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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 21.1880

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Nr. 6
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Lefort, Paul: Velazquez, 5
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https://doi.org/10.11588/diglit.22841#0555

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532

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

près, de la même époque que le portrait du petit prince, des spécimens
parfaits des plus belles qualités du maître.

La date de l’exécution du Portrait équestre de l’infant don Balthazar-
Carlos, qui n’y paraît guère plus âgé que dans son portrait en cos-
tume de chasse, peut être fixée à l’année 1636. Montant une petite
jument andalouse, bai clair, lancée au galop, l’infant, vêtu d’un joli
costume de velours vert olivâtre, agrémenté et passementé d’or, traversé
d’une écharpe rose, frangée d’or, la tête couverte d’un chapeau aux
larges ailes où flottent quelques plumes, tient à la main, d’un geste fier,
un bâton de commandement. L’air qui y semble palpable; l’élan de cette
galopade emportée, rendu sensible par la justesse des mouvements de
la monture, présentée en un audacieux raccourci; le frémissement, l’en-
volement des choses légères soulevées, fouettées au vent de la course,
tout concourt à imprimer à cette peinture une extraordinaire intensité
d’action et à lui donner la parfaite illusion de la vie. Colorée magistra-
lement dans une tonalité chaude et puissante, la silhouette du groupe
s’enlève avec force sur un fond de paysage très clair dont les éléments
sont des plus simples : une colline, un peu de plaine et pour horizon
les lignes accidentées et bleuâtres du Guadarrama aux cimes neigeuses.

Ce qu’il faudrait pouvoir décrire dans cette prestigieuse peinture
échappe précisément à toute analyse. Comment exprimer avec des mots
ce qu’elle a de naturel et de spontané? comment dire en quoi con-
siste l’apparente vérité du coloris? et comment expliquer cette étonnante
propriété de la touche arrivant à rendre toutes choses sensibles et
comme parlantes? Mais ne serait-ce point là vouloir analyser le génie
lui-même?

Le 6 décembre 1637, Madrid et la cour étaient en émoi. Une longue
file de carrosses, escortés de cavaliers du plus haut rang, allaient attendre
jusqu’auprès de l’Abronigal la célèbre Marie de Rohan, duchesse de Cbe-
vreuse, que ses démêlés avec Richelieu avaient brusquement déterminée
à s’enfuir en Espagne. Elle y fut accueillie par toute la noblesse avec une
pompe et un enthousiasme inouïs. Philippe IV la combla particulière-
ment de toutes sortes de marques de faveur. Des fêtes dans les jardins
du Retiro, des spectacles, des courses de taureaux et de bagues, des
chasses au Pardo furent ordonnées en son honneur : même, s’il faut en
croire l’indiscrète M""’ de Motteville, le roi aurait été loin de se montrer
insensible aux séductions de la jolie et romanesque duchesse. Très pro-
bablement par ses ordres, Velâzquez commença le portrait de Mrae de
Chevreuse. C’est du moins ce que nous apprend l’auteur anonyme des
Nolicias de Madrid, sorte de gazette manuscrite à la fois politique et
 
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