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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 21.1866

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Nr. 5
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Lagrange, Léon: Pierre Puget, [8]
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https://doi.org/10.11588/diglit.19278#0471

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PIERRE PUGET.

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sa place : le cœur grand, fier et tendre; peu de fiel, beaucoup de bile;
un cerveau brûlant, et quelque peu brûlé; des humeurs noires abon-
dantes, opaques; un sang chaud, généreux, prodigieusement vif et
prompt : le reste médiocre : la vie délaissant les grossièretés de la ma-
tière pour affluer à ces points délicats où l’ordre physique n’a der valeur
que par l’ordre moral, comme l’éponge par le liquide qui la remplit.
Un souffle puissant anime toute la machine appuyée sur deux ressorts ;
le génie et le caractère.

Bougerel a essayé de peindre Puget d’après les papiers domestiques,
c’est-à-dire les notes de famille et les souvenirs épars de contemporains
vieillis. Il y a dans le portrait plus d’un trait de complaisance qu’on re-
connaîtra à première vue; il y a aussi de précieux détails, et, en somme,
un ensemble d’une grande justesse.

Puget, dit-il, joignoit toujours l’application et l’attention à une pratique exacte:
il n’entreprenoit jamais un ouvrage, qu’après avoir long-temps médité son sujet; il se
rénfermoit pour y penser très-tranquillement, et pour ne mettre rien dans son ouvrage
qui ne fût conforme à la belle nature, au vrai, ou au vraisemblable. On trouvoit tout
dans son lieu naturel. Après avoir passé ainsi quelque temps dans une espèce de soli-
tude, et rangé dans son esprit tout son dessein, il le suivoit exactement, comme s’il eût
eu un modèle. Pendant qu’il travailloit, il n’aimoit pas à être interrompu, pour ne pas
perdre ses idées méditées, et corrigées dans son esprit. Ce qui faisoit dire aux per-
sonnes qui alloient chez lui par curiosité, qu’il é.toit impraticable, parce qu’il ne vou-
loit voir personne pendant son travail, pour ne pas dissiper son esprit extrêmement
attentif à ce qu’il faisoit. Il aimoit la compagnie hors de ce temps-là : il avoit du goût
et de l’amour pour tous les beaux arts; il ne vouloit rien ignorer : il n’avoit besoin de
personne pour ses outils; c’étoit lui qui les faisoit tous. II entendoitla musique, il chan-
tait et touchoit des instruments; il'pinçoit sur-tout très-délicatement le luth. Son esprit
étoit solide, et capable de tout. 11 étoit bon ami, exempt de cet esprit intéressé, qui ne
peut être que la source de la bassesse et de la dissimulation, et d’une sordide com-
plaisance. Il fut d’une droiture que rien ne put ébranler; l'homme du monde le plus
sincère, et le plus ennemi de tout déguisement. 11 étoit fidèle à tous ses devoirs envers
Dieu, ses tableaux de dévotion, ses fondations, et une infinité d’autres actions sont un
assez solide témoignage de ce que j’avance. Ceux qui font fréquenté ont. trouvé en lui
un véritable ami, un excellent ouvrier, appliqué, infatigable, un homme du meilleur
conseil; toujours disposé à faire honneur à sa famille, à sa patrie, à ses amis par des
ouvrages qui ne mourront jamais. Je ne déguiserai pas cependant que tant de vertus
et tant de talents étaient mêlés avec quelques défauts; qu’il était extrêmement vif,
impatient, brusque, colère: mois ces ombres ne faisoient que relever davantage ses
vertus et ses bonnes qualités.

Le témoignage de De Dieu confirme Bougerel : « Ce grand homme
estoit voué d’une très grande vertu, sans aucune ambition de son su-
prême savoir, mais d’une grande humilité par la crainte de Dieu. » La
 
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