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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2. Pér. 34.1886

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Nr. 2
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Mantz, Paul: Andrea Mantegna, 5
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https://doi.org/10.11588/diglit.19428#0124

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

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François de Gonzague, lui aussi, vit dans l’aventure une victoire
italienne et il résolut de célébrer sa gloire par un monument durable.
De là le tableau fameux demandé à Andrea pour la petite église de la
Madonna délia Yittoria ; de là une des merveilles du Louvre.

Dans cette peinture de 1495, le vieux Mantegna nous donne comme
un résumé de son idéal, je veux dire qu’il mêle aux souvenirs de sa
jeunesse et de sa propre tradition les fiertés définitives de sa manière
et le parti pris d’une science consommée. L’œuvre a de plus un autre
caractère : elle marque un retour très hardi vers la couleur, à laquelle
le maître avait dans une certaine mesure imposé silence lorsqu’il
revêtait de tons mats et sourds le long cortège de César triomphant.
Dans la Madonna délia Vittoria, dont la date est incontestable, car le
tableau fut placé sur l’autel de la chiesetta le 6 juillet 1496, anniver-
saire de la bataille de Fornoue, les inspirations de l’art antique sont
volontairement délaissées; Mantegna est tout à fait moderne, et dans
l’ordre des sujets religieux il résume, avec gravité, mais non sans
caprice, la formule du xv° siècle finissant.

Ce que j’appelle ici le caprice, c’est le décor. La Vierge, tenant
sur l’un de ses genoux, l’enfant Jésus, debout, nu et robuste, est
assise sur un trône qu’entoure et que surmonte un encadrement d’un
luxe inimaginable. C’est comme un berceau de feuillages et de
guirlandes enveloppant un arc plein cintre, auquel est suspendu un
rameau de corail attaché à la voûte ainsi qu’une lampe au plafond
d’un temple : des oiseaux, des fruits éclatants se mêlent aux verdures
des feuillages dont l’entrelacement largement ajouré laisse voir par
des ouvertures symétriques les beaux bleus d’un ciel italien. C’est
sous cette arcade végétale et fleurie qu’est placé le siège où trône la
Vierge : un bas-relief, peint en grisaille et représentant Adam et Ève
debout près de l’arbre défendu, décore le soubassement du petit édicule.
La Vierge se penche, elle étend une main protectrice sur le front du
donateur agenouillé à ses pieds. Ce donateur, c’est François de
Gonzague, tète nue, mais cuirassé et éperonné comme il convient à
celui qui, l’autre jour encore, commandait les troupes vénitiennes.
S’il remercie la Madone, c’est bien moins de lui avoir accordé une
victoire chimérique et contestée, que de lui avoir sauvé la vie, car,
il fut serré do près à Fornoue et, — si Michelet a su compter les
morts, — il vit tomber autour de lui cinq ou six de ses parents. De
pareils services valent bien une action de grâces et un tableau.

Derrière le marquis sont placés deux saints debout et superbes :
l’un est l’archange saint Michel, appuyant la main sur une formidable
 
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