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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 12.1862

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Nr. 3
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Gruyer, François-Anatole: Des conditions de la peinture en France et des peintures murales de M. Hippolyte Flandrin dans la nef de Saint-Germain-des-Prés
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https://doi.org/10.11588/diglit.17331#0201

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1% GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

c'est un sanctuaire consacré aux saints anges, où les messagers du Très-
Haut, au lieu de refléter un rayon de l'infinie beauté, s'agitent comme
des démoniaques, sous le masque d'une laideur que les maîtres d'autre-
fois refusaient même aux possédés l. Enfin, dans la foule des œuvres
médiocres où ne s'affichent pas ces prétentions magistrales, on se trouve
en présence d'une insignifiance et d'une monotonie déplorables2. — Et
qu'on ne croie pas que je veuille ici sacrifier mon pays et mon siècle à
d'autres siècles et à d'autres pays. Si je sens d'une façon plus poignante
l'affliction de douloureux contrastes, c'est au contraire à cause du vif
amour que j'ai pour mon temps et pour les hommes qui m'entourent. Je
professe que l'indifférence est le dernier terme de l'égoïsme et de l'abais-
sement, et je montrerai tout à l'heure que s'il m'échappe des paroles
sévères contre les égarements de la multitude, je me laisse plus facile-
ment encore entraîner vers les œuvres vraiment dignes d'honorer notre
époque. C'est ainsi que l'admiration raisonnée du passé, loin d'éteindre
la sympathie que nous devons avant tout à ce qui vit et palpite autour
de nous, réchauffe, élève et fortifie ce sentiment, le rend plus vif, plus
honorable et plus digne. — Je me hâte donc de dire qu'au milieu du
désordre presque universel qui nous afflige aujourd'hui, on trouve
encore de nobles exemples, pour proclamer avec éloquence et avec
autorité le besoin de la règle et le respect de la tradition. Mais pour-
quoi ces exemples, qui devraient être généraux, ne se présentent-ils plus
qu'à l'état de rares exceptions? N'y a-t-il donc plus de maîtres? Ou
bien, si des maîtres existent encore, pourquoi prêchent-ils dans le
désert? Pourquoi ne peuvent-ils plus, comme autrefois, grouper autour
d'eux des élèves dévoués? Est-ce la faute des temps? Est-ce la faute des
hommes? Est-ce la faute des institutions?... Autant de graves problèmes
qu'il importe d'indiquer ici, et que nous devons tous, chacun dans les
limites de nos forces et de nos informations, chercher à résoudre.

1. La chapelle de la Vierge, à l'église Saint-Eustache, a été jugée dès longtemps
avec une juste sévérité. (Voir, dans la Revue des Deux Mondes du 1er novembre 1856,
La Peinture murale dans les églises de Paris en i8oC>> par M. Gustave Planche.) —
Quant à M. Eugène Delacroix, je suis loin de nier en lui quelques-unes des hautes
qualités qui font qu'un peintre est un maître. Il est certain que les peintures décora-
tives qu'il a exécutées à la Chambre des pairs et à la. Chambre des députés, à l'Hotel-
de-Yille et au Louvre, resteront parmi les œuvres remarquables de l'art contemporain.
Mais, outre que M. E. Delacroix se montre à Saint-Sulpico au-dessous de lui-même, il
aurait dû comprendre que, dans une église, ce no sont pas surtout les yeux qu'il faut
charmer ou éblouir, c'est l'âme qu'il faut toucher par la noblesse des formes et l'élé-
vation du style.

2. Ce jugement est loin d'être absolu, et comporte d'honorables exceptions.
 
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