PEINTURES MURALES DE M. FLANDRIN.
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Malheureusement il n'existe aucune garantie semblable pour l'emploi
des fonds que l'État consacre aux beaux-arts1. En l'absence de tout prin-
cipe et au milieu du chaos qui nous environne, c'est surtout dans la
direction des beaux-arts que désormais nous devons placer nos espé-
rances.
Certes, il y a trente ans, nous n'aurions pas demandé ce que nous
réclamons aujourd'hui, parce qu'alors il y avait encore parmi nous des
forces vives qui ne sont plus. Je n'ai pas à parler ici de l'homme illustre
auquel la France doit d'être nommée la première parmi les nations qui
produisent encore des peintres. Ce grand artiste eut un moment la fortune
de voir réunie autour de lui une phalange nombreuse et vaillante, pleine
d'avenir et d'intelligence, jalouse d'une même ambition, aspirant aune
même gloire. M. Ingres aurait pu alors tout ce qu'il eût voulu ; tout lui eût
été possible, s'il avait placé son ambition plus haut que sa propre renom-
mée, s'il avait osé tenter en plein xixe siècle une de ces grandes entre-
prises réalisées par les maîtres de la Renaissance. Il eût pu doter la
France de monuments où les âges futurs eussent retrouvé la trace de
ces doctrines fécondes qui s'imposent à toute une génération. Malheureu-
sement il a manqué de cette force d'initiative qui seule peut créer de
grandes choses, il n'a pas eu foi dans les hommes qui étaient en même
temps ses amis et ses élèves, et, en se concentrant dans sa haute person-
nalité, il a abandonné le grand rôle que l'art lui avait assigné.
Ces temps sont passés, hélas ! et peut-être ne reviendront-ils plus. Que
d'abîmes n'avons-nous pas traversés pendant ces trente années ! Qu'est
devenue l'autorité des maîtres assise sur la discussion? Qu'est aussi
devenu le respect des hommes convaincus? Que de beaux rêves éva-
nouis!... Et cependant, comment ne pas se rattacher à l'espérance, quand
on voit, au milieu du doute universel, surgir encore des œuvres aussi
ferventes que les peintures récentes de Saint-Germain-des-Prés, des
hommes aussi convaincus que M. Hippolyte Flandrin. Malheureusement
nous ne sommes plus en 1832; les forces dont disposait M. Ingres sont
depuis longtemps dispersées, et je ne crois pas que M. H. Flandrin,
malgré l'autorité de ses œuvres, pût aujourd'hui de lui-même fonder une
école de peinture. Mais il réussirait sans doute si l'État, comprenant enfin
la gravité de la situation, prêtait à l'éminent artiste un puissant concours.
Pourquoi la France ne concentrerait-elle pas les capitaux qu'elle consacre
aux arts, sur des entreprises fécondes en heureux résultats? Pourquoi n'ap-
pellerait-elle pas les artistes qu'elle jugerait les plus dignes, et ne leur
1. Ces fonds s'élèvent environ à 900,000 francs par an.
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Malheureusement il n'existe aucune garantie semblable pour l'emploi
des fonds que l'État consacre aux beaux-arts1. En l'absence de tout prin-
cipe et au milieu du chaos qui nous environne, c'est surtout dans la
direction des beaux-arts que désormais nous devons placer nos espé-
rances.
Certes, il y a trente ans, nous n'aurions pas demandé ce que nous
réclamons aujourd'hui, parce qu'alors il y avait encore parmi nous des
forces vives qui ne sont plus. Je n'ai pas à parler ici de l'homme illustre
auquel la France doit d'être nommée la première parmi les nations qui
produisent encore des peintres. Ce grand artiste eut un moment la fortune
de voir réunie autour de lui une phalange nombreuse et vaillante, pleine
d'avenir et d'intelligence, jalouse d'une même ambition, aspirant aune
même gloire. M. Ingres aurait pu alors tout ce qu'il eût voulu ; tout lui eût
été possible, s'il avait placé son ambition plus haut que sa propre renom-
mée, s'il avait osé tenter en plein xixe siècle une de ces grandes entre-
prises réalisées par les maîtres de la Renaissance. Il eût pu doter la
France de monuments où les âges futurs eussent retrouvé la trace de
ces doctrines fécondes qui s'imposent à toute une génération. Malheureu-
sement il a manqué de cette force d'initiative qui seule peut créer de
grandes choses, il n'a pas eu foi dans les hommes qui étaient en même
temps ses amis et ses élèves, et, en se concentrant dans sa haute person-
nalité, il a abandonné le grand rôle que l'art lui avait assigné.
Ces temps sont passés, hélas ! et peut-être ne reviendront-ils plus. Que
d'abîmes n'avons-nous pas traversés pendant ces trente années ! Qu'est
devenue l'autorité des maîtres assise sur la discussion? Qu'est aussi
devenu le respect des hommes convaincus? Que de beaux rêves éva-
nouis!... Et cependant, comment ne pas se rattacher à l'espérance, quand
on voit, au milieu du doute universel, surgir encore des œuvres aussi
ferventes que les peintures récentes de Saint-Germain-des-Prés, des
hommes aussi convaincus que M. Hippolyte Flandrin. Malheureusement
nous ne sommes plus en 1832; les forces dont disposait M. Ingres sont
depuis longtemps dispersées, et je ne crois pas que M. H. Flandrin,
malgré l'autorité de ses œuvres, pût aujourd'hui de lui-même fonder une
école de peinture. Mais il réussirait sans doute si l'État, comprenant enfin
la gravité de la situation, prêtait à l'éminent artiste un puissant concours.
Pourquoi la France ne concentrerait-elle pas les capitaux qu'elle consacre
aux arts, sur des entreprises fécondes en heureux résultats? Pourquoi n'ap-
pellerait-elle pas les artistes qu'elle jugerait les plus dignes, et ne leur
1. Ces fonds s'élèvent environ à 900,000 francs par an.