ce même rocher, ces mêmes Propylées... que le temple de la Vic-
toire ne m'était pas inconnu, que l'Érecthéion et le Parthénon étaient pour
moi pleins de réminiscences, et que je m'étais jadis promené sous le péri-
style d'Ictinus, lorsque le monument avait encore cette fleur de jeunesse
dont parle Plutarque, lorsqu'il paraissait « animé d'un souffle immortel. »
 
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