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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 21.1880

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Nr. 5
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Chennevières-Pointel, Charles Philippe de: Le Salon de 1880, 1
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https://doi.org/10.11588/diglit.22841#0412

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394

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

pût songer, tout chaud que j’étais encore de la mêlée d’avant-hier. 11 y
a juste trente ans, j’écrivais un Salon pour un petit journal de ma pro-
vince ; mais je l’écrivais avec l’absolue indépendance d’un curieux ne
se connaissant pas d’ami, dans ce monde des arts, qui ne fût mort
depuis cent ans. La franchise sans avoir à blesser l’amitié, c’est là la
bonne condition, et vous en trouveriez un exemple admirable dans les
articles qu’un homme, qui depuis a été membre du jury de peinture,
M. Jules Buisson, adressait en 1867 aux journaux de Toulouse, à pro-
pos de l’Exposition universelle d’alors.

L’indépendance, je le sais, est affaire de tempérament; et qui ne
sait garder sa loyauté de parole, même dans les jugements les plus déli-
cats, peut compromettre d’un coup, sans y songer, les estimes qu’il tient
pour les plus précieuses. D’ailleurs vient un âge où l’on est pris pour la
vérité de ce «dévoiement» dont parle Saint-Simon : on ne sait plus taire
ce que l’on pense. Mais pourquoi alors accepter une besogne où l’on doit
s’attendre à exercer son impartialité aux dépens de ceux que, depuis un
tiers de siècle, on a constamment pratiqués comme gens de bien et
d’honneur, avec lesquels on a été lié par une sympathie profonde, que
l’on n’a peut-être pas désobligés jusqu’à ce jour, que Ton a jugés dignes,
par l’ensemble de leurs travaux passés, d’être appliqués à l’enrichisse-
ment du domaine de l’art national? Est-il suffisant de dire, pour se laisser
aller à l’imprudente aventure, qu’il n’est pas sans intérêt pour un homme
amoureux de l’histoire et du progrès de notre école, d’examiner froide-
ment le mouvement qui s’est opéré en elle depuis qu’elle est désemparée,
après trois expositions universelles, de la plupart des grands noms qui
en étaient les guides et l’honneur, de constater ses ressources en l’état
présent, de voir d’où le vent lui souille, et si ce vent lui apporte la mort
ou le renouveau? Tâchons, après tout, de nous en tirer au moins mal, et
à la grâce de Dieu.

Quand je repense à ce Salon de 1850, je ne peux m’empêcher de
regretter la richesse de cette époque bienheureuse. C’était le temps où,
dans une seule exposition, on voyait réunis : cinq Delacroix; la Résurrec-
tion de Lazare, le Lever, le Giaour, Lady Macbeth, le Bon Samaritain;
dix Decamps, dont Lliézer et Rebecca, la Cavalerie turque traversant un
gué, la Fuite en Égypte, le Troupeau de canes, etc.; huit paysages de
P. Huet, sept Diaz, sept paysages de Th. Rousseau, quatre Corot, trois
Troyon, sept Daubigny ; la Jane Shore et le Sénat de Venise, de Robert-
Fleury; les Océanides et onze autres Lehmann ; quatre Roquepfan, cinq
Cabat, neuf Jadin ; le Portrait du Président de la République, par Horace
Yernet; le Semeur et les Rondeurs, de J.-Fr. Millet; neuf Courbet, dont
 
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