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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 21.1880

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Nr. 3
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Duranty, Edmond: Adolphe Menzel, [1]
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https://doi.org/10.11588/diglit.22841#0215

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204

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

dans une pensée nationale qui n’était pas encore faite, mais qui semble
maintenant se préparer.

Dans l’Allemagne du Nord, au contraire, toute la grandeur de la
patrie date de Frédéric, et l’immense élan qu’elle a pris vient encore de
la poussée qu’il lui donna. Le souvenir du héros préside à la vie alle-
mande; de la chaumière au château, il est intimement lié au peuple et
à sa gloire; Frédéric II est pour le paysan un parent, un ancêtre, aussi
bien que pour la noblesse. Chaque Allemand du Nord peut se dire qu’il
doit quelque chose à Frédéric. Aussi le grand prince est-il gravé dans la
pensée populaire, et sa figure a-t-elle pu agir avec une force extraordi-
naire sur les artistes.

La vocation artistique fut absolue chez M. Menzel, et l’on peut dire
qu’il dessina dès qu’il put tenir un bout de crayon.

Son père dirigeait une pension pour les jeunes filles. Il ne se soucia
pas que l’enfant se lançât dans l’art, voie fort aride, surtout à cette
époque et dans ce pays, et il s’occupa de lui donner une direction tout
autre. Néanmoins Adolphe Menzel n’avait pas quinze ans qu’il triomphait
de la résistance de son père. On s’efforcait de lui inspirer du goût pour
l'étude de l’histoire, et l’on y réussit ; ses lectures se traduisirent bientôt
par de nombreuses compositions qu’il se mit à dessiner. Mais ce furent
surtout des portraits, qu’il faisait alors, qui frappèrent les amis de la
famille. Le père se décida à seconder la vocation de l’enfant et vint s’établir
avec les siens à Berlin, où il fonda un établissement de lithographie dont
son fils devait être l’âme et le principal soutien. 11 y a là une sin-
gulière évolution chez un homme, et passer de l’état de professeur pour
les jeunes filles à l’état de lithographe est une volte-face bien inattendue,
mais qui prouve combien il avait confiance désormais dans les destinées
de son fils, et par quelle sollicitude il choisissait une profession qui fût
d’accord avec les aptitudes de celui-ci.

A Berlin, les artistes flottaient à demi entre le nouvel art idéaliste du
centre et du sud et leur propre tradition réaliste. Cari Begas, coloriste
romantique, Wach, tous deux élèves de Gros, Kolbe, élève de Chodo-
wiecki, ce qui ne l’empêcha pas de devenir romantique lui aussi, et
Biermann, paysagiste, étaient les célébrités de l’art berlinois. Au fond,
l’hésitation dominait; les esprits s’agitaient dans le trouble plutôt qu’ils
ne s’attachaient à une direction. Mais l’on était bien d’accord pour
dédaigner, comme partout en Europe, l’art du xvnr siècle, et les mar-
chands de Berlin donnaient alors pour quelques groschen les gravures
de Chodowiecki, aussi bien que nos gravures françaises, parentes des
siennes.
 
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