DOI Heft:
Nr. 5
DOI Artikel:Lagrange, Léon: Des Sociétés des Amis des Arts en France, [1]: leur origine, leur état actuel, leur avenir
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DES SOCIÉTÉS DES AMIS DES ARTS EN FRANGE.
301
a Encouragée par le succès de ses deux premières expositions, la
Société s'empresse d'offrir aux regards du public connoisseur ce qu'elle
a pu acquérir des productions des arts depuis le mois de mars 1792. Elle
n'a employé qu'une partie des fonds qu'elle devoit répandre dans les ate-
liers des artistes célèbres, ou de ceux qui marchent à la célébrité ; mais
elle ne dissimule pas, elle ne cache pas au public qu'elle a besoin d'être
aidée dans l'exécution de ce louable dessein par la classe élevée et bien-
veillante des amateurs : c'est à eux, c'est aux citoyens qui sentent la
nécessité d'encourager les arts pour eux-mêmes et pour l'honneur de la
France, qu'elle présente l'occasion doublement favorable de les soutenir
et de se procurer par un léger sacrifice quelques-unes de leurs produc-
tions les plus distinguées... N'auroit-on que la satisfaction d'avoir con-
tribué au bien et à l'honneur de sa patrie, la chance que la Société offre
au public sera toujours heureuse pour les véritables amis des arts, pour
les âmes bien nées, pour les bons citoyens. — La Société, comptant sur
cet encouragement, espère employer cette année en acquisitions une
somme de 72,000 livres, somme la plus forte qu'elle ait encore dépensée,
mais bien faible relativement à son utilité, et trop faible encore dans les
circonstances... »
Ce qu'il advint de ces beaux projets, nous ne savons. L'exposition
n'était pas des plus brillantes. Elle offrait cependant quelques noms nou-
veaux. Parmi les peintres d'histoire : Le Thiere, Chaise, Desoria; parmi
les peintres de genre : Drelling, c'est-à-dire Drolling, auteur d'un Inté-
rieur de cuisine^ Boilly, Sweback; les paysagistes Bidault, Gaultde Saint-
Germain, Bruandet, Moulinier; parmi les sculpteurs : Roland, qui fut le
maître cle David d'Angers, Deseine, auteur d'une pendule, et Fortin.
Ces curieux documents, dont nous devons la communication à l'obli-
geance de M. Leblanc, secrétaire actuel de la Société des amis des arts de
Paris, ne sont pas sans intérêt pour l'histoire de l'art sous la Révolution.
Ils montrent que dès lors existait, au-dessous des peintres et des sculp-
teurs adonnés à la grande peinture ou à la statuaire, ce demi-monde de
l'art qui a pris de nos jours un développement si exagéré. Après 1792,
le demi-monde fut absorbé et perdu dans le mouvement des vagues révo-
lutionnaires, tandis que le grand art surnageait quand même. Les nau-
fragés reprirent leurs forces sous l'empire ; mais plus d'un, à coup sûr,
dut jeter la palette ou l'ébauchoir pour suivre la victoire, le sac au dos,
à travers les champs de bataille de l'Europe.
LÉON L AGR ANGE.
(La suite procliaincment.)
301
a Encouragée par le succès de ses deux premières expositions, la
Société s'empresse d'offrir aux regards du public connoisseur ce qu'elle
a pu acquérir des productions des arts depuis le mois de mars 1792. Elle
n'a employé qu'une partie des fonds qu'elle devoit répandre dans les ate-
liers des artistes célèbres, ou de ceux qui marchent à la célébrité ; mais
elle ne dissimule pas, elle ne cache pas au public qu'elle a besoin d'être
aidée dans l'exécution de ce louable dessein par la classe élevée et bien-
veillante des amateurs : c'est à eux, c'est aux citoyens qui sentent la
nécessité d'encourager les arts pour eux-mêmes et pour l'honneur de la
France, qu'elle présente l'occasion doublement favorable de les soutenir
et de se procurer par un léger sacrifice quelques-unes de leurs produc-
tions les plus distinguées... N'auroit-on que la satisfaction d'avoir con-
tribué au bien et à l'honneur de sa patrie, la chance que la Société offre
au public sera toujours heureuse pour les véritables amis des arts, pour
les âmes bien nées, pour les bons citoyens. — La Société, comptant sur
cet encouragement, espère employer cette année en acquisitions une
somme de 72,000 livres, somme la plus forte qu'elle ait encore dépensée,
mais bien faible relativement à son utilité, et trop faible encore dans les
circonstances... »
Ce qu'il advint de ces beaux projets, nous ne savons. L'exposition
n'était pas des plus brillantes. Elle offrait cependant quelques noms nou-
veaux. Parmi les peintres d'histoire : Le Thiere, Chaise, Desoria; parmi
les peintres de genre : Drelling, c'est-à-dire Drolling, auteur d'un Inté-
rieur de cuisine^ Boilly, Sweback; les paysagistes Bidault, Gaultde Saint-
Germain, Bruandet, Moulinier; parmi les sculpteurs : Roland, qui fut le
maître cle David d'Angers, Deseine, auteur d'une pendule, et Fortin.
Ces curieux documents, dont nous devons la communication à l'obli-
geance de M. Leblanc, secrétaire actuel de la Société des amis des arts de
Paris, ne sont pas sans intérêt pour l'histoire de l'art sous la Révolution.
Ils montrent que dès lors existait, au-dessous des peintres et des sculp-
teurs adonnés à la grande peinture ou à la statuaire, ce demi-monde de
l'art qui a pris de nos jours un développement si exagéré. Après 1792,
le demi-monde fut absorbé et perdu dans le mouvement des vagues révo-
lutionnaires, tandis que le grand art surnageait quand même. Les nau-
fragés reprirent leurs forces sous l'empire ; mais plus d'un, à coup sûr,
dut jeter la palette ou l'ébauchoir pour suivre la victoire, le sac au dos,
à travers les champs de bataille de l'Europe.
LÉON L AGR ANGE.
(La suite procliaincment.)