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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 12.1862

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Nr. 6
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Lagrange, Léon: Catalogue des dessins de maîtres exposés dans la Gallerie des Uffizii, à Florence, [1]
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https://doi.org/10.11588/diglit.17331#0555

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536

GAZETTE DES 15 EAU X-ARTS.

du Beau envahit l'esprit, et l'admiration épuisée demande grâce. Mais
tout n'est pas fini. Là, entre le Bacchus aviné de Michel-Ange et le Saint
Jean de Donatello, décharné comme une sauterelle, une porte discrète,
ouverte seulement à certaines heures, donne entrée dans trois petites
pièces, de création récente, où des rangées de cadres, suspendues le long-
dès parois, contiennent les dessins des plus grands maîtres de l'art.
L'enthousiasme se réveille et l'admiration salue une nouvelle révélation
du génie.

Tout à l'heure, nous avons vu les œuvres terminées des maîtres, celles
où leur pensée, longtemps en lutte avec la matière rebelle , est parvenue
à en triompher et à lui imprimer le cachet de leur individualité. Mais en
raison même des obstacles que cette pensée eut à vaincre, elle nous arrive
modifiée, diminuée de tout ce qu'elle a dù ajouter de charme à la matière,
affaiblie quelquefois par des sacrifices à la perfection du travail, souvent
dénaturée par une main étrangère. Ici, elle se montre à nous telle qu'elle
est sortie de l'âme inspirée de l'artiste; ici, point d'instrument indocile,
point d'œuvre longuement élaborée : un chiffon de papier, une plume, un
crayon, il n'en a pas fallu davantage à l'artiste pour écrire en deux traits
l'idée à peine conçue; et, dans ce premier jet, déjà son individualité se
trahit tout entière, avec une franchise, une simplicité, une force intime
que l'œuvre achevée ne possédera plus. Le tableau ou la statue, c'est la
communication de l'âme de l'artiste avec le public. Le dessin, c'est la con-
fidence de lui-même à lui-même, le mot murmuré à son oreille par la Muse
de l'inspiration, un rayon entrevu de la beauté divine, un éclair, un souille
passager saisi au vol. L'œuvre achevée, tableau ou statue, se présente
parée de toutes les séductions de la forme ou de la couleur; elle s'im-
pose aux yeux par l'attrait des sensualités plastiques. Ici l'idée seule
apparaît, sans ornements, sans voiles, l'idée vierge, revêtue d'un éclat
qui n'est que le reflet du Beau immatériel. Dans l'œuvre achevée enfin, le
génie adopte une formule concrète; édifice, tableau ou statue, il donne
un moule à sa pensée. Dans le dessin, cette ébauche d'un rêve, le peintre,
le sculpteur, l'architecte se,rencontrent à armes égales sur le terrain de
l'abstraction. Dépositaires du secret du génie, les dessins des maîtres
sont l'expression la plus spiritualiste de l'art.

On savait que la galerie des Uffizii possédait des trésors en ce genre1.

1. «Le fonds do cette magnifique collection, tfit M. Passavant, provient en grande partie des
princes de Médicis, quoiqu'elle ait été grandement enrichie de nos jours. Mais, comme parmi
tant d'excellents dessins il s'en trouvait quelques-uns non authentiques ou faussement attri-
bués, on les a soumis il y a quelques années à uni! louable révision, et on a fait un choix judi-
cieux... Dans les années 1766 et 1774, Andréa Scacciati et Stefano Mulinari ont publié un
 
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