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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 21.1880

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Nr. 3
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Duranty, Edmond: Adolphe Menzel, [1]
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https://doi.org/10.11588/diglit.22841#0217

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206

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

On se l’appelle le portrait que nous avons publié, l'année dernière,
d’après le buste de M. Reinhold Begas ; on se rappelle la vigueur du
front, des yeux, de la bouche, tout cet ensemble d’organes perçants,
acérés, solides, ce masque tout en volonté et en attention.

De cette indépendance et de cette faculté d’observation est sorti un
des plus étonnants dessinateurs qu’il y ait jamais eus, et ce dessinateur
est devenu aussi un peintre supérieur.

Ceux qui demandent à la nature son jeu infiniment varié, la-certitude
de ses accords, la parfaite netteté de ses expressions, tout ce qu’elle dit,
tout ce qu’elle contient ; ceux qui veulent connaître l’appareil de ses
œuvres, et qui savent que, si tel trait est ici, tel autre doit être là ; que
chaque chose, dans l’ensemble, joue un rôle de pierre angulaire, ceux-
là voient que M. Menzel est un des esprits les plus forts qui se soient
jamais trouvés aux prises avec Ja nature par l’intermédiaire du crayon
ou du pinceau ; ils restent stupéfaits de ce don prodigieux qu’il possède :
le don de vie et de vérité.

Par là-dessus, il a un tempérament de race; il est un peu brutal et
sauvage comme Hogarth; il va droit à la nature n’importe où; elle
l’attire partout. Il est trop nature, ai-je entendu dire. Il a eu le privilège
de la reproduire avec infaillibilité avant que la photographie existât,
dit M. Pietsch. Enfin, quand on voit des photographies d’après les
œuvres de M. Menzel, on croirait que ces photographies ont été faites
d’après nature, s’écrient quelques autres.

Il est de sa race, dis-je; là, point d’élégance, point de beaux torses
apolloniens. Voyez ces généraux de Frédéric II, il n’v a point de Murat,
de Duroc parmi eux ; presque tous sont trapus, courtauds ou énormes,
taillés à gros pans, comme des piliers carrés, et en cela, pourtant, assez
semblables à une partie de notre génération révolutionnaire de 1789,
commune, mais pleine cle feu. La nature ne sait pas si elle est élégante
ou lourde; elle épuise toutes les formes, tous les possibles, comme di-
sait Leibnitz, mais toujours selon des lois inévitables. Connaître ces
lois, les exprimer, nous les livrer sûrement, voilà l’œuvre de certains
artistes, comme de certains philosophes, de certains savants. Les mécon-
naître, les violer pour satisfaire un sentiment d’amour-propre, de faiblesse
humaine, telle a été l’œuvre d’autres philosophes, d’autres savants,
d’autres artistes qu’on a longtemps préférés.

La vérité ! La vérité en tout, en art, en science, en histoire, voilà le
devoir. Celui qui nous la donne peut nous blesser, il a rempli son devoir
envers nous. Nous n’avons d'autre but que de connaître la vérité. L’art
n’est pas en dehors des nécessités, des lois de l’esprit humain ; il ne re-
 
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