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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 21.1866

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Nr. 3
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Bulletin mensuel: août 1866
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https://doi.org/10.11588/diglit.19278#0307

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BULLETIN MENSUEL.

295

Sans doute, le grand art aura toujours ses victimes, comme le dévouement à les
siennes. De même que l’amour du vrai et la passion du bien, l’ambition du beau coû-
tera toujours des larmes amères. Mais ces larmes, au lieu de les sécher par d’insuffi-
santes aumônes, ne vaudrait-il pas mieux les prévenir ? C’est un effort vers ce but que
de décourager les prétentions folles. C’en serait un autre, plus méritoire à coup sûr,
d’affermir les ambitions légitimes en leur distribuant un solide enseignement. Poussez
les médiocres dans les carrières lucratives de l’art industriel, mais donnez aux forts le
pain des forts. Maintenez, toujours plein, le trésor qui nourrit les grandes âmes. Au
lieu d’une liberté précaire et anticipée, ce qu’elles demandent, c’est, le joug salutaire de*
l’éducation, c’est l’autorité des maîtres, émanant des grand principes, appuyé sur les
grands modèles, c’est un encouragement élevé, décerné par ceux qui, l’ayant obtenu,
en connaissent mieux le prix.

En distribuant les récompenses aux lauréats du Salon de 1866, M. le ministre
d’État a trouvé aussi de nobles paroles. Il a loué dignement les derniers artistes enle-
vés à la France par une mort toujours prématurée, Nanteuil, Troyon, Hippolyte Bel-
langé. Toutefois, la meilleure manière de louer Beilangé, ne serait-ce pas de placer son
Waterloo au Luxembourg ou à Versailles? Le ministre a été plus sobre d’éloges en-
vers les vivants, et c’est une preuve de bon goût. 11 a annoncé que le droit de décer-
ner la médaille d’honneur n’appartiendrait plus à la totalité.des exposants, et c’est un
acte de justice. Mais peut-être y en avait-il un autre à accomplir. Aux noms de
MM. Busson, Gide, Merle, Carpeaux, Gruyère, Merley, Girard, Édouard Girardet et
Schlesinger, nommés chevaliers de la Légion d’honneur, l’opinion publique s’était
habituée à en ajouter deux, sinon trois, dont l’absence sur la liste des récompenses a
causé une certaine surprise. Le naufrage de la médaille d’honneur n’a porté atteinte
qu’à la compétence des juges : il a laissé intacts les titres des candidats. Ne pas leur
tenir compte d’un échec qui équivaut à un demi-triomphe , n’est-ce pas les placer au-
dessous de ceux même qu’on ne jugeait, pas dignes de concourir? La Ville de Paris
n’a pas oublié M. Bonnat dans la répartition de ses travaux d’art : elle l’a placé, après
M. Lehmann, en tète de sa liste, les chargeant tous deux de la décoration d’une salle
d’audience du nouveau Palais de justice. La Chronique a reproduit cette liste de réparti-
tion. J’v veux signaler par-dessus tout la commande faite àM. Salmon d’une gravure en
taille-douce de Y Apothéose de l’Empereur, par M. Ingres. Encourager la gravure en
taille-douce, lui donner pour modèle une œuvre de style, c’est montrer au grand art
que la justice vient à lui quelquefois, et que, s’il a ses jours de larmes, il a aussi ses
jours de fête.

N’a-t-on pas déjà pleuré la gravure comme un art éteint? Et voilà que, sous une
impulsion à laquelle la Ville de Paris a la plus grande part, la gravure semble renaître.
Résultat heureux, digne des sympathies de tous les amis de l’art. Personne n’y aura
plus contribué que l’écrivain d’un goût si sûr, qui, dès 1856, opposant la photogra-
phie à la gravure, démontrait l’insufisance mécanique de l’une et la supériorité artis-
tique de l’autre. Relisez ce remarquable travail dans le volume où M. Henri Delaborde
l’a réuni à d’autres articles semés en divers recueils, et vous verrez comment l’opinion,
d’abord surprise, s’est rangée peu à peu aux conclusions du critique, comment le temps
a pris soin de justifier ses arguments1. La photographie n’agonise pas, et M. Dela-

1. Mélanges sur l’art contemporain, par le vicomte Henri Delaborde, conservateur du département des
estampes à la Bibliothèque impériale. Paris, Jules Renouard, 1866, 1 vol. in-8°.
 
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