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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 21.1880

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Nr. 4
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Portalis, Roger: La collection Walferdin et ses Fragonard
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https://doi.org/10.11588/diglit.22841#0312

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298

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

pressentie lorsqu’il décrivit comme dans un rêve le beau tableau de
Callirhoé, et ce songe délicieux, un amateur éclairé l’avait réalisé
pour sa satisfaction intime, en réunissant chez lui tout ce qu’il avait pu
rencontrer, signé d’un maître gracieux entre tous, et l’on croirait vrai-
ment aujourd’hui, à la vue de tant de manifestations si diverses sorties
d’un même pinceau, de tant d’ébauches et de dessins, voir se rouvrir
tel qu’il fut fermé, il y a près de quatre-vingts ans, l’atelier d’Honoré
Fragonard.

M. Walferdin était de Langres, la patrie de Diderot, auquel il avait
voué, comme à Fragonard, une sorte de culte. Il s’occupa d’abord d’ex-
périences de physique et fut le collaborateur de savants célèbres; mais,
bien qu’il se soit beaucoup mêlé à la politique et avec des convictions
républicaines très arrêtées, on peut dire cependant que c’est au goût des
lettres et des arts qu’il semble avoir consacré la meilleure partie de son
existence. Imbu des idées philosophiques et sentimentales de la fin du
siècle dernier, cette époque avait eu visiblement le don de le passionner,
et ses préférences s’étaient plus spécialement incarnées en deux hommes.
Est-ce comme compatriote, est-ce pour ses théories philosophiques, à
cause de ses étincelants Salons, ou peut-être des quelques belles pages
écrites sur Fragonard, qu’il avait distingué Diderot? Tout cela se
mêlait probablement dans son esprit. Toujours est-il que l’austère répu-
blicain ne séparait guère, dans son affection, le peintre et le philosophe.
Il prit une part active à la meilleure édition faite jusqu’alors des œuvres
de ce dernier, à celle de Brière, et de bonne heure s’entoura, dans sa
modeste demeure, de tableaux, de beaux dessins, des moindres esquisses
de l’auteur de Y Escarpolette, et cela à une époque où les productions de
l’Ecole française, si négligées à la suite de la réaction provoquée par
David, se donnaient littéralement pour rien. M. Walferdin en avait profité
pour y joindre quelques remarquables spécimens de l’art français du
même temps. Houdon, Boucher, Latour, Greuze figurent avec honneur
dans sa galerie. Aussi, il y a dix-huit ans, quand un amateur enthou-
siaste et d’un goût délicat put jeter un coup d’œil sur cette réunion
exquise dont un vieillard aux cheveux blancs qui semblaient poudrés,
au costume et à l’allure xvme siècle, lui faisait les honneurs, son plus
ardent désir fut-il, coûte que coûte, de la posséder tout entière. Devant
la volonté bien arrêtée de ne pas se dessaisir, une transaction honorable
pour tous deux intervint, par laquelle le collectionneur garantissait à sa
mort au nouvel acquéreur, moyennant une rente viagère, la propriété
absolue de son riche cabinet. M. Walferdin tint sans doute à jouir le plus
longtemps possible de la vue de ses Fragonard; le Ciel lui accorda de
 
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