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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 12.1862

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Nr. 1
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Delaborde, Henri: La collection de tableaux de M. Le Comte Duchatel, 1, École italienne, école française: les cabinets d'amateurs
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https://doi.org/10.11588/diglit.17331#0010

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6

GAZETTE DES BEAUX-A.RTS.

soin de disperser les témoignages. De là ces collections formées à la hâte
et presque aussitôt partagées entre de nouveaux acquéreurs, ces œuvres
d'art promenées d'un cabinet à un autre après une station périodique à
l'hôtel de la rue Drouot; de là ce va-et-vient perpétuel, ce mouvement
des denrées pittoresques sur le champ de foire; de là enfin les prix exa-
gérés qu'elles atteignent, soit en raison de l'inexpérience des compéti-
teurs, soit par le fait même d'un calcul chez ceux-ci pour élever d'autant
la valeur commerciale de ce qu'ils possèdent. Il nous plairait peu d'ail-
leurs de chercher à pénétrer ces mystères et d'insister sur ces questions.
Qu'il nous suffise de consulter de loin quelques signes du temps et de
démêler, au fond de nos empressements actuels, quelque chose d'assez
semblable souvent aux fantaisies de l'amour-propre ou à des coutumes
mercantiles.

En dehors des inconvénients, des dangers même qui peuvent, à notre
avis, résulter de la fréquence des ventes publiques, un usage établi de-
puis quelques années nous semble plus fâcheux, plus périlleux encore.
Nous voulons parler de ces loteries qui, sous le prétexte d'ouvrir des
asiles au talent, ne réussissent qu'à lui procurer des gîtes de rencontre
et à meubler tant bien que mal nos appartements. A tout prendre, mieux
vaut ce qui se passe dans les salles de vente, parce que sur ce terrain
purement commercial les conditions sont débattues et les contrats passés
volontairement de part et d'autre; parce que celui qui se dessaisit et
celui qui désire acquérir traitent face à face, en pleine connaissance de
cause, et à propos d'un objet déterminé. Avec les loteries, le mot l'in-
dique de reste, le soin est laissé au hasard de décider de toutes choses et
d'adjuger à toutes mains. Dans cette lutte passive, dans ce conflit entre
des concurrents dépourvus d'initiative et d'action personnelle, ce n'est
pas même la richesse qui l'emporte, c'est-à-dire, à défaut d'autre garan-
tie, ce qui promettrait du moins aux ouvrages des artistes une certaine
publicité et un voisinage acceptable. Le premier venu peut se réveil-
ler si bien loti'que cette heureuse chance soit pour lui un embarras
et, pour le peintre que le sort aura improvisé son client, une injure.
Tel qui n'a chez soi que des photographies ou quelques vulgaires
estampes à l'aqua-tinte devra s'accommoder d'une savante esquisse, sauf
à compromettre par un offensant contact le mérite de l'œuvre et l'hon-
neur d'un talent; tel autre, dont les goûts en matière d'esthétique ne
s'élèvent pas au-dessus des scènes de chasse ou de bal masqué, se verra
condamné à la possession d'un morceau archaïque. D'autres enfin n'use-
ront des droits qui leur auront été attribués que pour les transmettre au
plus vite et réaliser en écus le bénéfice de leur participation à l'affaire.
 
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