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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 12.1862

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Nr. 4
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Blanc, Charles: Le procès barbedienne
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https://doi.org/10.11588/diglit.17331#0397

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LE PROCÈS BARBEDIENNE.

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et intelligibles les œuvres d'un art divin, et, par un sentiment dont
nous sommes fier, il nous est impossible de ne pas y intéresser notre
esprit.

Il y a vingt-cinq ans, les chefs-d'œuvre de la sculpture antique
n'étaient visibles, en France, nulle autre part qu'au Louvre; quelques
morceaux avaient été moulés, il est vrai, mais des statues, souvent plus
grandes que nature, ne trouvaient pas facilement place dans les ateliers
des sculpteurs ou des peintres, à plus forte raison dans les étroites
demeures auxquelles nous sommes tous condamnés au milieu des grands
centres de la civilisation. Ce fut un beau jour que celui où des mécani-
ciens de génie, Frédéric Sauvage et Achille Collas, déjà inventeurs du
physionotype et de la gravure numismatique, découvrirent le procédé
merveilleux par lequel la Venus de Milo, ramenée aux deux cinquièmes
du marbre original, apparut tout à coup aux yeux étonnés des ar-
tistes, comme s'ils l'apercevaient dans l'éloigneraient avec la lorgnette
retournée du souvenir. Mais que dis-je! au lieu de s'éloigner en se
rapetissant, le chef-d'œuvre, cette fois, se rapetissait pour se rappro-
cher. 11 leur était permis de le posséder chez eux, assez grand encore
pour conserver la majesté de son style, assez réduit pour être dans leurs
mains, pour qu'ils pussent toucher du doigt les finesses et la fierté du
ciseau, la dignité et la grâce des accents qui expriment la vie, cette vie
idéale que respirent en des couches supérieures les dieux de l'Olympe,
les dieux antiques. Ce fut une révélation et une révolution. Désormais,
l'antiquité put se faire voir, se laisser comprendre. La Diane chasseresse,
le Faune, l'Achille, l'Apollon, le Thésée et ITlissus, la Gérés et la Proser-
pine du Parthénon, et cette frise mémorable, et tous les marbres de Phi-
dias, devinrent familiers sans cesser d'être sublimes. On les vit sortir du
sanctuaire où tant de millions d'hommes n'avaient pu les voir, pour se
répandre dans les provinces, passer les monts et les mers et aller con-
vertir ou préparer à la religion du beau les nations les plus indifférentes,
les plus éloignées de la lumière. Bientôt, à force de regarder aux éta-
lages de Barbedienne, les Parisiens s'initièrent peu à peu à l'intelligence
des grandes et belles choses. Auparavant ils achetaient ces bronzes came-
lotés, sans caractère et sans nom, qui ont si longtemps infesté notre
industrie et qui sont le contre-pied de l'art, l'inverse du beau, le rebours
du style; maintenant, ils préféraient, à prix égal, des modèles consacrés
par deux mille ans de gloire, et ils étaient tout surpris de les admirer.
C'était là un événement prodigieux; jamais rien d'aussi considérable
n'avait été fait pour l'éducation de la jeunesse et pour la moraliser; car il
ne faut pas douter un instant que la présence de tant de chastes divinités
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