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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 12.1862

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Nr. 2
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Lagrange, Léon: Un dessin de Raphael: La Belle Jardinière
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https://doi.org/10.11588/diglit.17331#0174

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UN DESSIN DE RAPHAËL

LA BELLE JARDINIÈRE

Quel poëme qu'un dessin de Raphaël ! Ce que la pensée humaine peut
concevoir de plus grand et de plus pur a passé de l'âme de l'artiste dans
sa plume légère et s'est fixé sur le papier avec la simplicité inconsciente
de l'enfant qui naît à la vie. Quand le dessin est un de ces rêves de bon-
heur variés à l'infini par le divin Sanzio sous le titre de Madones ou de
Saintes Familles, il semble qu'une idée plus élevée encore ait fermenté
dans son cerveau, qu'un sentiment plus chaste ait fait battre son cœur,
que sous sa main virile soit éclose une fleur de grâce et de tendresse,
d'un parfum plus pénétrant.

Souvent il nous est arrivé de nous demander d'où provient chez
Raphaël l'attrait spécial qui le porte vers les représentations de l'amour
maternel. En vain nous interrogeons sa vie. Où a-t-il appris à aimer
l'enfant? Où a-t-il appris à aimer la femme mère? Ce n'est pas dans sa
propre famille. A huit ans il perdait sa douce mère Magia, et, l'année
suivante, Giovanni Santi, remarié, lui donnait en Bernardina, sa nouvelle
épouse, une vraie marâtre que l'orphelin fut contraint de quitter quel-
ques mois après la mort de son père. Errant alors de ville en ville, jamais
il ne connut les joies intimes du foyer domestique. Plus tard, à Rome,
comblé de biens et d'honneurs, il songea au mariage, — et une lettre
adressée à son oncle prouve qu'il y songea comme un simple mortel, cal-
culant la dot à un écu près.—Mais la nièce du cardinal Bibiena ne devint
pas sa femme. Quant à sa maîtresse, la Fornarina, il ne paraît pas qu'elle
lui ait jamais donné un gage de sa tendresse. Ce n'est donc pas autour de
lui, ce n'est pas chez lui que Raphaël a pu contempler le drame intime
de la famille. 11 n'a pu aimer le spectacle de l'amour maternel que comme
un rêve jamais réalisé ou comme un souvenir lointain de sa première
enfance. Et qui sait? c'est peut-être cette absence d'expérience person-
nelle qui lui permit de voir l'enfant et la mère à travers le voile d'un
id^al toujours heureux et toujours charmant.
 
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