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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2. Pér. 33.1886

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Mantz, Paul: Andrea Mantegna, 1
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https://doi.org/10.11588/diglit.19427#0014

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G

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

joyeuse vers l'humble réalité si longtemps proscrite ou du moins si
timidement interrogée. En même temps, l’antiquité, déjà retrouvée
par les lettrés et les érudits, et qui, il est juste de le dire, n’avait
jamais été complètement méconnue, apparaît plus clairement aux
yeux des artistes; elle se précise par une étude plus directe, et sa
grâce virile s'impose aux cœurs charmés et les enflamme. De là
une double ivresse. Partout, on se retrouve, on se reconnaît, et il
semble qu’un bruit de baisers monte dans le ciel italien. Au début
du xve siècle, Part a connu toutes les fêtes d’un renouveau longtemps
attendu.

Cette félicité, toute pleine de l’imprévu de la découverte et des
floraisons de l’esprit, ne fut cependant pas sans mélange. Le temps
était dur. Si jamais l’art a prouvé sa vitalité merveilleuse, c’est bien
à ce moment de l’histoire, car il a grandi au milieu des luttes et des
misères. Le monde politique appartenait à la bataille, âpre, violente
et tous les jours recommencée. Les villes se font la guerre, les
princes vivent l’épée à la main, les corporations rivales se déchirent,
la discorde est à tous les foyers. Si nous voulons reconstituer la
physionomie du xve siècle, tenons compte des tristesses qu’il a subies,
des drames qui l’ont ému. Bien des tortures, bien des amertumes se
mêlèrent à la joie des artistes et jetèrent de l’ombre sur leurs plus
lumineuses années. De ces conflits intérieurs et de ces querelles, il
est resté une trace dans les grandes œuvres du temps. Chez plusieurs
des maîtres de ce moment glorieux, la culture intellectuelle développe
une aptitude singulière à voir le côté douloureux des choses : ils sont
mélancoliques, ils sont tourmentés, et quand on essaye de demander
à quelques-uns d’entre eux la peine secrète qui les agite, on se
trouve en présence d’une gravité inquiétante comme un mystère.

Les complications de l’esprit du xve siècle, le violent désir
d’enterrer pour toujours le moyen âge, l’amour passionné pour les
rêves du monde antique, le culte de la nature étudiée dans son
vivant relief, l’accent d’une conviction intraitable, et je ne sais
quelle énergie farouche caractérisée par la rareté du sourire, toutes
ces choses et beaucoup d’autres sont visibles chez le grand ancêtre,
Andrea Mantegna. Alors même qu’on n’a pas abordé l’étude de son
œuvre et des questions d’art qu’elle soulève, on comprend, rien qu’à
voir son portrait, qu’on a affaire à un créateur terriblement sérieux.
Ce portrait est universellement célèbre h A l’entrée de l’église Sant’ 1

1. Nous le donnerons prochainement en gravure hors texte.
 
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