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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 21.1880

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Nr. 6
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Bonnaffé, Edmond: Physiologie du curieux, [1]
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https://doi.org/10.11588/diglit.22841#0512

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PHYSIOLOGIE DU CURIEUX.

491

L’amateur et l’érudit ont un objectif, des procédés différents. L’un,
passionné pour le beau, ne poursuit que son idole; il la reconnaît à son
parfum, à son rayonnement, il la devine. Son instinct, son émotion, son
enthousiasme lui crient : C’est elle! et, comme Pauline, il voit, il sait}
il croit. L’érudit, impassible et sceptique par état, dissèque, décom-
pose, analyse à froid; il veut des preuves, un état civil en règle, des
papiers de famille ; il fait la police, arrête les suspects et contrôle les
feuilles de route. Le premier se jette aux genoux de la beauté, l’autre
lui demande ses passeports.

Aucun n’est infaillible. L’érudit court le risque d’accueillir une œuvre
habilement contrefaite, ayant tous les signes matériels de l’authenticité,
mais dépourvue de caractère; l’amateur peut céder au premier mouve-
ment, à l’apparence du beau; il ne choisira pas une œuvre médiocre ou
fausse, il se laissera prendre à la beauté du diable.

Quelques amateurs sont en même temps des érudits; plus investiga-
teurs ou moins confiants que les autres, ils ont cherché des témoignages,
des rapprochements, des filiations certaines, des preuves; les matériaux
mêmes de leur collection deviennent entre leurs mains autant de pro-
blèmes à résoudre, d’inconnues à dégager. Ils fouillent le passé jusqu’au
tuf, pour asseoir leur croyance sur le bon sol, frayent des voies nou-
velles et répandent leur doctrine. Ce sont les travailleurs de la curiosité;
ils ont la double garantie, l’instinct, qui devine, et la science, qui rai-
sonne; la double jouissance, celle du gourmet, qui savoure, et celle du
savant, qui prouve. Chez eux, la critique et la foi se tempèrent, se com-
plètent et s’entendent à merveille ; l’amateur emporte le savant dans
les régions hautes, et le savant lui sert de garde-fou.

L’homme qui aime les livres, pour l’excellence des images, la perfec-
tion typographique, l’élégance des reliures; — les médailles et les es-
tampes, pour la qualité des épreuves, la beauté du travail, l’œuvre de
l’artiste ; — qui ne cueille que la fleur dans chaque espèce : celui-là
 
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