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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2. Pér. 33.1886

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Nr. 3
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Gilbert, Paul: Les petits salons
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https://doi.org/10.11588/diglit.19427#0279

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250

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

C’est, du reste, un des excellents côtés de ces expositions restreintes de
permettre aux artistes l'envoi d’œuvres peu solennelles, inachevées parfois, sortes
d’impressions familières, notes d’art réservées pour l’intimité et dont la tenue
négligée ne serait point de mise à la grande réception des Champs-Elysées.
M. Émile Barau expose une étude de paysage très peu faite, mais qui contient de
charmantes qualités. L’harmonie en est fine, avec une grande limpidité dans l’air
et dans la transparence des eaux où se reflètent les troncs d’arbres et les talus
couverts de feuilles tombées. — L’impression est juste et écrite, tout en n’étant
qu’une impression. M. Barau est un naturaliste.

D’autres sont poètes. C’est avec une inexprimable douceur que nous nous laissons
aller au charme reposant qu’exhale le Village de Pêcheurs, de M. Cazin. Un des
bonheurs les plus subtils qui soient permis aux délicats, c’est de s’asseoir en face
d’un Cazin, de s’isoler autant que possible du monde environnant et d’écouter
chanter sa pensée. L’inspiration de l’artiste la fait naître et la berce doucement,
et c’est une rêverie vague de terrains disparaissants, de verdures assourdies, de
fleurs pâles balancées au souffle d’un vent tiède : vision consolante comme la
nature elle-même.

Le Salon des aquarellistes ne nous réserve point de telles émotions. Ici, à part
quelques artistes dont nous parlerons plus loin, le procédé tue l’inspiration,
l’application tue la pensée. Aux expositions de la rue de Sèze, deux groupes
sont en présence : les peintres et les brodeurs. Certes, les brodeurs y sont habiles,
et nous ne sommes point étonnés que leurs précieuses fioritures soient fort
appréciées des femmes, expertes en menus travaux d’aiguille. Nous laisserons
donc les œuvres de MM. de Beaumont, Dubufe, Maurice Leloir, etc... aux amateurs
de tapisserie au petit point, et nous nous occuperons d’artistes aux pratiques plus
larges et dont l’idéal comporte un plus vaste horizon.

M. James Tissot nous a toujours semblé fort intéressant. Ses préoccupations
anglaises le suivent partout, et nous ne saurions lui en faire un reproche, si c’est
en Angleterre qu’il trouve ces coins intimes, qui, baignés d’une lumière intérieure,
ont un cachet si fin et si véritablement original.

C’est en Angleterre aussi sans nul doute, car la France ne produit point de ces
visages-là, que M. Tissot voit passer ces figures de femmes à demi voilées d’ombre
dont un rayon capricieux éclaire le mystérieux sourire. La banalité n’est point le
fait du vaillant artiste, et chacune de ses œuvres est empreinte de cette grâce
étrange qui est chez lui une marque spéciale. C’est de plus un opiniâtre qui,
dédaignant les facilités relatives de l’aquarelle, cherche à l'élever à la hauteur de
toutes les difficultés et à lui faire exprimer plus que ce qu’elle est habituée à dire.

Les aquarelles de M. Victor Gilbert n’ont point d’ambitions aussi hautes ; elles
se contentent de donner tout ce que peut donner un pinceau vif et spirituel
groupant dans la gamme gaie d’un coloris éclatant les bouquets de la marchande
de fleurs, les bottes de coucous et de lilas blanc; plus loin, ce sont des religieuses
qui préparent leur chapelle, et là encore des profusions de fleurs, des chansons
de roses. Si les bouquets de M. Victor Gilbert réjouissent les yeux, les chiens de
M. Claude ont droit à la sympathie; c’est avec infiniment d’esprit dans l'idée et
l’exécution que M. Claude nous intéresse au héros victorieux, mais mélancolique,
lauréat du concours, premier prix du Conservatoire des chiens, enfermé tout seul
dans sa stalle.
 
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