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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 12.1862

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Nr. 2
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Champfleury: Essai sur le comique et la caricature dans l'antiquité, [2]
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https://doi.org/10.11588/diglit.17331#0182

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LE COMIQUE ET LA CARICATURE. 175

esprits railleurs, à moins que leurs compositions éthérées, se tournant en
visions et prenant l'ombre pour la forme, ne produisent des réactions
violentes; mais les artistes dont parlent Aristote et Pline n'en étaient
encore qu'au bégayement, puisque le dernier cite comme un inventeur le
peintre Cirnon de Cléonée.

<i Cimon inventa les catagraphes, c'est-à-dire les têtes de profil, et il
imagina de varier les visages de ses figures, les faisant regarder ou en
arrière, ou en haut, ou en bas. Il marqua les articulations des membres;
il exprima les veines, et en outre indiqua les plis et les sinuosités dans
les vêtements. »

Cimon est donc un des initiateurs de l'art avec Polygnote dont il est
dit plus haut que « le premier il ouvrit la bouche des figures, fit voir les
dents, » etc. A cette époque, le pinceau et le ciseau ne pouvaient arriver
à ces mysticismes outrés qu'il a été donné aux époques civilisées de con-
naître, et qui font que le peintre, oubliant sa palette et son pinceau, croit
pouvoir les remplacer par le rêve et la pensée.

Donc les caricaturistes ne peuvent dériver que des maîtres exacts, de
ceux qui peignent les accidents de la peau, les rides, les rugosités et les
verrues. Ils exagèrent, rendent ridicule et grotesque ce qui était vrai ;
mais ceci est le côté purement matériel de la caricature. Si elle grossis-
sait seulement quelques détails à la loupe, comme il est arrivé quelque-
fois de nos jours, la caricature devient une monstruosité, un bête
microscope. Le caricaturiste ne doit-il pas atteindre et montrer le moral
à travers le physique? S'il n'est pas ému, irrité, indigné en prenant ses
crayons, c'est un triste métier qu'accomplit un triste ouvrier.

Un Anglais, dont je regrette de ne pas savoir le nom, a écrit cette
pensée si juste : « Que veulent donc dire les philosophes qui ont repré-
senté l'ironie comme une dégénérescence de l'âme, comme une faiblesse
ou une bassesse? La risée que provoque Vaspect du laid et de l'ignoble
est encore un hommage rendu à la noblesse cl à la beauté. »

On ne s'entendra jamais sur cette question de la représentation de la
laideur, pas plus qu'on ne s'entend sur la question de la réalité, pas plus
qu'on ne s'entend sur la question de la morale dans l'art. Ce sont des
mots abstraits qui servent merveilleusement aux esprits ennemis de
toute forme nouvelle tentée, de tout effort, de toute recherche.

J'en reviens à Pline, dont je cite vivement quelques passages relatifs
aux peintres et aux- sculpteurs voués à la réalité :

« Nicias sculptait plus volontiers les chiens que les hommes. Cra-
tinus a peint des comédiens à Athènes, dans le Pompion. Eudore s'est
fait remarquer par une décoration de théâtre... OEnilas a peint une
 
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