ANDREA MANTEGNA.
119
Le maître se sentait vieillir. Peut-être devinait-il qu’il serait
prochainement arrêté dans son œuvre : il voulait pourvoir à des
intérêts qui lui étaient chers, ceux de ses enfants. Il maria sa fille
unique, Taddea, avec un personnage, Antonio Viani, dont l’histoire
n’a pas conservé le souvenir. Nous avons l’acte notarié, en date
du 4 juillet 1499, par lequel le nouvel époux déclare avoir reçu la
dot assignée à Taddea par son père. A vrai dire, c’est là tout ce que
nous savons de Taddea et du mari que Mantegna lui avait donné.
Dans les documents postérieurs, où il consigna ses dernières volontés,
le maître nous parle de ses deux fils Lodovico et Francesco, il nous
révèle l’existence d’un jeune garçon, Giovanni Andrea, dont la
naissance fut peu régulière et qu’il paraît avoir chèrement aiipé ;
mais il ne nous dit plus rien de Taddea. On regrette d’en savoir si
peu sur son compte. Impossible de croire que la fille du grand
Mantegna ait été un créature inutile et vulgaire.
Pendant les derniers mois de 1499 et les quatre premières années
du xvie siècle, les documents gardent à propos de Mantegna un silence
cruel. C’est là une lacune des plus regrettables, car le moment
historique est singulièrement intéressant : c’est l’heure enchantée et
féconde où quelque chose de l’àme italienne se mêle à l’âme française.
Louis XII et François de Gonzague ont chassé ensemble à Pavie, le
roi de France est entré à Milan, il a près de lui, lors de cette prome-
nade, son peintre Jehan Perréal, et celui-ci est en relation avec le
marquis de Mantoue, il lui écrit, il se proclame son « esclave »,
imitant ici Mantegna qui, lui aussi, se dit le servulus de Gonzague.
Si Perréal avait fait quelques pas de plus en terre lombarde et suivi
son patron, il serait arrivé à Mantoue, il aurait eu la joie de voir
Andrea et ses grandes œuvres (novembre 1499).
Mais, je l’ai dit, au cours des années franco-italiennes qui mar-
quent le début du siècle nouveau, pendant que François de Gonzague,
est avec nous, et que Louis XII l’appelle « son cousin », les archives
nous parlent à peine de Mantegna. Le marquis Campori a cependant
trouvé une lettre de 1501 dans laquelle un gentilhomme de Ferrare
raconte qu’il a eu l'honneur d’assister, au palais de Mantoue, à une
représentation théâtrale et que la salle était décorée des Triomphes de
Pétrarque, par Mantegna. C’est là un fait nouveau dans la vie du maître ;
mais, depuis que Baschet nous l’a révélé, aucun document n’est venu
préciser l’existence de cette œuvre mystérieuse, ou, du moins, in-
connue des biographes. Ce qui est certain, c’est qu’à ce moment
Mantegna travaillait pour sa protectrice Isabelle d’Este, plus que
119
Le maître se sentait vieillir. Peut-être devinait-il qu’il serait
prochainement arrêté dans son œuvre : il voulait pourvoir à des
intérêts qui lui étaient chers, ceux de ses enfants. Il maria sa fille
unique, Taddea, avec un personnage, Antonio Viani, dont l’histoire
n’a pas conservé le souvenir. Nous avons l’acte notarié, en date
du 4 juillet 1499, par lequel le nouvel époux déclare avoir reçu la
dot assignée à Taddea par son père. A vrai dire, c’est là tout ce que
nous savons de Taddea et du mari que Mantegna lui avait donné.
Dans les documents postérieurs, où il consigna ses dernières volontés,
le maître nous parle de ses deux fils Lodovico et Francesco, il nous
révèle l’existence d’un jeune garçon, Giovanni Andrea, dont la
naissance fut peu régulière et qu’il paraît avoir chèrement aiipé ;
mais il ne nous dit plus rien de Taddea. On regrette d’en savoir si
peu sur son compte. Impossible de croire que la fille du grand
Mantegna ait été un créature inutile et vulgaire.
Pendant les derniers mois de 1499 et les quatre premières années
du xvie siècle, les documents gardent à propos de Mantegna un silence
cruel. C’est là une lacune des plus regrettables, car le moment
historique est singulièrement intéressant : c’est l’heure enchantée et
féconde où quelque chose de l’àme italienne se mêle à l’âme française.
Louis XII et François de Gonzague ont chassé ensemble à Pavie, le
roi de France est entré à Milan, il a près de lui, lors de cette prome-
nade, son peintre Jehan Perréal, et celui-ci est en relation avec le
marquis de Mantoue, il lui écrit, il se proclame son « esclave »,
imitant ici Mantegna qui, lui aussi, se dit le servulus de Gonzague.
Si Perréal avait fait quelques pas de plus en terre lombarde et suivi
son patron, il serait arrivé à Mantoue, il aurait eu la joie de voir
Andrea et ses grandes œuvres (novembre 1499).
Mais, je l’ai dit, au cours des années franco-italiennes qui mar-
quent le début du siècle nouveau, pendant que François de Gonzague,
est avec nous, et que Louis XII l’appelle « son cousin », les archives
nous parlent à peine de Mantegna. Le marquis Campori a cependant
trouvé une lettre de 1501 dans laquelle un gentilhomme de Ferrare
raconte qu’il a eu l'honneur d’assister, au palais de Mantoue, à une
représentation théâtrale et que la salle était décorée des Triomphes de
Pétrarque, par Mantegna. C’est là un fait nouveau dans la vie du maître ;
mais, depuis que Baschet nous l’a révélé, aucun document n’est venu
préciser l’existence de cette œuvre mystérieuse, ou, du moins, in-
connue des biographes. Ce qui est certain, c’est qu’à ce moment
Mantegna travaillait pour sa protectrice Isabelle d’Este, plus que