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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 21.1866

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Nr. 3
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Galichon, Émile: Les envois de Rome
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https://doi.org/10.11588/diglit.19278#0301

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LES ENVOIS DE ROME.

nnüellement le public des artistes et des curieux se rend à l’École
des Beaux-Arts avec l'espoir d’apprendre qu’un maître s’est enfin ré-
vélé dans la grande peinture, et chaque fois, depuis bien longtemps,
l’exposition des envois de Rome ne crée que des déceptions. Mais
l’année 1866 a été néfaste entre toutes, et jamais, de mémoire d’ar-
tiste, on n’a vu une exhibition d’une faiblesse aussi décevante. Parmi tous les élèves
actuels de la villa Médicis, il rien est pas un seul qui sache peindre, pas un seul qui
puisse composer une scène, pas un seul qui soupçonne ce que peut être la science du
clair-obscur ou l’art de modeler une figure! Quelles qualités' peut-on trouver dans cette
Sainte Famille, empruntée par M. Michel à l’école la plus banale du xviri siècle? La
Vierge et le saint Joseph sont des figures sans caractère, sans pensée et sans corréla-
tion entre elles; les anges qui remplissent le haut de la toile forment un groupe qui
surplombe d’autant plus malheureusement la composition qu’ils ont des ailes incapables
de les soutenir. Tout dans cette œuvre, arbres et pierres, vêtements et chairs, est
peint avec des couleurs qui blessent le regard, et traité avec une égale inconsistance et
une absence complète d’accent. Ce dernier reproche pourrait être adressé à tous les
autres élèves de Rome, et en particulier à M. Monchablon, qui ambitionne décidément
le titre de peintre moraliste. L’an dernier, il nous envoyait le Sommeil du tyran; cette
année, il a retracé d’un pinceau glacial et sans passion la scène émouvante de Caïn tour-
menté par le remords. Que M. Monchablon renonce à emprunter à l'histoire ses sujets
tragiques, qui ne conviennent point à la nature de son talent, qu'il cherche moins a
faire acte de littérature en devenant plus peintre, et nous le féliciterons de sa trans-
formation.

Le paysage héroïque n’est pas moins malade que la peinture d’histoire, et, sans
être trop téméraire, nous croyons pouvoir affirmer que M. Girard , le dernier des
paysagistes envoyés à Rome, lui ralliera peu d’adeptes. Dans ses paysages comme
dans les tableaux de ses confrères, le soleil fait défaut; un voile incolore couvre uni-
formément ses campagnes et chasse toute gaieté de ces contrées où l’homme aime à
passer la vie sans songer à l’année qui s’écoule et aux heures qui emportent les beaux
jours. Pourquoi dans son concert champêtre, — qui pèche par la composition,
comme parla perspective aérienne, — a-t-il, — loin d’imiter Giorgione, — accusé un
désaccord absolu entre ses personnages très-montés de ton et la nature qu’il a peinte
triste et blafarde? Quel beau site que le vallon fertile de Tibur! Comme les eaux y sont
fraîches et les ombrages épais ! Comme la lumière vive du midi enlève avec vigueur sur
le ciel les masses de verdure et trace des sillons enflammés sur les terrains! Mais

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