Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art (2. Pér. 33.1886)

LES PETITS SALONS,

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la vérité. Ses sujets préférés n’empruntent rien aux élégances convenues; il les
traite naïvement et sans artifices, tels que la nature les met sous ses yeux. La Belh
est une scène d’un réalisme paisible et doux qui n’est point pour inquiéter les gens
délicats. Un vieux paysan et sa femme, faute de passe-temps plus capiteux, char
ment leurs loisirs à l’aide d'une partie de cartes dont le résultat sera décisif. 11 y
a là un bon effet de lumière intérieure, caressant, dans une clarté adoucie, les menus
objets qui décorent la rustique chambrette. Ce tableau n’est pas le seul qu’expose
M. Brouillet. Son portrait de jeune fille trahit une curieuse préoccupation du procédé
des maîtres anciens, qui, supprimant des ombres condamnables, modelaient leurs
ligures dans les tons clairs d’une atmosphère transparente. — L’effort est louable et
M. Brouillet n’a point mal réussi ; mais pourquoi le peintre, peu soucieux du charme
de la couleur, a-t-il enlevé sur un fond indigo son héroïne velue de pistache? C’est
là une faute de goût; on peut aussi reprocher à T artiste l'arrangement provincial
du costume et du chapeau; à l’élégant petit Salon de la place Vendôme, ces erreurs
de toilette risquent de soulever de féminines réprobations.

Si, pour la consolation des critiques, de vaillants jeunes peintres marquent dans
chaque œuvre nouvelle un effort et un progrès, d’autres, vivant sur leurs gloires
anciennes, s’exposent à perdre peu à peu la place conquise. Dès longtemps déjà,
on a jeté àM. Carolus Duran un cri d’alarme; mais, des hautes régions où il plane,
il n’a pas voulu entendre. Le maître s’abandonne parfois, et ce sont aujourd’hui
moins de bons portraits qui sortent de son atelier que des esquisses pleines encore
de verve et de brio, mais qui contiennent de regrettables négligences, de visibles
insuffisances de dessin ou de modelé. C’est le défaut du portrait de M. Louis
de T... au cercle Volney. Le portrait d’enfant exposé au Cercle de la place Vendôme
n’est pas non plus, il s’en faut, une œuvre qui puisse augmenter la réputation de
l’artiste. Heureusement, la bonne figure de l’ami Nadar intervient pour dissiper
notre mélancolie et nous rassurer : ia tète vivante aux yeux intelligents, le débraillé
familier de l’homme à la vareuse rouge, tout est enlevé avec une fougue endia-
blée, troussé en quelques heures.... en quelques heures, oui; et c’est là le danger si
M. Carolus Duran n’y prend garde.

Un bon portrait ne se fait pas en quelques heures, ni même un mauvais.
Demandez plutôt à M. Cabanel, qui prend certainement une peine énorme pour
donner un peu de vie à ses figures, un peu de mouvement à ses personnages. Mais
il aura beau faire, rien ne saurait animer sa jeune fille en rose, ni la faire sourire;
ce qui se comprend, du reste, lorsqu’on se voit affligée de bras verts comme ceux
dont il a doté son infortuné modèle. Dans le portrait où l’artiste s’est représenté
lui-même, M. Cabanel se prépare à peindre avec une cigarette, ce qui est un
procédé complètement inusité. Puisse-t-il lui réussir mieux que 11e lui ont, en ces
dernières années, réussi les pinceaux. La vie est absente dans cette peinture
décolorée qui, d’après le catalogue, est destinée au Musée des académiciens à
Anvers. Heureusement pour M. Cabanel, Rubens n’est plus là!

Dans un sentiment d’une banalité absolue, M. Jacquet envoie un portrait de
femme qui semblerait, par l’arrangement des cheveux et du costume, un vague
pastiche de Largillière. L’imitation n’est pas heureuse; le procédé souple et large
du maître ancien n’est point à la portée des pinceaux indigents, et jamais Largillière
ne sera le patron des peintres sur porcelaine.

Si la faïence émaillée nous révolte profondément en matière de portraits, le