DE QUELQUES MOULAGES D'APRÈS L'ANTIQUE. 23
On doit comprendre sans peine que cette ville des mystères soit un
des premiers points du sol attique qu'il importe de sonder. Tout le monde
sait le rôle que jouait Eleusis dans l'ancienne société grecque, le rang
qu'occupaient ses sanctuaires, l'abondance et la célébrité des sculptures
votives dont ils étaient encombrés : il y a donc tout à parier que de
nombreux trésors plastiques sont enfouis sous ces ruines; et, de plus, on
peut s'y promettre une moisson épigraphique d'un prix inestimable. La
moindre inscription trouvée dans ces lieux saints éclairerait peut-être de
lumières inconnues et les dogmes qu'on y enseignait et les cérémonies
qui s'y accomplissaient. Sur ce genre de problèmes, les anciens sont à
peu près muets; "mais ce qu'ils n'ont osé dire dans leurs écrits, les
pierres, les parois de ces temples ne peuvent-elles nous l'apprendre? N'y
peut-on pas trouver gravés, selon l'usage antique, des préceptes, des
règles, des admonitions, d'où sortirait le mot de cette grande énigme?
La science, aussi bien que l'art, a donc un puissant intérêt à fouiller les
débris d'Eleusis.
La première chose à faire est de déterminer d'une manière certaine
l'emplacement des cinq temples dont parle Pausanias.
Une partie de cette tâche est accomplie depuis 4 859. Dans ce fatal
voyage qui l'a enlevé si brusquement à la science et à ses amis, M. Charles
Lenormant, grâce à la découverte du bas-relief colossal dont nous avons
parlé plus haut, a fixé indubitablement la place où était bâti le temple
de Triptolème. Mais le sanctuaire principal, l'édifice qui dominait tous
les autres à Eleusis, l'asile où se célébraient les grands mystères, le
temple de Cérès et de Proserpine, où était-il situé ? Ce temple et ses
dépendances couvraient un espace immense : c'était presque une ville.
11 était entouré de deux enceintes sacrées, auxquelles donnaient accès
deux propylées successifs placés chacun dans un axe différent, afin que,
du dehors, un œil curieux ne pût, même de loin, entrevoir les mystères.
L'intervalle de la première à la seconde enceinte était rempli de statues
et d'édifices religieux. Enfin, le temple était si vaste, qu'il pouvait con-
tenir trente mille personnes ; c'est Yitruve qui le dit, et il ajoute que
l'architecte du Parthénon, Ictinus, en était l'auteur. Voilà bien des
raisons pour que, depuis longtemps, les antiquaires et les artistes aient
un ardent désir de faire déblayer et décrire les fondations d'un édifice
aussi extraordinaire.
C'est ce travail qu'a entrepris M. François Lenormant, et qu'il a, en
partie, mené à bonne fin, malgré l'exiguïté des moyens mis à sa dispo-
sition. Il est vrai que le roi Othon, ne voulant pas rester étranger à
l'œuvre du gouvernement français, s'est chargé des expropriations, et a
On doit comprendre sans peine que cette ville des mystères soit un
des premiers points du sol attique qu'il importe de sonder. Tout le monde
sait le rôle que jouait Eleusis dans l'ancienne société grecque, le rang
qu'occupaient ses sanctuaires, l'abondance et la célébrité des sculptures
votives dont ils étaient encombrés : il y a donc tout à parier que de
nombreux trésors plastiques sont enfouis sous ces ruines; et, de plus, on
peut s'y promettre une moisson épigraphique d'un prix inestimable. La
moindre inscription trouvée dans ces lieux saints éclairerait peut-être de
lumières inconnues et les dogmes qu'on y enseignait et les cérémonies
qui s'y accomplissaient. Sur ce genre de problèmes, les anciens sont à
peu près muets; "mais ce qu'ils n'ont osé dire dans leurs écrits, les
pierres, les parois de ces temples ne peuvent-elles nous l'apprendre? N'y
peut-on pas trouver gravés, selon l'usage antique, des préceptes, des
règles, des admonitions, d'où sortirait le mot de cette grande énigme?
La science, aussi bien que l'art, a donc un puissant intérêt à fouiller les
débris d'Eleusis.
La première chose à faire est de déterminer d'une manière certaine
l'emplacement des cinq temples dont parle Pausanias.
Une partie de cette tâche est accomplie depuis 4 859. Dans ce fatal
voyage qui l'a enlevé si brusquement à la science et à ses amis, M. Charles
Lenormant, grâce à la découverte du bas-relief colossal dont nous avons
parlé plus haut, a fixé indubitablement la place où était bâti le temple
de Triptolème. Mais le sanctuaire principal, l'édifice qui dominait tous
les autres à Eleusis, l'asile où se célébraient les grands mystères, le
temple de Cérès et de Proserpine, où était-il situé ? Ce temple et ses
dépendances couvraient un espace immense : c'était presque une ville.
11 était entouré de deux enceintes sacrées, auxquelles donnaient accès
deux propylées successifs placés chacun dans un axe différent, afin que,
du dehors, un œil curieux ne pût, même de loin, entrevoir les mystères.
L'intervalle de la première à la seconde enceinte était rempli de statues
et d'édifices religieux. Enfin, le temple était si vaste, qu'il pouvait con-
tenir trente mille personnes ; c'est Yitruve qui le dit, et il ajoute que
l'architecte du Parthénon, Ictinus, en était l'auteur. Voilà bien des
raisons pour que, depuis longtemps, les antiquaires et les artistes aient
un ardent désir de faire déblayer et décrire les fondations d'un édifice
aussi extraordinaire.
C'est ce travail qu'a entrepris M. François Lenormant, et qu'il a, en
partie, mené à bonne fin, malgré l'exiguïté des moyens mis à sa dispo-
sition. Il est vrai que le roi Othon, ne voulant pas rester étranger à
l'œuvre du gouvernement français, s'est chargé des expropriations, et a