LES AZZIMINISTES.
71
d'aussi longues explications. D'après ce que nous venons de dire, il n'est
donc pas étonnant que les Italiens aient emprunté aux artistes damas-
quineurs de la Syrie, de l'Ëgypte ou de la Perse, tous les procédés d'un
art dans lequel ces derniers étaient passés maîtres et depuis bien des
siècles. Or, ces fins ouvrages de damasquinerie que l'Italie recevait en
grand nombre des villes musulmanes, et dont beaucoup même se fabri-
quaient soit à Gênes, soit à Pise, soit à Venise, par des ouvriers arabes ;
ces fins ouvrages, disons-nous, se reproduisaient dans toutes les villes de
l'Italie. Làq comme en Orient, il y avait des écoles très-distinctes; Ben-
venuto Cellini les énumère dans ses Mémoires.
Je cite la traduction de M. Léopold Léclanché, tome Ier, page 80 de la
deuxième édition :
« A cette époque, il me tomba entre les mains certains petits poi-
gnards turcs dont la poignée, la lame et la gaine étaient en acier, et
ornées de beaux feuillages orientaux gravés au burin et incrustés d'or. Ce
genre de travail appartient à un art qui diffère beaucoup de ceux que
j'avais jusqu'alors pratiqués. Néanmoins, j'éprouvai un vif désir de m'y
essayer, et j'y réussis si bien que j'exécutai quelques ouvrages infiniment
plus beaux et plus solides que ceux des Turcs. Il y avait à cela plusieurs
raisons : l'une était que je fouillais mes aciers plus profondément, l'autre
que les feuillages turcs ne sont composés que de feuilles de colocasie et
de petites fleurs de corona solis qui, tout en n'étant pas dépourvues d'élé-
gance, ne plaisent cependant pas autant que les nôtres.
a En Italie, nous imitons différentes sortes de feuillages.
« Les Lombards en font de très-beaux, en représentant des feuilles de
lierre et de couleuvrée avec leurs élégants enroulements qui sont d'un eflèt
si heureux. Les Toscans et les Romains ont été encore mieux inspirés dans
leur choix en reproduisant la feuille d'acanthe, ou branche ursine, avec
ses festons et ses fleurs contournées de mille façons et gracieusement
entremêlées d'oiseaux et d'animaux. C'est là où l'on voit qui a bon goût.
Ils ont aussi recours aux plantes sauvages, telles que celle que l'on
appelle mufla-de-lion. Nos vaillants artistes accompagnent ces fleurs d'une
foule de ces beaux et capricieux ornements que les ignorants appellent
grotesques. »
Cellini ne mentionne pas les travaux des Vénitiens; nous suppléerons
à cette lacune et nous dirons que Venise était restée fidèle à l'ornementa-
tion orientale la plus pure, et que les ouvrages de ses artistes rappelaient
ces dessins inextricables, ces entrelacs, ces enroulements, toutes ces ara-
besques qui se multipliaient sans se confondre dans les pièces dues à la
main des ouvriers musulmans.
71
d'aussi longues explications. D'après ce que nous venons de dire, il n'est
donc pas étonnant que les Italiens aient emprunté aux artistes damas-
quineurs de la Syrie, de l'Ëgypte ou de la Perse, tous les procédés d'un
art dans lequel ces derniers étaient passés maîtres et depuis bien des
siècles. Or, ces fins ouvrages de damasquinerie que l'Italie recevait en
grand nombre des villes musulmanes, et dont beaucoup même se fabri-
quaient soit à Gênes, soit à Pise, soit à Venise, par des ouvriers arabes ;
ces fins ouvrages, disons-nous, se reproduisaient dans toutes les villes de
l'Italie. Làq comme en Orient, il y avait des écoles très-distinctes; Ben-
venuto Cellini les énumère dans ses Mémoires.
Je cite la traduction de M. Léopold Léclanché, tome Ier, page 80 de la
deuxième édition :
« A cette époque, il me tomba entre les mains certains petits poi-
gnards turcs dont la poignée, la lame et la gaine étaient en acier, et
ornées de beaux feuillages orientaux gravés au burin et incrustés d'or. Ce
genre de travail appartient à un art qui diffère beaucoup de ceux que
j'avais jusqu'alors pratiqués. Néanmoins, j'éprouvai un vif désir de m'y
essayer, et j'y réussis si bien que j'exécutai quelques ouvrages infiniment
plus beaux et plus solides que ceux des Turcs. Il y avait à cela plusieurs
raisons : l'une était que je fouillais mes aciers plus profondément, l'autre
que les feuillages turcs ne sont composés que de feuilles de colocasie et
de petites fleurs de corona solis qui, tout en n'étant pas dépourvues d'élé-
gance, ne plaisent cependant pas autant que les nôtres.
a En Italie, nous imitons différentes sortes de feuillages.
« Les Lombards en font de très-beaux, en représentant des feuilles de
lierre et de couleuvrée avec leurs élégants enroulements qui sont d'un eflèt
si heureux. Les Toscans et les Romains ont été encore mieux inspirés dans
leur choix en reproduisant la feuille d'acanthe, ou branche ursine, avec
ses festons et ses fleurs contournées de mille façons et gracieusement
entremêlées d'oiseaux et d'animaux. C'est là où l'on voit qui a bon goût.
Ils ont aussi recours aux plantes sauvages, telles que celle que l'on
appelle mufla-de-lion. Nos vaillants artistes accompagnent ces fleurs d'une
foule de ces beaux et capricieux ornements que les ignorants appellent
grotesques. »
Cellini ne mentionne pas les travaux des Vénitiens; nous suppléerons
à cette lacune et nous dirons que Venise était restée fidèle à l'ornementa-
tion orientale la plus pure, et que les ouvrages de ses artistes rappelaient
ces dessins inextricables, ces entrelacs, ces enroulements, toutes ces ara-
besques qui se multipliaient sans se confondre dans les pièces dues à la
main des ouvriers musulmans.