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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 12.1862

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Livres d'art
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https://doi.org/10.11588/diglit.17331#0096

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LIVRES D'ART. 91

avait abandonné la tradition du Pérugin. Un livre conçu tout entier dans cet esprit,
écrit d'ailleurs avec l'accent do la conviction et avec une fermeté digne, devait faire
sensation, au moins dans un certain monde peu nombreux, mais d'élite, c'est-à-dire
dans les couches supérieures de la critique contemporaine: c'est ce qui arriva; on peut
môme dire que la religiosité de M. Rio étonna les plus purs, et que sa dévotion fit
scandale. Toucher à Raphaël, c'était porter la main sur l'arche sainte, et il n'y avait
guère, pour applaudir à une telle énormilé, que les Allemands à la suile d'Overbeck.
Sous un climat tempéré comme le nôtre, la critique fuit naturellement toute extrémité
et veut que l'on mette do la sobriété, môme dans la sagesse. Malgré tout, le livre do
M. Rio était celui d'un homme qui avait déjà beaucoup vu, beaucoup étudié, qui con-
naissait toutes les peintures chrétiennes de l'Italie, qui avait, lu tous les textes, et qui,
loin de suivre les routes battues, avait poussé ses investigations de voyageur jusque
dans les lieux les plus obscurs, jusque dans les monastères les plus ignorés. On lui sut
gré d'avoir remis en lumière et en honneur toute une école oubliée ou méconnue,
l'école siennoise, qui, avant la naissance de GioLto, avait donné d'éclatants signes de
vie dans les ouvrages de Guido de Sienne et de son frère Mino. C'était, sous le rapport
des faits et des recherches historiques, la partie la plus nouvelle du livre de M. Rio.

Quelques années se passèrent entre l'apparition du premier volume et la publica-
tion du second, et, malgré les protestations qu'il avait soulevées dans le camp même
do ceux qu'il devait compter pour amis, l'auteur ne s'était guère amendé. Ce nouveau
volume introduisait une classification nouvelle dans l'histoire do l'art, et il était con-
sacré en partie à l'exaltation d'une école qui jusqu'alors n'avait pas eu de nom officiel
dans l'histoire, l'école ombrienne, représentée par Gentile da Fabriano, Piero délia
Francesea, Fra Carnovale, et Giovanni Santi, père do Raphaël. L'autre partie du livre
était composée à la gloire d'une école dont le nom était emprunté celte fois d'une sorte
de géographie morale, et que M. Rio appelait, par excellence, Vécole mystique, école si
saintement représentée parLorenzo le Camaldulc, par le bienheureux Fra Angelico de
Fiesole, et par Renozzo Gozzoli. Il y avait quelque chose de singulièrement nouveau
dans cette manière de reconstruire l'histoire de la peinture en Italie. Les chefs d'écoles
ne sont plus des peintres, mais des saints ou des moines. A Sienne, cité de la Vierge,
le pinceau mystique d'Ugolino produit des madones miraculeuses; en Ombrie, le tom-
beau de saint François d'Assise devient le centre autour duquel se forme tout un groupe
d'artistes émus et dévots jusqu'à l'extase; à Florence, ce sont des dominicains canoni-
sés qui enseignent l'art en môme temps que la voie du salut. Après eux vient Savona-
role qui prêche pour les peintres autant au moins que pour les autres citoyens de
Florence, au point que, dans la pensée de M. Rio, Sandro fiotticelli, Lorenzo di Credi
et Fra Rartolomeo sont tout simplement des disciples de Savonarole, comme d'autres
sont les élèves de Ghirlandajo, de Verocchio ou de Pérugin. A.insi,ce qui avait été une
influence incontestable, mais éloignée, était considéré par M. Rio comme un ascendant
direct, et le terrible moine de Sàint-Marc se voyait, à sa grande surprise, transformé
en professeur de peinture.

Il faut le dire, à mesure que le temps s'est écoulé, les assertions de M. Rio ont beau-
coup perdu de leur caractère paradoxal et passionné. D'une part, les années, les étu-
 
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