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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2. Pér. 33.1886

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Gilbert, Paul: Les petits salons
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https://doi.org/10.11588/diglit.19427#0280

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LES PETITS SALONS.

251

Bien qu’il puisse paraître un peu étrange, M. Besnard cherche la vérité, et si
souvent il passe à côté, parfois il a des rencontres heureuses. Il ne faudrait pas
exalter outre mesure cette absence de dessin et de style, mais on peut reconnaître
à M. Besnard de certaines fraîcheurs de coloration, des trouvailles inattendues.
Ses tètes d’enfants ou de jeunes filles lumineuses et bien individuelles ont une
saveur singulière dont on reste un instant charmé.

On fait, paraît-il, grand tapage autour des illustrations de M. Boutet de Monvel ;
cet enthousiasme nous paraît peu motivé, car les imageries de M. de Monvel ne
sont que des imitations des amusantes vignettes de Kate Greenaway et de W. Crâne.

Il vaut mieux revenir au doux spectacle des prairies, des rivières tranquilles et
des matins de printemps.

Le paysage est fort bien représenté à l’exposition des aquarellistes. M. Yon
envoie des études dont les procédés simples et larges rappellent de loin le grand
style de M. Harpignics. M. Flameng a essayé de rendre l’aspect d’un paysage brillé
par le soleil et il y a réussi, sauf en ce qui concerne les figurines qui animent
la campagne et que la lumière dévore sans qu’il en reste autre chose que des fan-
tômes vaguement entrevus. L’action du soleil, si absorbante soit-elle, ne réduit
pas ainsi l'importance des figures; mais malgré cette critique, l’oeuvre du jeune
artiste n’en reste pas moins très juste d’aspect, largement et lumineusement peinte.

Les petits coins choisis par M. Heilbuth sont plus doux et la lumière dont il les
baigne, loin de brûler ses personnages, les caresse et les enveloppe. Ce ne sont que
fouillis délicieux et frais, cours de fermes, dessous de bois ombrés, margelles de
pierre où se penche un visage jeune et souriant, rivières transparentes et vertes
sur lesquelles les chairs nues d’enfants au bain jettent de délicates fleurs roses.
M. Heilbuth est depuis longtemps maître parmi les maîtres de l’aquarelle ; son
pinceau facile, son exécution large connaissent de longue date les séductions de
cet art charmant.

M. Harpignies est plus austère et parle un langage moins séduisant, mais il
parle avec la certitude puissante d’un art loyal et simple; ici nulle mièvrerie,
nulle concession faite aux élégances menteuses ; c’est la nature sincère et un peu
farouche dans sa simplicité. Dans ce talent si sûr quelle variété! que de notes
différentes ! Le Village de Saint-Privé avec ses maisonnettes aux toits sombres, les
études d’arbres noirs aux silhouettes désolées, les effets de printemps, les levers
de lune et les couchers de soleil aux belles verdures montées, toutes ces études
superbes disent la puissance de cet art consciencieux dont si peu de représentants
restent encore et qui tend malheureusement à disparaître. La fantaisie prend peu
à peu la place du style.

Avec M. Duez, on ne songe point à le regretter. C’est sans réserve qu’il faut
admirer ses touffes de chrysanthèmes dont les panaches jaunes ou pourprés se
détachent avec une richesse de tons splendides sur des fonds de mer verdâtres ou
gris. Ces gerbes de fleurs, balancées sur leurs hautes tiges, s’élancent aux premiers
plans, spontanément écloses; leur élan est d’une grâce charmante. Le poème des
hortensias bleus sur les pâleurs environnantes chante avec une délicate harmonie.
M. Duez nous fournit une occasion nouvelle de redire ce que nous avons maintes
fois écrit : c’est qu’il est parmi les modernes un des plus habiles à faire jouer dans
la couleur le libre caprice du pinceau.

PAUL GILBERT.
 
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