Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 21.1880

DOI Heft:
Nr. 5
DOI Artikel:
Gonse, Louis: Eugène Fromentin, 6: peintre et écrivain
DOI Seite / Zitierlink: 
https://doi.org/10.11588/diglit.22841#0487

DWork-Logo
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

466

Fromentin était alors parfaitement inconnu comme écrivain et à
peine connu comme peintre. Le petit groupe du tout Paris dilettante et
délicat dont l’opinion en ces temps civilisés suffisait à élever ou à abaisser
les réputations ne lui marchanda ni l’éloge ni le succès. Dès les pre-
mières lignes la cause était gagnée auprès des arbitres de la critique; et
parmi ceux-ci il en est deux qui ouvrirent le feu avec une chaleur irré-
sistible : George Sand et Sainte-Beuve. Il n’en fallait certes pas plus pour
assurer la fortune littéraire de Fromentin. Michel Lévy accourait pour
lui demander d’éditer les articles de la Revue de Paris en volume, et
les portes rébarbatives de la Revue des Beux Mondes s’ouvraient devant
lui.

De ce moment date un vif courant de sympathie entre le critique, le
romancier et le peintre. Entre George Sand et Fromentin, le volume du
Sahara devint même l’assise d’une amitié inaltérable, très franche de
part et d’autre, très fructueuse pour Fromentin, qui y puisa de grands
encouragements et de francs conseils. Ces deux esprits éminents s’étaient
rencontrés dans les régions les plus sereines de leur idéal, dans le culte
enthousiaste de la nature. Rien ne rapproche comme l’admiration, comme
la communauté de sentiment, et certes peu de gens ont écouté avec
autant de passion, entendu avec plus de finesse, traduit avec un plus
vif souci d’exactitude les langages de la nature. Chez eux la compréhen-
sion de la nature devient un sixième sens. La plus grande force du talent
de l’auteur de la Mare au Diable, comme de celui de l’auteur du Sahara,
est dans cette exquise sensibilité naturaliste. Il est impossible de ne
point vibrer avec eux. Je ne sais plus qui — c’est Théodore de Banville,
je crois — divisait les hommes en deux classes : les lumineux et les
réfractaires. George Sand et Fromentin sont des lumineux par excel-
lence. Des sensations chaudes, vives, continuellement variées et mou-
vantes comme la nature, des étincelles éclatantes, sortes de molécules
animées, émanations des choses elles-mêmes, courent sous leur plume
comme un frisson et donnent à leurs descriptions, à leurs impressions
une netteté incroyable. George Sand, ardente disciple de Jean-Jacques,
a plus de tendresse et d’émotion ; Fromentin, plus novateur dans ses
procédés, est aussi beaucoup plus peintre, c’est-à-dire plus exact, plus
minutieux, plus plastique, surtout plus concentré; mais le talent est
égal chez les deux.

Sous les dehors d’une composition très simple, presque modeste, le
Sahara est une œuvre d’art absolument accomplie. Je n’ai pas à en faire
l’apologie auprès des peintres qui, par métier, sont habitués à exercer
leur œil dans l’étude des accents précis de la nature. Quant aux littéra-
 
Annotationen