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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 34.1905

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Nr. 1
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Momméja, Jules: Un tableau de Goya du Musée de Lille
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https://doi.org/10.11588/diglit.24816#0054

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42 GAZETTE DES BEAUX-ARTS

Mais Goya est plus encore un pessimiste qu’un voluptueux, peut-
être à cause de sa surdité; aussi n’a-t-il pu s’empêcher de donner
comme repoussoir à celle dont il a si étrangement étalé les charmes
un groupe de loqueteuses exténuées de fatigue et de chaleur. Et
tout cela montre combien a été méconnu le génial artiste, même
par ceux qui l’ont révélé.

« C’est, de toute évidence, dans la peinture de genre que réside
la meilleure part du talent de Goya », a dit M. Paul Lefort. Nul
genriste ne s’est, en effet, trouvé, dans l’histoire de l’art, aussi fécond,
aussi varié, aussi spirituel, aussi profondément amoureux de la
vie; mais on en chercherait vainement un seul, même parmi les
plus grands, qui ait imprégné ses œuvres d’une aussi hautaine philo-
sophie et d’un aussi méprisant scepticisme. Dans ses ciels tourmentés
ce n’est pas la chauve-souris, compagne de la Mélancolie d’Albert
Dürer, qui déploie ses ailes, mais le génie même de la Révolte et du
Blasphème, inspirateur peu familier aux peintres de tous les temps
avant ce fils démoniaque de l’art espagnol.

Un demi-siècle avant, Hogarth, il est vrai, avait placé une leçon
morale dans chacun de ses tableaux qui ressemblaient beaucoup
trop à ses sermons. Devançant non seulement Byron et Shelley,
mais même les plus inexorables démolisseurs modernes, l’amant
de la duchesse d’Albe cacha une satire sociale dans chacune de ses
scènes de mœurs, et, si on ne les a pas étudiées de très près, on ne
saurait comprendre tout ce qu’il a dépensé ainsi de haines, de mépi’is,
d’aspirations férocement égalitaires...

Selon le point de vue où l’on se place, on peut approuver ou
maudire ses Caprices formidables, mais on ne saurait méconnaître
que Francisco Goya ait été un des plus acharnés belluaires qui
aient lutté corps à corps avec les mensonges et les injustices de la
société, ou, pour dire mieux, de l’humanité et i’on est en droit de
se demander si le titre bénin de peintre de genre convient bien à
un aussi effrayant remueur d’idées.

J UX.ES MOMMÉJ A
 
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