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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 21.1880

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Nr. 1
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Mantz, Paul: Adrien Brauwer, 2
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https://doi.org/10.11588/diglit.22841#0052

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

Z|6

folle; un paysan poursuit un dialogue avec une femme; enfin on danse
dans l’angle inférieur du dessin, et ces cinq figures sautillantes sont
enlevées par le rythme joyeux d’un mouvement superbe. Burger aimait
beaucoup ce dessin. « Tout cela, disait-il avec raison, est prodigieux de
mimique, de naturel et d’esprit. »

11 serait étrange qu’un artiste aussi bien doué que Brauwer et aussi
curieux des procédés d’expression ne se fût point essayé dans la gra-
vure. 11 n’y a pas manqué. Heinecke, qui a catalogué son œuvre gravé,
enregistre dix-neuf eaux-fortes, les unes dans le format in-quarto, les
autres un peu plus grandes. Elles représentent des paysans, des
fumeurs, une femme qui demande l’aumône, une autre femme faisant
des galettes. Une de ces gravures, celle où Ton voit un singe qui fume,
a le caractère d’une charge. Presque toutes ces eaux-fortes sont d’un
accent spirituel et robuste, avec une forte saveur rustique. 11 en est
deux surtout qui méritent particulièrement d’être recherchées, et ce
n’est pas sans raison que M. Georges Duplessis cite le Paysan allumant
sa pipe et la Compagnie de quatre paysans, dans le catalogue des
pièces choisies qu’il a joint à sa nouvelle édition de Y Histoire de la
gravure.

L’accentuation du type, le caractère précisé jusqu’à l’outrance, la
recherche de l’expression rendue visible par les lignes du visage, par la
justesse de la silhouette, par la vertu individuelle de l’accoutrement et
du geste, ce sont là les qualités maîtresses d’Adrien Brauwer. Ici le talent
touche au génie, à ce génie d’ordre spécial qui ajoute aux dons naturels
les conquêtes d’une observation constante, l’effort soutenu d’une volonté
toujours en éveil. Il y a même là un peu de mystère. Les artistes qui
ont eu le bénéfice d’une longue vie ont pu, dans une étude tous les ma-
tins recommencée, amasser une ample provision de faits particuliers,
noter beaucoup de types et beaucoup d’attitudes; ils ressemblent aux
médecins qui, ayant vu des multitudes de fiévreux, ont acquis le droit
de parler savamment de la fièvre. Mais Brauwer n’a même pas eu, pour
observer et pour s’instruire, le court délai d’une existence ordinaire. Si
les livres ne se trompent pas en le faisant naître en 1608, il a vécu trente
et un ans. C’est à peine le temps nécessaire à l’apprentissage. Faut-il
croire que, dès sa vingtième année, à l’heure où tant d’autres en
sont encore au balbutiement, il était déjà un homme et un maître?
Cette perfection prématurée a quelque chose d’inquiétant. L’idée nous est
souvent venue que la date assignée à la naissance de Brauwer était une
pure hypothèse. Et combien elle doit en effet paraître incertaine à ceux
qui se souviennent que les fureteurs d’archives ne sont pas encore en
 
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