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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2. Pér. 34.1886

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Nr. 2
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Mantz, Paul: Andrea Mantegna, 5
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https://doi.org/10.11588/diglit.19428#0136

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126

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

qu’on la nomme, a fait de nombreuses victimes; les plus humbles
denrées atteignent des prix inabordables ; Isabelle d’Este, fuyant le
mauvais air, est à sa villa de Sacchetta; mais elle n’oublie point que
Mantegna possède un marbre précieux et elle lui envoie son serviteur
Jacopo Calandra, pour marchander le buste de Faustine (15 juillet).
La marquise de Mantoue finit, avec la collaboration de la misère,
par avoir raison des résistances du vieux maître. Le 1er août, Calandra
écrit qu’il a la Faustine; Mantegna la lui a remise en la lui recom-
mandant comme un trésor, en faisant ses adieux à ce marbre comme
à un ami des bonnes et des mauvaises heures. On emportait le buste,
et il voulait le revoir encore. Et vraiment, il est impossible de ne
pas dire qu’en cette circonstance Isabelle d’Este aurait pu avoir une
attitude plus généreuse. Comment n’a-t-elle pas eu la pensée de
laisser au vieux Mantegna la jouissance du marbre qu’il aimait? Elle
n’aurait attendu que quelques jours.

Et, en effet, cinq semaines après cet adieu suprême adressé à
l’art antique, Andrea Mantegna, chargé de gloire et abreuvé de toutes
les mélancolies, mourut à Mantoue, le dimanche 13 septembre 1506.
Deux jours après, son fils Francesco informait de l’événement Fran-
çois de Gonzague, qui était alors à Pérouse comme capitaine général
de la sainte Eglise. La grandeur de la perte infligée à l’art éternel
ne fut pas comprise de tout le monde. Le 21, Isabelle d’Este écrit à
son mari, et c’est dans une phrase négligemment mêlée à des choses
banales qu’elle lui dit qu’Andrea est mort subito depuis son départ.
Un reste de la rudesse du xve siècle régnait encore dans les âmes.
Seuls, et bien peu nombreux, les passionnés sentirent au cœur une
blessure. Albert Durer était alors à Venise : il connaissait le maître
par ses estampes, et il se proposait d’aller à Mantoue pour saluer le
prophète de l’art moderne. Cette joie ne lui fut pas donnée : il dut
rentrer en Allemagne sans avoir vu le héros. On a plusieurs fois
entendu dire au peintre de Nuremberg que la mort de Mantegna,
survenant à la veille d’une visite espérée, avait été une des douleurs
de sa vie.

PAUL MANTZ.

(La fin prochainement.)
 
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