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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
n’a pas été authentiquement déterminé : il vint de très bonne heure
à la ville, et il s’est toujours considéré comme Padouan. Il a plus
d’une fois ajouté à son nom le titre de Patavinus, fort respecté alors,
car il donnait à ceux qui le pouvaient prendre une sorte de parenté
lointaine avec Tite-Live, l’un des plus illustres fils de la savante cité.
Au moment de la naissance de Mantegna, Padoue se souvenait
encore de son ancienne autonomie. Ce n’est qu’en 1405 que la ville
s’était rendue à la République de Venise : bientôt après le cardinal
Zabarella avait solennellement remis au doge le gonfalon municipal.
L’établissement nouveau ne se fit pas sans quelque lutte. Mantegna,
en son enfance, put assister aux convulsions dernières : il entendit
raconter du moins comment, en 1435, Marsilio da Carrara, fils du
dernier seigneur François II, que la République de Venise avait fait
étrangler, essaya vainement de délivrer Padoue et comment, ayant
été appréhendé par les Vénitiens peu cléments, il fut décapité entre
les colonnes de la Piazzetta. On sait même le nom de quelques-uns
des imprudents que Marsilio avait entraînés dans sa tentative de
révolte. Parmi ces ennemis de Venise figure un certain Jacopo
Squarcione qui, il est à peine utile de le dire, n’est point le peintre
que nous rencontrerons bientôt,-mais qui, selon toutes les apparences,
devait être de sa famille. Jacopo Squarcione fut pendu. Ces tragédies
redites à un enfant étaient bien faites pour lui donner un air
sérieux.
De quelle maison sortait Mantegna? On connaît le prénom de son
père, Biagio : on ignore quel rang il tenait dans le monde. Vasari
avait entendu dire que Mantegna était à’umilissima stirpe et que,
comme un autre Giotto, il avait gardé des troupeaux dans la
campagne. Cette croyance est bien celle d’un temps où la bergerie
conduisait à tout. De ces premières occupations rustiques, on ne sait
rien. S’il est vrai que Mantegna ait eu des moutons, il les abandonna
de grand matin et n’y revint plus. Il était encore enfant qu’il faisait
déjà œuvre de peintre.
On hésite à croire tout ce que racontent les livres, mais on est
bien obligé de s’incliner devant le document authentique. Il existait
à Padoue une corporation d’artistes, une association connue sous le
nom de la Fraglia. Nous en avons les statuts ou du moins le Dr Gaye
en a reproduit un fragment d’après un texte de 1441 L On conserve
en outre le registre où s’inscrivaient au fur et à mesure les noms des
G Carteggio inedito d’artisti, 1840, II, p. 43.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
n’a pas été authentiquement déterminé : il vint de très bonne heure
à la ville, et il s’est toujours considéré comme Padouan. Il a plus
d’une fois ajouté à son nom le titre de Patavinus, fort respecté alors,
car il donnait à ceux qui le pouvaient prendre une sorte de parenté
lointaine avec Tite-Live, l’un des plus illustres fils de la savante cité.
Au moment de la naissance de Mantegna, Padoue se souvenait
encore de son ancienne autonomie. Ce n’est qu’en 1405 que la ville
s’était rendue à la République de Venise : bientôt après le cardinal
Zabarella avait solennellement remis au doge le gonfalon municipal.
L’établissement nouveau ne se fit pas sans quelque lutte. Mantegna,
en son enfance, put assister aux convulsions dernières : il entendit
raconter du moins comment, en 1435, Marsilio da Carrara, fils du
dernier seigneur François II, que la République de Venise avait fait
étrangler, essaya vainement de délivrer Padoue et comment, ayant
été appréhendé par les Vénitiens peu cléments, il fut décapité entre
les colonnes de la Piazzetta. On sait même le nom de quelques-uns
des imprudents que Marsilio avait entraînés dans sa tentative de
révolte. Parmi ces ennemis de Venise figure un certain Jacopo
Squarcione qui, il est à peine utile de le dire, n’est point le peintre
que nous rencontrerons bientôt,-mais qui, selon toutes les apparences,
devait être de sa famille. Jacopo Squarcione fut pendu. Ces tragédies
redites à un enfant étaient bien faites pour lui donner un air
sérieux.
De quelle maison sortait Mantegna? On connaît le prénom de son
père, Biagio : on ignore quel rang il tenait dans le monde. Vasari
avait entendu dire que Mantegna était à’umilissima stirpe et que,
comme un autre Giotto, il avait gardé des troupeaux dans la
campagne. Cette croyance est bien celle d’un temps où la bergerie
conduisait à tout. De ces premières occupations rustiques, on ne sait
rien. S’il est vrai que Mantegna ait eu des moutons, il les abandonna
de grand matin et n’y revint plus. Il était encore enfant qu’il faisait
déjà œuvre de peintre.
On hésite à croire tout ce que racontent les livres, mais on est
bien obligé de s’incliner devant le document authentique. Il existait
à Padoue une corporation d’artistes, une association connue sous le
nom de la Fraglia. Nous en avons les statuts ou du moins le Dr Gaye
en a reproduit un fragment d’après un texte de 1441 L On conserve
en outre le registre où s’inscrivaient au fur et à mesure les noms des
G Carteggio inedito d’artisti, 1840, II, p. 43.