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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 21.1880

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Nr. 3
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Duranty, Edmond: Adolphe Menzel, [1]
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https://doi.org/10.11588/diglit.22841#0226

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

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vures, de documents variés, ai-je déjà dit. Plus tard, on lui donna pour
atelier au Château-Royal une salle remplie d’armures et de harnois.
Il eut une exactitude et une précision inouïes à dessiner toutes ces
choses du passé; il mesurait une ganse ou un bouton au compas, s’il le
fallait. Par là, M. Menzel en acquit une connaissance si intime qu’il
put rendre la vie à ces débris jusque-là inanimés. Dans ces uniformes
et ces armures vides, il remettait des hommes vivants ; ces plastrons ou
ces manches, qui tout à l’heure pendaient flétris, aplatis, informes; ces
visières béantes et affaissées, ces brassards aux jointures raidies, tout
cela reprit son mouvement, son geste, sa (leur, son âme, comme à
l’incantation d’un magicien. Aucun artiste, peut-être, n’a réussi à évoquer
les hommes du passé comme l’a fait M. Menzel.

Le secret de cette magie est simple. Nous ne pouvons rien sentir
et comprendre d’autrefois qu’à travers le cadre et le spectacle de ce qui
nous entoure. M. Menzel a su restituer aux siècles antérieurs leur vie
disparue, parce qu’il avait profondément étudié, ressenti, savouré la
vie moderne. Il est surprenant de voir comment l’artiste a manié les
armures et les uniformes, ressuscité les soldats de Frédéric et les
chevaliers du moyen âge. Les deux compositions intitulées Devine qui
c'est et le Chevalier à la soif sont extrordinaires. Les lourds mou-
vements d’ours que prennent les armures, la gaieté à manœuvrer ces
machines mystérieuses et bizarres, à ensevelir sous un énorme casque
fermé, boîte formidable et comique, une tête humaine invisible, mais
dont le souille palpite sous l’enveloppe d’acier, la profonde justesse qui
exprime tous les organes du personnage à carapace de fer, sont les
remarquables témoignages d’une étonnante puissance d’intuition.

Et puis ces formes massives, fortes, cubiques, conviennent à l’artiste;
elles sont celles de son peuple, de son monde ; il a vécu là-dedans, il
excelle à les rendre. Il les retrouvera dans ses voyageurs en chemin de
fer, dans ses bourgeois qui se balancent en hamac.

C’est donc un esprit plein d’imagination et de fantaisie que M. Menzel,
ce parfait réaliste, un grand évocateur. Je ne parlerai qu’en passant de
ses admirables Héros, de Zieten le hussard, le petit homme étrange, à
l’œil perçant, le guerrier fougueux, pieux et modeste; de Seydlitz, le
cuirassier mettant, colosse botté, le pied à l’étrier; du prince de
Wurtemberg passant le bras dans la manche de son pardessus, tandis
que son regard attentif et un peu inquiet parcourt le champ de
bataille; je ne ferai qu’indiquer la hâte intrépide à se jeter dans l’action,
dans la lutte, qu’on sent bouillonner en tous ces hommes. Là où je veux
saisir à pleines mains, pour ainsi dire, la fantaisie créatrice de
 
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